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B - Le manque d’intensité de l’accompagnement

Pour les allocataires effectivement pris en charge dans le cadre d’un accompagnement social ou socio-professionnel, l’intensité de celui-ci est très variable et difficile à caractériser car les systèmes d’information ne permettent que très rarement d’opérer un suivi précis. Deux indicateurs permettent néanmoins d’en apprécier la réalité et la substance.

Le premier est le ratio d’accompagnement, c’est-à-dire le nombre de personnes effectivement accompagnées rapporté au nombre de travailleurs sociaux affectés à cette mission. Ce taux peut être approché par la notion de

« file active » définie comme le nombre de personnes que les travailleurs sociaux ont pu effectivement recevoir sur une période de six mois.

Le second indicateur mesure la fréquence des rendez-vous d’accompagnement réalisés en moyenne pour chaque bénéficiaire du RSA.

1 - La file active des travailleurs sociaux

Aucun indicateur centralisé n’est disponible concernant la file active des travailleurs sociaux et conseillers d’insertion. Les travaux conduits dans les départements fournissent toutefois des ordres de grandeur intéressants. Le nombre de personnes effectivement suivies au cours des six derniers mois par travailleur social ou conseiller d’insertion peut ainsi être estimé en moyenne à une centaine dans le Bas-Rhin (dont 30 bénéficiaires du RSA). En Seine-Saint-Denis, il est de 120 au service social départemental et de 144 en accompagnement socio-professionnel (programme insertion emploi). Dans le Pas-de-Calais, il se situe autour de 77 et en Gironde autour de 55 (dont 39 bénéficiaires du RSA).

La comparaison de ces chiffres est difficile, puisqu’ils sont issus de méthodes d’estimation propres à chaque département. Ils suggèrent cependant que le portefeuille de chaque travailleur social est important.

Il faut également souligner que, selon les choix des départements, les travailleurs sociaux peuvent être spécialisés ou au contraire exercer des missions polyvalentes, auquel cas ils ne sont pas uniquement chargés de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Ils peuvent notamment assurer des permanences d’accueil social et être mobilisés pour la protection de l’enfance.

L’accompagnement polyvalent des travailleurs sociaux est à la fois une force, puisqu’il permet de prendre en compte la situation de la personne dans sa globalité, et une faiblesse, la diversité de situations et de problématiques à prendre en charge étant difficile à assumer avec le même degré de compétence et de professionnalisme. Par ailleurs, l’urgence, particulièrement dans les situations de protection de l’enfance, de violences conjugales ou de rupture d’hébergement, justifie pour les travailleurs sociaux polyvalents qui doivent les gérer une priorisation des interventions, qui se fait souvent au détriment de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Pour les mêmes raisons, en cas de vacance de poste, la priorité est généralement donnée aux missions de protection de l’enfance et aux situations d’urgence, plutôt qu’au suivi socio-professionnel.

Un accompagnement spécialisé pris en charge par un conseiller d’insertion permettrait d’améliorer la qualité de la prise en charge à visée professionnelle.

2 - La fréquence des entretiens

Le deuxième paramètre permettant de caractériser l’intensité de l’accompagnement est la fréquence des entretiens avec les bénéficiaires.

Les seuls chiffres globaux disponibles sont ceux issus du sondage mené auprès d’un échantillon de bénéficiaires du RSA dans le cadre de la présente évaluation. 60 % des personnes déclarent avoir eu entre zéro et trois rendez-vous d’accompagnement pendant l’année écoulée : 11 % n’en ont eu aucun, 17 % en ont eu un seul, 17 % en ont eu deux, 15 % en ont eu trois et 37 % en ont eu quatre ou plus. Ces chiffres doivent être pris avec précaution compte tenu de leur caractère déclaratif mais aussi de la confusion parfois observée entre l’organisme d’accompagnement et l’organisme payeur (CAF ou MSA) : il est probable qu’une partie des sondés a fait état de la totalité des rendez-vous dans ces deux types de structures.

