• Aucun résultat trouvé

En optant pour une approche inter-dimensionnelle, articulant divers composites,

l’organisation de notre travail doit elle aussi être précisée. Elle atteste de notre

démarche communicationnelle et explicite a priori ce qui, selon nous, fait système.

Nous pouvons distinguer trois temps dans notre travail : d’abord une approche

archéologique de l’audiovisuel éducatif, ensuite un positionnement de l’offre

audiovisuelle éducative, puis, l’analyse des usages de l’audiovisuel éducatif par les

enseignants, à proprement parler.

Le premier temps de notre recherche est consacré à une approche archéologique de

l’audiovisuel éducatif. L’objectif de ce développement est de mettre en avant la

logique d’usage de l’audiovisuel éducatif à travers ses acteurs, ses contenus et les

traces dont nous disposons concernant les usages éducatifs de la lanterne magique, du

cinéma et de la télévision. En postulant l’audiovisuel éducatif comme une entité

propre, nous cherchons donc à rassembler des expériences éducatives disparates afin

de forger un cadre interprétatif structuré par l’audiovisuel tel qu’il se manifeste

historiquement. Ce travail est aussi l’occasion de forger une culture de l’objet à

distance des représentations que les concepteurs du site.tv peuvent en avoir. Cette

étape est importante étant donné la posture de chercheur qui est la notre, engagé dans

une CIFRE. En effet, dans le cadre des contrats de commandite, il est important de

s’approprier les questionnements du commanditaire avec pour objectif « de

positionner la question du commanditaire dans un contexte plus large, en indiquant

les liens qui existent entre la question posée et l’environnement dans lequel le

commanditaire et son organisation évoluent » (Alami, et. al., 2013, p. 52). Plutôt

qu’un « détour », nous considérons que cette démarche conditionne « la richesse de

l’enquête et la pertinence de ses résultats », autant qu’elle constitue « l’occasion de

valider la question que se pose le commanditaire en clarifiant ses attentes explicites,

mais également implicites » (Idem, p. 48). Finalement, cet effort archéologique nous

permet de mettre en avant ce qui, dans le temps long, caractérise l’audiovisuel

éducatif. C’est l’occasion de mettre à jour un usage particulier des médias qui est peu

traité, comme le rappelle Caroline Boily : « les sciences humaines et sociales

fournissent peu d’éléments nous indiquant pourquoi, comment et par qui les médias

ont pénétré les institutions scolaires » (Boily, 2001, p. 58). Ce travail est partie

intégrante de l’approche communicationnelle que nous venons de définir : un point de

départ permettant de se départir du caractère contemporain de notre objet d’étude,

ainsi qu’une contribution à la connaissance des médias en général qui, comme la

télévision, sont parfois victimes d’une « mémoire sélective » (Jost, 2012). Rappelons

que « chacune [des techniques de communication], à peine apparue sur le marché,

est aussitôt investie d'une mission éducative - depuis le phonographe d'Edison et la

lanterne magique jusqu'aux autoroutes de l'information » (Jacquinot, 1998). En outre,

le caractère stratégique que revêt la mission éducative pour l’audiovisuel public, fait

de cette dernière un terrain pertinent pour comprendre les évolutions actuelles de

l’audiovisuel à l’ère numérique. Le terme « audiovisuel » sera d’ailleurs à réévaluer

par rapport aux discours des acteurs contemporains qui, tout en se référant à ce terme,

tendent à l’assimiler au « numérique ».

Le deuxième temps de notre recherche est consacré à l’offre en matière d’audiovisuel

éducatif à l’ère numérique. Il s’agit de positionner cette offre en regard des éléments

que nous aurons mis en avant lors de notre approche archéologique et de comprendre

ce que les évolutions liées au développement des technologies numériques peuvent

avoir comme incidences. Nous nous intéresserons particulièrement au site.tv et aux

stratégies du groupe France Télévisions en matière éducative. Ensuite, nous

étudierons les représentations que les concepteurs du site se font des usagers

enseignants. Les éléments que nous mettrons en avant seront considérés comme

autant de « configurations » des usages (Woolgart, 1990). L’attention que nous

portons aux dimensions stratégiques du groupe France Télévisions et aux

représentations des concepteurs du site.tv révèle l’intérêt de notre posture de

chercheur en CIFRE au sein de cette entreprise. En connaissant les projets « de

l’intérieur », nous avons pu avoir accès à ces éléments de manière plus directe et sans

doute plus avertie. Cela se manifestera à plus forte raison lors de l’étude des usages à

proprement parler, grâce aux données quantitatives auxquelles nous avons eu accès.

Le dernier temps de notre recherche est consacré aux usages à proprement parler. Si

notre analyse ne débute assurément pas à ce moment-là de notre travail, son temps le

plus fort est sans doute celui-ci, étant donné le caractère original des données

mobilisées. Plutôt qu’une analyse strictement microsociologique, cette étude des

usages nous permettra de catalyser les « composites » préalablement étudiés. Il s’agira

d’étudier les usages effectifs, par l’intermédiaire du discours des enseignants, pour

relever dans quelle mesure ils sont à distance des usages prescrits par l’institution

éducative et de ceux annoncés dans les supports de communication du site.tv par

exemple. Une première approche de ces usages sera réalisée à travers l’exploration

des données quantitatives dont lesite.tv dispose concernant l’utilisation de son service.

