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II.B.2.a. SDS-PAGE

Pour séparer des protéines selon leur taille, on emploie classiquement la technique de dodécylsulfate de sodium-électrophorèse en gel de polyacrylamide (SDS-PAGE). Dans cette technique, les échantillons sont chauffés au préalable en présence de SDS, ce qui va les dénaturer (par rupture des liaisons non-covalentes) tout en leur conférant une charge négative uniforme proportionnelle à leur taille. Ainsi, les protéines complexées au SDS vont être séparées selon leur masse (leur densité de charges étant approximativement la même) dans le gel de polyacrylamide soumis à un champ électrique (Brunelle 2014, Zhu 2012). Les protéines peuvent être analysées sous une forme réduite ou non. Dans le premier cas on utilisera un agent réducteur tel que le β-mercaptoéthanol ou le dithiothréitol, et un agent alkylant pour empêcher le réappariement des ponts disulfures durant la préparation des échantillons. La détection est généralement réalisée avec une coloration du gel au bleu de Coomassie ou avec du nitrate d’argent.

Le SDS-PAGE est une méthode très utilisée pour contrôler la pureté, l’homogénéité des lots et la stabilité d’une protéine thérapeutique (Nebija 2014, Hunt 1996, Derby 1996, Bennett 1994). Par exemple, Filipe et al ont réalisé des études de stabilité d’une immunoglobuline G (IgG) (Filipe 2012). L’IgG a été soumise à différents stress physiques ou chimiques : congélation/décongélation, variation de pH, exposition à la chaleur, agitation et oxydation catalysée par un métal (Fig. 21). Dans des conditions non-réductrices (Fig. 21A), toutes les formulations présentent une bande majeure autour de 150 kDa, qui correspond au monomère de l’IgG. Des bandes fines sont également observées à des masses plus faibles, en particulier pour l’échantillon oxydé, indiquant de la fragmentation. Dans des conditions réductrices (Fig. 21B), toutes les formulations présentent deux bandes principales autour de 50 et 25 kDa, issues des chaînes lourdes et légères. Les formulations non soumises à des stress ou ayant subi un cycle de congélation/décongélation, une exposition à la chaleur ou une agitation présentent également des bandes à 75, 125 et 150 kDa. Ces bandes correspondent à une combinaison de fragments issus des chaînes lourdes et légères, prouvant que tous les ponts disulfures n’ont pas été rompus.

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Figure 21 : Analyses SDS-PAGE d’une IgG soumise ou non à différents stress :

A) conditions non-réductrices, B) conditions réductrices. Adapté de Filipe 2012.

La technique PAGE peut également être réalisée sans emploi de SDS, dans ce cas on parle de PAGE natif. Cette variante permet de ne pas dénaturer la protéine et donc de préserver sa conformation, ou encore d’éviter de dissocier des dimères ou polymères non-covalents. Très récemment, Naldi et al. ont développé une méthode en PAGE natif permettant de séparer les monomères et dimères de l’HSA, par analyse d’échantillons d’albumine provenant de sujets sains ou atteints de maladie du foie (Naldi 2015). Bien que cela ne concerne pas l’analyse d’HSA en tant que médicament, il nous semble intéressant d’évoquer cette méthode qui permet une jolie séparation des monomères et dimères de l’HSA. Le PAGE natif a également été employé pour analyser l’hétérodimère de l’AT (voir chapitre 1). La figure 22 suivante en est une illustration.

Figure 22 : Analyse par PAGE natif de mélanges équimolaires d’α-AT (à gauche) ou de

β-AT (à droite) et de forme latente (L). Ce gel montre que, dans les deux cas, il y a formation instantanée d’hétérodimère et que celui-ci reste intègre après avoir été exposé pendant 7 jours à température ambiante. Issu de Zhou 1999.

90 Le PAGE natif permet également de séparer des isoformes de charge qui ne seraient pas séparées par SDS-PAGE. Par exemple, Radko et al. ont comparé l’analyse d’une protéine recombinante fluorescente, la rEGFP, par SDS-PAGE et PAGE natif (Radko 1999). Ils ont ainsi montré que la technique de PAGE natif permettait de séparer quatre composés (quatre bandes) alors que le gel obtenu par SDS-PAGE ne présentait qu’une seule bande (Fig. 23).

Figure 23 : Analyses PAGE de rEGFP (« recombinant red-shifted green fluorescent

protein ») : A) par SDS-PAGE, B) par PAGE natif. Issu de Radko 1999.

Bien que très utilisée dans les industries pharmaceutiques, la technique de SDS-PAGE présente plusieurs inconvénients tels que l’emploi d’agents toxiques, une faible reproductibilité associée aux étapes de coloration/décoloration, des temps d’analyse longs et la difficulté d’automatisation.

II.B.2.b. Isoélectrofocalisation en gel (IEF)

La technique d’isoélectrofocalisation en gel (IEF) est une autre technique électrophorétique couramment utilisée pour caractériser les protéines thérapeutiques (Taverna 1998). Cette méthode sépare les protéines dans un gradient de pH créé par des molécules ampholytes porteuses (Gianazza 1995). Les molécules chargées migrent dans le champ électrique appliqué jusqu’à ce qu’elles atteignent la région de pH correspondant à leur point isoélectrique (pI). Leur charge nette devient alors nulle et elles s’immobilisent. Les molécules qui diffusent hors de leur région isoélectrique deviennent chargées et migrent à nouveau dans leur zone d’équilibre, où elles vont se focaliser en bandes étroites. Ces bandes sont alors visualisées à l’aide d’agents colorants et évaluées par densitométrie. Une autre option consiste à incuber les gels, juste après l’étape de séparation, dans un tampon à base de SDS afin de les

91 soumettre à une analyse par SDS-PAGE (on parle dans ce cas d’analyse en gel bidimensionnelle).

L’IEF est très utilisée pour étudier l’hétérogénéité de charge d’une protéine. Par exemple, les anticorps monoclonaux sont souvent analysés par cette technique (Staub 2011, Li 2007, Hunt 1996), qui permet de séparer des molécules dont la différence de pI est seulement de 0.01 unité de pH. A titre d’exemple, la figure 24 présente l’analyse d’une protéine de fusion recombinante par gel IEF (Sosic 2008). Dans cette expérience, 10 µg d’échantillon ont été déposés par bande de gel. Différents marqueurs, dont le pI est compris entre 3 et 10, ont été déposés en parallèle. L’analyse par IEF permet de séparer un grand nombre de variants de charge de la protéine de fusion. Ces variants peuvent être dus, entre autres, à de la déamidation ou à une hétérogénéité en N-terminal.

Figure 24 : Analyse d’une protéine de fusion recombinante par gel IEF. Séparation de

nombreuses bandes qui correspondent à des variants de charge. Issu de Sosic 2008.

Un des principaux inconvénients de l’IEF est que cette méthode est semi-quantitative. La séparation est en outre assez sensible à la présence de sels ou de contaminants de l’échantillon. De plus, les temps de préparation et d’analyse sont longs. Dans de nombreux cas, on préférera donc avoir recours à une méthode d’IEF en capillaire.

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