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L’accompagnement des contenus éducatifs s’observait déjà avec la lanterne magique

et le cinéma. Néanmoins, les caractéristiques du média télévisuel – diffusion de flux

notamment – lui donnent un jour tout particulier. Cette « littérature grise » de

l’audiovisuel éducatif se voit confiée un rôle de médiation entre l’offre de télévision,

éducative ou non, et les enseignants. Plusieurs de ces documents d’accompagnement

nous semblent intéressants de ce point de vue, mais nous reviendrons principalement

sur deux d’entre eux : le Bulletin de la Radio Télévision Scolaire et l’hebdomadaire

Téléscope

261

.

260

Présentation de l’expérience Radio Télé Bac (1967), disponible en ligne sur http://www.ina.fr/video/CPF86625922 (consulté le 10 mai 2012).

261 On pourrait également citer l’expérience menée autour du programme « La France à de l’avenir » proposée par le CNDP, dans les années 1970-1980. Les produits réalisés étaient qualifiés de multimédias, « ils sont aujourd’hui considérés comme un assemblage de médias multiples, dans la mesure où ils se composaient de documents papier édités, de diapositives, et, avant d’être complétés par des cassettes vidéo, d’émissions de télévision diffusées sur les chaînes nationales et de films au format 16 mm. (…) La complémentarité des supports se doublait d’une complémentarité du mode de distribution-diffusion et du mode de mise en marché. De la même façon, au niveau de l’utilisation et de l’usage, le produit était totalement segmentable : une majorité d’enseignants n’utilisant pas le film mais seulement, et le plus souvent partiellement, les diapositives et les documents papier, réintégrés dans une composition personnelle. Le film, diffusé sur les chaînes nationales était également mis à disposition du grand public, à des heures scolaires cependant. Ce mode complexe donnait en définitive au produit un caractère totalement composite, à la fois éducatif (au sens large) et scolaire, par compromis plus que par accord entre les différents acteurs en jeu, par nécessité plus que par projet » (Deceuninck, 2012, pp. 125-126).

Le Bulletin de la RTS est diffusé entre 1964 et 1969 de manière bimensuelle. Avant

qu’il ne devienne une publication autonome, la RTS assurait la promotion de ses

contenus à travers l’annonce des programmes dans le Bulletin Officiel de l’éducation

nationale et la revue L’éducation Nationale de l’IPN, qui devient L’éducation après

1968 et qui tire à plus de 90 000 exemplaires. Dans le cadre du colloque Pour une

histoire de la radio-télévision scolaire (2012)

262

, Béatrice De Pastre-Robert note que

les numéros du Bulletin de la RTS offrent une richesse étonnante quant à l’usage de la

télévision scolaire et la façon dont celle-ci était pensée. Elle relève notamment que,

contrairement aux autres publications, elle offre une approche expérimentale de

l’image animée. Les bulletins sont structurés autour de quatre grandes rubriques : une

annonce des programmes à venir, un dossier thématique, des fiches pédagogiques, et

des rubriques plus ponctuelles. En ce qui concerne les programmes « à venir », il

s’agit d’un format journalier classique qui propose toutefois des focus sur certains

programmes et les techniques qu’ils utilisent. Les dossiers thématiques traitent surtout

du rapport entre une discipline et la spécificité de sa mise en image.

Contrairement à la littérature qui accompagnait l’introduction du cinéma à l’école, les

questions formelles sont largement abordées. Ces dossiers ont également une forte

dimension interactive puisqu’ils font appel à la contribution des enseignants pour

témoigner de leur utilisation et collecter leurs avis sur des programmes. Le « courrier

des lecteurs » a également cette vocation. Toutes ces remarques sont ensuite intégrées

dans les productions (i.e. Télé-voyage et Le monde animal), et le bulletin se plait à

mettre en évidence cette attention envers les utilisateurs

263

. Les fiches pédagogiques

sont quant à elles pensées comme un mode d’emploi : elles identifient les objectifs

pédagogiques d’un programme, les contenus en terme d’apport de connaissance et

propose des exemples d’utilisation, avec parfois des questionnaires prêts à l’emploi

pour les élèves. Enfin, dans les rubriques plus ponctuelles on peut retrouver des

informations techniques sur comment choisir son téléviseur par exemple. Sur le fond,

le Bulletin de la RTS traduit l’engagement des acteurs de la télévision scolaire envers

l’innovation pédagogique. Les ressources de l’image animée sont systématiquement

mises en exergue. On peut notamment citer les réflexions autour de l’émission Walter

et Connie mènent l’enquête, où les téléspectateurs sont directement interpellés par les

personnages

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, et du programme Mathématique Cinquième qui insère des images

neutres afin de permettre à l’enseignant de prendre la parole. Dans le cadre de RTS

Promotion, les émissions sont accompagnées de documents écrits gratuits, mais

l’abandon des contenus didactiques entraîne une diminution importante de la diffusion

262 Captation de l’intervention disponible sur Canal-U : http://www.canal-u.tv/video/universite_paris_diderot/le_bulletin_de_la_radio_television_scolaire_par_beatrice_de_pastr e.11361

263 Cf. ANNEXE III « Bulletin de la RTS ».

264

des documents d’accompagnement. Ils sont finalement substitués par un « bulletin de

liaison » du CNDP (Glikman, 1995). Il en est de même pour le bulletin. En février

1969, apparait un nouveau périodique, Media, Techniques et moyens d’enseignement

qui sera désormais servi aux abonnés du Bulletin de la RTS. Le format adopté double

presque la surface du bulletin, l’illustration y est plus abondante et le sommaire incite

les enseignants à une lecture pratique (Duccini, 2013, pp. 129–130).

