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b) Les dispositions anticontournement

3. LE CADRE JURIDIQUE ACTUEL

3.2 États-Unis d’Amérique

3.2.1 Cadre juridique

3.2.1.1. b) Les dispositions anticontournement

À haut niveau, les dispositions anticontournement du DMCA, qui donnent effet à l’article 11 du WCT et à l’article 18 du WPPT, tissent une matrice d’interdictions :

Acte de contournement Instruments de contournement Mesure technique de

contrôle d’accès

Interdit (art.1201.a)1)) Interdits (art. 1201.a)2)) Mesure technique de

protection du droit d’auteur

Non interdit (par le DMCA) Interdits (art. 1201.b))

Comme nous l’avons déjà indiqué, on peut considérer que les traités de l’OMPI exigent seulement une protection appropriée et efficace contre les actes de contournement et

seulement à l’égard des mesures utilisées pour protéger l’exercice par les auteurs des droits d’auteur qui leur sont reconnus par la Convention de Berne, le WCT et le WPPT. Toutefois, le DMCA va au-delà des exigences minimales des traités de l’OMPI en interdisant à la fois les actes et les produits ayant pour fin le contournement et à l’égard des mesures techniques de “contrôle d’accès” et de “protection du droit d’auteur” utilisées pour protéger les œuvres.

Article 1201.a) : cet article interdit les actes et les produits ayant pour fin le contournement des mesures techniques de contrôle d’accès. La définition du

“contournement” est vaste. Elle comprend le désembrouillage, le décryptage ou “tout autre procédé visant à éviter, contourner, supprimer, désactiver ou altérer une mesure technique sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur”46.

Le DMCA ne définit pas le terme “mesure technique”. En revanche, il définit si une mesure technique “contrôle efficacement l’accès à une œuvre” : l’accès est contrôlé “si la mesure, dans son fonctionnement ordinaire, suppose l’application d’informations, d’un processus ou d’un traitement, avec le consentement du titulaire du droit d’auteur, pour accéder à l’œuvre”47. L’histoire législative du DMCA donne à penser que le Congrès avait considéré que le cryptage et l’authentification feraient partie des mesures techniques de contrôle de

46 Article 1201.a)3)A) du titre 17 du Code des États-Unis d’Amérique.

47 Article 1201.a)3)B).

l’accès aux œuvres, tout en adoptant une définition suffisamment large pour tenir compte d’éventuelles innovations.

Parmi les diverses mesures techniques dont les tribunaux et le Librarian of Congress (conservateur de la bibliothèque du Congrès) ont déterminé qu’elles contrôlaient

effectivement l’accès aux œuvres figurent : les séquences d’authentification permettant de vérifier que le contenu a bien été diffusé sur un lecteur autorisé; le CSS, qui est utilisé pour protéger les DVD vidéo contre l’accès non autorisé; les codes régionaux utilisés sur les DVD vidéo pour les rendre lisibles dans certaines régions seulement; et les codes régionaux

appliqués aux jeux vidéo.

Article 1201.a)1) : cet article interdit le contournement des mesures techniques qui

“contrôlent efficacement l’accès à une œuvre”. Cette disposition rend purement et

simplement illégal tout acte de contournement, même accompli à des fins rigoureusement licites et autorisées par la loi sur le droit d’auteur. Au cours de l’examen du DMCA, l’une des questions les plus controversées a porté sur l’opportunité de prévoir expressément une

exception au titre de “l’usage loyal” (ou de tout autre principe similaire). Le Congrès a finalement conclu qu’aucune exception de cette sorte ne devrait être prévue et que le contournement, même aux fins d’un usage loyal, était illicite.

Toutefois, un certain compromis a été ménagé pour tenir compte des préoccupations relatives aux incidences de cette interdiction. Tout d’abord, la date d’entrée en vigueur de cet article a été repoussée de deux ans, soit jusqu’au 28 octobre 2000. Il s’agissait de permettre au Librarian of Congress, sur recommandation du Directeur de l’enregistrement des droits d’auteur, d’entreprendre une étude pour déterminer si cette interdiction aurait des

“conséquences regrettables” pour les utilisateurs d’œuvres protégées s’agissant d’utiliser de manière licite certaines classes d’œuvres. Ensuite, le DMCA impose au Librarian of

Congress de réaliser la même étude tous les trois ans par la suite. Cette procédure

réglementaire, les conclusions du Librarian of Congress en 2000 et l’étude en cours (qui doit être achevée courant 2003) sont décrites à la section 3.2.1.3.a).

D’autre part, en interdisant le contournement des mesures techniques de contrôle d’accès aux œuvres, le DMCA aurait indirectement créé pour les titulaires de droits un nouveau “droit d’accès” à leurs œuvres; quoi qu’il en soit, il est certain que l’exercice de ce nouveau droit est expressément subordonné à l’utilisation d’une mesure technique. Un tel droit d’accès n’est prévu ni dans la Convention de Berne ni dans le WCT.

Les bibliothécaires et d’autres utilisateurs ont fait valoir que ce nouveau droit – en l’absence d’un droit de contournement au titre de l’usage loyal – conduirait inexorablement à une nouvelle société de “paiement à l’utilisation”. Ils ont souligné que l’avenir serait

radicalement différent du monde traditionnel des copies tangibles, où l’utilisateur qui achète un livre ou un disque peut en profiter autant de fois qu’il le souhaite sans devoir payer de nouveau à chaque utilisation. Dans cette perspective, l’équilibre des intérêts entre les titulaires de droits et les utilisateurs garanti dans la loi sur le droit d’auteur des États-Unis d’Amérique était ou serait remis en cause.