Ces données nous donnerons un premier aperçu des usages, mais nous verrons que

l’examen critique de ces dernières confirme l’intérêt d’une méthodologie plus

qualitative. Afin de retranscrire l’épaisseur du vécu des usages de l’audiovisuel

éducatif, nous réaliserons une série d’entretiens compréhensifs auprès d’enseignants

utilisateurs et non utilisateurs du site.tv, ou de l’audiovisuel éducatif en général.

L’analyse et la transcription de ces entretiens au sein du travail présenté ici, a fait

l’objet d’un double choix : celui de la mise en portrait de certains profils, puis

l’analyse transversale de tous les entretiens.

Ces deux moments seront interprétés de manière compréhensive (Kaufmann, 2008).

Nous chercherons à saisir notre objet de recherche en reconstituant, au moins

partiellement, le système d’interrelation et les problématiques qui participent à la

configuration actuelle de l’audiovisuel éducatif. Au-delà d’une compréhension et

d’une incarnation du vécu des usagers, cette approche nous permettra de mener de

front approches micro et macro, qui mettent en tension l’usage (Vidal, 2012). En tant

que « phénomènes par lesquels se construisent et se manifestent les rapports aux

objets techniques » (Le Marec, 2002), l’étude des usages nous permet d’étudier la

dimension instrumentale de l’audiovisuel éducatif ainsi que ses ressorts sociaux. En

effet, nous considérons avec Bernard Miège que l’étude communicationnelle des

outils et médias éducatifs permet de comprendre « les rapports changeant que l’école

entretien avec les autres structures sociales – [et] comment la communication

intervient dans les changements qui sont à l’œuvre » (Miège, 1996, pp. 76–77).

L’approche communicationnelle soutien que la nature même des technologies influe,

en retour, sur le contexte d’apprentissage : « dans les sociétés contemporaines, la

communication médiatisée est en même temps la voie par laquelle s’acquièrent des

connaissances et des compétences nouvelles et s’expriment des pratiques sociales

plus individualisées : le communicationnel est l’un des vecteurs de l’individualisation

du social » (Miège, 2004a, p. 164). C’est tout le sens d’une articulation volontaire

entre une approche archéologique, une analyse des données quantitatives d’utilisation

du site.tv par les enseignants et une étude des usages, plus qualitative.

2- ARCHÉOLOGIE COMMUNICATIONNELLE DE

L’AUDIOVISUEL ÉDUCATIF

Dans cette partie, nous avons souhaité revenir sur différentes périodes de

l’audiovisuel éducatif. Cette prise de recul historique est pour nous l’occasion de

mettre en évidence quelques invariants et les spécificités de l’utilisation éducative de

la lanterne magique, du cinéma et de la télévision. Plus qu’une histoire de

l’audiovisuel éducatif, il s’agit d’opter pour une approche « archéologique », au sens

foucaldien du terme. Pour Jean-François Bert, l’archéologie se distingue de la

démarche historique car elle « ne remonte pas le temps pour chercher l’origine de

telle ou telle institution, de tel ou tel énoncé, mais, en partant d’un problème actuel,

questionne les processus qui sous-tendent la constitution et la stabilisation de ces

phénomènes dans le temps » (Bert, 2011, p. 100). Le travail de Michel Foucault sur la

sexualité

74

ou la folie

75

par exemple, consiste à distinguer, particulariser et mettre au

jour les différentes configurations de pouvoir et de savoir

76

. Dans le cadre cette partie

nous reviendrons, au travers de nombreux comptes-rendus d’expériences et

monographies, sur plusieurs périodes qui nous semblent signifiantes. En outre, le

point de vue archéologique « ne cherche pas à établir de hiérarchie de valeur entre

les énoncés mais plutôt à comprendre leur régularité ou leur irrégularité et leur

rareté », notre volonté sera donc de « retranscrire les discours dans leurs positivités,

c’est-à-dire dans leurs conditions spatiales et temporelles d’expression » (Bert, 2011,

p. 100). Pour déterminer les différentes périodes à étudier, nous avons choisi, d’une

part, de nous limiter au format « audiovisuel » tel que nous l’avons définit en

introduction, et d’autre part, de nous appuyer sur la chronologie mise en avant dans le

cadre du colloque Pour une histoire de l’audiovisuel éducatif (2007)

77

, commençant

avec la lanterne magique et passant par le cinéma et la télévision.

Chacune des périodes est abordée avec une structure d’analyse similaire, de sorte que

les sous-parties qui suivent s’organisent autour du même plan. Ces catégories

heuristiques nous permettent de présenter chacun des médias, leur contexte d’insertion,

les contenus qu’ils véhiculent, les acteurs qui s’en saisissent et les usages éducatifs que

l’on observe. Nous croiserons donc plusieurs approches, médiatiques, institutionnelles,

économiques, sociales et politiques, afin de contextualiser les multiples usages de

l’audiovisuel éducatif. Notre matériel d’étude étant principalement de seconde main,

cette perspective nous semble d’autant plus nécessaire. Cela s’inscrit également dans le

cadre théorique d’une approche archéologique. Comme le note Jean-François Bert, de

74 Foucault Michel (1994), Histoire de la sexualité, Tome I-II-III, Gallimard, Paris.

75

Foucault Michel (1976), Histoire de la folie à l’âge classique, Gallimard, Paris, 700 p.

76 Foucault Michel (2008), L’archéologie du savoir, Gallimard, Paris, 294 p.

77 Colloque organisé en partenariat par le CNDP et la BNF, le 14 novembre 2007. Le programme du colloque est disponible en ligne sur http://intranet.cndp.fr/fileadmin/CP-CNDP-BnF.pdf.

ce point de vue les discours « ne sont analysables que sous un faisceau d’éclairages

Documents relatifs