Les rares études réalisées par les départements mettent également en lumière ce faible nombre d’entretiens. Dans le Pas-de-Calais, celui-ci est estimé entre deux et cinq par an en moyenne. À la Réunion, il est de 1,7 pour les bénéficiaires du RSA suivis par les conseillers en insertion, et d’un seul pour ceux accompagnés par des travailleurs sociaux du Département. Dans le Bas-Rhin, la ville de Strasbourg estime que 40 % des bénéficiaires du RSA qu’elle suit sont reçus lors de 3,6 entretiens par an en moyenne.

En Gironde, le Département a effectué l’analyse d’un échantillon de dossiers de bénéficiaires du RSA suivis par ses services en 2019, qui a montré qu’en moyenne, deux entretiens sont programmés dans l’année pour chaque bénéficiaire, avec un absentéisme aux rendez-vous de 30% en moyenne, conduisant à un nombre d’entretiens effectivement réalisé de 1,4. 44 % des bénéficiaires du RSA ont un rendez-vous par an, 35 % ont deux rendez-vous par an et 10,5 % aucun rendez-vous.

En Seine-Saint-Denis, une étude réalisée en 2016 montre que les bénéficiaires du RSA représentaient 35 % des 130 000 entretiens réalisés dans l’année. 28 % d’entre eux ont bénéficié d’au moins un entretien, 21 % de deux entretiens, 14 % de trois entretiens, 10 % de quatre entretiens et 26 % de cinq entretiens et plus. Concernant l’intensité de l’accompagnement socio-professionnel, trois entretiens individuels sont honorés par an en moyenne selon le Département (avec une fourchette allant de un à plus de dix, en fonction des situations, 88 % des personnes suivies ayant bénéficié de un à trois entretiens, 10 % de quatre à six et 2 % de sept et plus). Cette moyenne ne comptabilise ni les contacts téléphoniques, ni les échanges de mails, ni les actions et ateliers collectifs.

Tout comme pour la file active, ces chiffres témoignent de la faiblesse globale de l’accompagnement dispensé même s’ils ne constituent que des ordres de grandeur. Ils ne reflètent toutefois qu’imparfaitement la réalité des pratiques. En effet, les professionnels adaptent l’intensité de l’accompagnement en fonction des profils d’allocataires. Les plus fragiles, ou bien ceux dont ils estiment qu’ils le plus besoin de leur soutien font l’objet d’une attention plus soutenue, et peuvent être appelés toutes les deux semaines voire toutes les semaines, et être reçus fréquemment. À l’inverse, les personnes en attente de réorientation, ou bien celle qui sont engagées dans un projet plus abouti, ne bénéficient pas de la même assiduité. Cette différenciation des parcours n’est malheureusement pas documentée, faute d’indicateur de suivi suffisamment riche pour en rendre compte.

En outre, une proportion très significative des personnes orientées vers un service social départemental sont en attente d’autres droits (droits à pension, AAH) et ne bénéficient dans l’intervalle que d’un accompagnement virtuel. Cette proportion peut aller de 30 % à 70 % des personnes orientées selon les estimations des départements, ce qui dégage potentiellement du temps pour d’autres allocataires.

Cette faiblesse de l’accompagnement apparaît en décalage avec le constat du nombre important de bénéficiaires qui sont dans le dispositif depuis de longues années : selon la Drees, fin 2019, 36 % des bénéficiaires du RSA le sont depuis plus de cinq ans, et 15% depuis plus de dix ans. Pour

ces personnes très éloignées de l’emploi et peu suivies par les services sociaux (ou alors pour des motifs sans rapport avec l’objectif légal d’un parcours de réinsertion vers l’emploi), souvent marginalisées, la pertinence même du cadre défini autour de l’allocation RSA, et la notion de droits et devoir en particulier, n’est pas assurée.

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