Les titulaires de droits ont répondu à ces préoccupations en soulignant que le contrôle de l’accès pouvait favoriser l’émergence de modèles de distribution susceptibles de répondre à un plus large éventail de préférences des consommateurs. En effet, les utilisateurs

pourraient bien préférer payer pour une utilisation unique, plutôt que d’acheter le droit d’utiliser à plusieurs reprises un exemplaire commercialisé à un prix sans doute plus élevé.

Ils font également valoir que, s’il existe un marché pour un type particulier d’utilisation, ils feront tout pour répondre à cette demande.

Article 1201.a)2) : cet article interdit la fabrication, la vente, la mise à la disposition du public ou la fourniture (c’est-à-dire, le “trafic”) de toute technique, produit, service, dispositif, composant, ou partie de ceux-ci (c’est-à-dire, tout “instrument”) destiné à contourner une mesure technique de protection. Il convient de noter que même si une telle technologie dans son ensemble ne viole pas l’interdiction législative, n’importe quel élément – voire toute partie d’élément – peut être interdit. Toutefois, pour être interdit, un tel instrument doit remplir au moins l’une des trois conditions suivantes :

– être “principalement conçu ou produit pour contourner la mesure technique qui contrôle efficacement l’accès à une œuvre”48 ;

avoir “une destination ou une utilisation commercialement limitée en dehors du contournement d’une mesure technique qui contrôle efficacement l’accès à une œuvre”49 ; ou

– être “commercialisé par une personne, ou un tiers agissant de concert avec elle, qui possède les connaissances requises pour contourner une mesure technique qui contrôle

efficacement l’accès à une œuvre”50.

Ces trois critères indépendants étaient controversés à l’époque de l’adoption du DMCA et le restent aujourd’hui. En particulier, le critère selon lequel l’instrument doit être

“principalement conçu ou produit aux fin de contournement s’écarte considérablement du critère établi par la Cour suprême des États-Unis d’Amérique en 1984, dans une affaire portant sur la légalité du magnétoscope à cassettes Betamax de Sony. La Cour suprême a considéré que la responsabilité indirecte de Sony ne pouvait être engagée au titre des

pratiques des utilisateurs de Betamax en matière d’enregistrement à domicile, étant donné que le caméscope, comme d’autres articles courants du commerce, pouvait remplir des fonctions commercialement significatives ne portant pas atteinte au droit d’auteur51. Le DMCA interdit toutefois purement et simplement les instruments (dans la mesure où ils neutralisent des mesures techniques) en fonction de l’objectif principal de leur conception ou de leur production, indépendamment de la question de savoir s’ils peuvent être ou seront utilisés à des fins licites.

Pour répondre au tournant législatif en matière de responsabilité potentielle des

fabricants pour leurs produits, le Congrès a adopté l’article 1201.c)3), examiné ci-après dans la section 3.2.1.1.c).

Un autre point d’incertitude concerne la signification des termes “principalement conçu ou produit”. À cet égard, l’histoire législative du DMCA n’est pas claire. Toutefois, il semblerait que l’utilisation du terme “principalement” désigne uniquement le plus significatif des “objectifs”; il ne peut donc probablement exister qu’un seul objectif “principal”. Un instrument de contournement, mais qui vise des objectifs multiples d’égale importance, ne saurait donc avoir été “principalement conçu ou produit” aux fins de contournement.

Article 1201.b) : cet article interdit seulement le trafic d’instruments de contournement des techniques de protection des droits d’auteur d’un titulaire sur une œuvre ou une partie de

48 Article 1201.a)2)A).

49 Article 1201.a)2)B).

50 Article 1201.a)2)C).

51 Sony Corp c. Universal City Studios, Inc., 464 U.S. 417 (1984).

celle-ci. Pour être interdit, l’instrument doit remplir l’une au moins de trois conditions qui sont fondamentalement semblables à celles décrites ci-dessus52. Cet article définit également le contournement de la même manière que l’article 1201.a). Là encore, la mesure technique n’est pas définie, mais une telle mesure “protège efficacement le droit d’un titulaire de droits d’auteur” si, “dans son fonctionnement ordinaire, elle empêche, restreint, ou limite d’une autre manière l’exercice d’un droit [d’auteur] conféré à un titulaire”. En d’autres termes, si une mesure technique est utilisée pour empêcher une reproduction non autorisée, une distribution, une exécution ou une exposition publique non autorisées – c’est-à-dire, une

“utilisation” non autorisée du droit d’auteur – l’instrument de contournement est interdit (à condition que l’un des trois critères, comme celui de “l’objectif principal de la conception ou de la production”, soit rempli).

Il convient de noter que le DMCA n’interdit pas l’acte de contournement d’une mesure technique qui protège le droit exclusif d’un titulaire de droits d’auteur d’autoriser l’utilisation d’une œuvre. Le congrès a considéré qu’il n’était pas nécessaire que le DMCA lui-même interdise l’acte de contournement, afin de réaliser une copie d’une œuvre, par exemple, parce que, dans la plupart des cas, l’acte final – c’est-à-dire, la copie non autorisée – porterait atteinte au droit d’auteur. En conséquence, le titulaire des droits pourrait se prévaloir de la loi sur le droit d’auteur et le défendeur pourrait invoquer toutes les exceptions et limitations prévues par cette loi.