Dans le cadre de la télévision éducative, c’est l’évolution du magazine Téléscope qui

nous semble tout à fait intéressante à étudier. A ce sujet, Loïc Joffredo du CLEMI et

ancien rédacteur en chef de Télédoc, a retracé son histoire dans sa communication

1987-2007 : Vingt ans d’accompagnement pédagogique des émissions de télévision

au CNDP. Comme il le rappelle, La petite lucarne

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a précédé Téléscope, puis

Télédoc en propose une version sur Internet. Pour lui, ces vingt années de

publications, imprimées puis mises en ligne, sont révélatrices de la politique menée

par le CNDP en matière d’audiovisuel éducatif : « [Elles] se font sur ces vingt

dernières années le reflet exact des convictions du CNDP et enseignants qui y

travaillent en matière d’éducation à la télévision. Mais elles expriment aussi parfois

leurs incertitudes sur la nature de l’accompagnement pédagogique et les choix

d’images à promouvoir dans un contexte économique et éducatif marqué par la fin

d’une télévision scolaire institutionnelle, les bouleversements du paysage télévisuel et

les difficultés de la mise en œuvre d’une véritable éducation à l’image et aux médias

dans l’enseignement »

Téléscope est créé en 1992 suite à un partenariat entre le CNDP, l’association APTE

et Télérama. Le magazine culturel lance d’ailleurs au même moment Télérama Jeune,

destiné aux 8-12 ans. Le rôle de Téléscope est de promouvoir une éducation critique

des jeunes téléspectateurs, de la maternelle au lycée, en valorisant les apports

possibles des émissions de télévision. Cet hebdomadaire est divisé en deux volets, une

partie magazine qui propose des rubriques régulières et une deuxième partie

consacrée aux programmes télévisés de la semaine. La première partie comporte des

enquêtes, des dossiers et des entretiens. On y retrouve les rubriques « Choses vues »

qui revient sur un fait d’actualité et analyse sa représentation médiatique, « Chiffre »

qui fait le point sur les pratiques médiatiques et culturelles des jeunes notamment,

« Multimédia » et « Mise au Net » qui relèvent les CD-Rom et sites Internet pouvant

être utilisés en classe. On trouve également des informations sur des festivals,

colloques, revues et livres sélectionnés par la rédaction. Enfin, le magazine propose

des reportages en classe qui livrent le déroulé d’un cours ou d’une activité

pédagogique intégrant une séquence audiovisuelle ou multimédia. Dans la deuxième

partie, une grille permet de retrouver une sélection de programmes télévisés et

plusieurs articles qui proposent des pistes pédagogiques. On peut d’ailleurs noter que

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l’ensemble des genres télévisuels sont abordés : reportages, documentaires, films,

séries, dessins-animés, émissions musicales, téléfilms, spots publicitaires, etc. Des

focus sont fait sur les émissions produites par le CNDP comme Galilée, Génération 3,

La preuve par cinq ou La tête à Toto. En traitant des programmes comme Ulysse 31,

Hélène et les garçons ou les Minikeums (cf. Figure 24), le magazine reste fidèle à son

premier éditorial où il affirmait « puiser dans les programmes mauvais genre une

occasion de critique constructive ». La volonté du magazine est de sortir du regard

pédagogue ou disciplinaire de l’enseignant sur la télévision pour rapprocher

enseignants et journalistes dans une réflexion partagée sur la télévision. Selon

Jean-Pierre Carrier, l’exercice s’avère difficile et pose les limites du projet de Téléscope

(Carrier, 1997). Ce premier éditorial affirmait d’une certaine manière cet objectif en

manifestant vouloir « négocier avec l’ennemie », dans un projet explicite d’éducation

aux médias. Par ailleurs, Jean-Pierre Carrier, dont le travail de thèse porte sur la

revue, note que les connaissances qui sont proposées aux lecteurs renvoient beaucoup

plus au domaine des sciences de l’information et de la communication qu’à celui des

sciences de l’éducation (Carrier, 1997).

Le contexte d’apparition de Téléscope est tout à fait intéressant. En effet, cette

initiative est prise au moment d’un vif débat sur les images de violence à la télévision

(cf. approches « vaccinatoires ») ; de nombreuses critiques sur la crédibilité de

l’information télévisuelle (affaire du charnier de Timisoara, procès « Ceaucescu »,

guerre du Golfe) ; l’émergence de nouveaux genres télévisuels fortement critiqués

(premier reality show avec Perdu de vue en 1990). Par ailleurs, les initiateurs de

Téléscope assument ouvertement vouloir intégrer la dimension de divertissement de la

télévision. De ce point de vue, elle est clairement du côté de l’approche éducative plus

que scolaire, qui, comme nous l’avons vu avec la lanterne magique et le cinéma,

résiste à cette « perversion » didactique. On peut donc dire que la création du

magazine était, pour l’équipe de Téléscope, une affirmation militante. Le magazine

disparaît en 1999, après 227 numéros, pour renaître sur Internet sous le nom de

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