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2. La recension des écrits

2.2 Les effets du CPP

2.2.2. Bénéfices sur l’allaitement maternel

Le pouvoir de la première impression est bien connu. Il s’agit d’un parallèle intéressant avec les premières expériences d'un nouveau-né sortant du ventre de sa mère. Les événements entourant la naissance ont le potentiel de préparer le terrain pour des comportements qui persistent toute la vie. La manière dont un nouveau bébé est accueilli dans le monde au cours des premières heures après la naissance peut avoir des conséquences à court et à long terme. C’est notamment le cas pour l’allaitement maternel (Phillips, 2013). Les femmes ont droit à des informations exactes, qui sont nécessaires pour prendre une décision éclairée sur l'allaitement. L'importance de l'allaitement est maintenant mondialement reconnue. Il réduit la mortalité infantile, améliore le niveau cognitif des

enfants et rehausse la santé maternelle et infantile. De plus, il est maintenant recommandé de poursuivre l’allaitement jusqu'à l’âge de deux ans. On sait maintenant avec certitude que la mise en œuvre rapide du CPP précoce permet d’augmenter les taux et la durée de l’allaitement maternel. Plusieurs recherches confirment aussi les bénéfices du CPP sur l’initiation du premier allaitement. Celui-ci est souvent facilité et débute plus rapidement lorsque le nouveau-né est placé sur le ventre de sa mère dès sa naissance. D’ailleurs, une durée plus longue d’exposition au CPP précoce est associée à des plus hauts taux de réussite sur l’allaitement initial et lors de la sortie de l’hôpital (Bystrova & al., 2009; Moore & al., 2016; Redshaw et al., 2014). En conséquence, plus le CPP débute tôt, plus rapidement se produira l’allaitement initial.

Moore & Anderson (2007) ont réalisé une étude expérimentale auprès de 20 mères primipares, afin d’évaluer les effets du CPP durant les deux premières heures suivant la naissance sur l’allaitement maternel. Cette étude souligne que le moment optimal pour initier l’allaitement maternel est dans les deux premières heures après la naissance et qu’il s’agit d’une période sensible à l’établissement efficace de celui-ci. Les nouveau-nés sont plus éveillés, sensibles aux stimuli et démontrent des comportements de pré-allaitement. L’outil de mesure utilisé était le Infant Breast Feeding Assessment

Tool (IBAT). Les qualités psychométriques de cet outil ont été démontrées satisfaisantes. Le groupe

expérimental a fait en moyenne 1,66 heure de CPP. Comparativement aux nouveau-nés emmaillotés, ces nouveau-nés avaient une capacité de succion moyenne plus élevée au cours du premier allaitement (8,7 vs 6,3, p < 0,02) et ont réussi un allaitement maternel efficace deux fois plus tôt que le groupe témoin (15,5h vs 29h, p < 0,04). D’autres recherches confirment également que le CPP a une influence positive sur la succion des nouveau-nés, augmente la capacité de reconnaître l’odeur du lait maternel (Mizuno, Mizuno, Shinohara, & Noda, 2004) et permet de déterminer précisément le moment où ils sont prêts à téter (Bystrova & al., 2009; Walters, Boggs, Ludington-Hoe, Price, & Morrison, 2007).

Selon Bramson & al. (2010), de nombreux événements pendant le séjour à l'hôpital peuvent influencer négativement l’allaitement maternel. Ces événements peuvent toutefois être réduits, en permettant à la mère et son nouveau-né de rester en CPP. Une façon d'y parvenir semble être de

Moore & Anderson (2007), ils sont d'accord que l'intervention idéale serait de permettre à la mère et son enfant d’être en CPP non seulement le plus tôt possible, mais aussi souvent et longtemps que possible pendant tout le séjour post-partum. En effet, ces chercheurs constatent que plus la durée du CPP était longue, plus le taux d’allaitement exclusif durant le séjour hospitalier était élevé (p < 0.001). Par exemple, les mères ayant fait le CPP pour une durée de 31 à 59 minutes ont un taux d’allaitement exclusif de 6,2 % comparé à 5,3 %, tandis que pour celles ayant tenu leur enfant d’une à trois heures passent à un taux d’allaitement de 72,1 % versus 52,8 %.

Les nouveau-nés en santé naissent avec la capacité instinctive et la motivation de téter. Ils sont capables de trouver le sein et de s’accrocher sans aide lorsqu’ils sont en CPP. Quand le nouveau- né est placé en CPP avec la mère, neuf comportements peuvent être observés conduisant au premier allaitement, habituellement dans la première heure après la naissance (Phillips, 2013). Ces comportements instinctifs comprennent 1) le cri de naissance, 2) la relaxation, 3) l'éveil, 4) l'activité, 5) le repos, 6) ramper 7) la familiarisation, 8) la succion et 9) le sommeil. Par exemple, durant la quatrième étape, le nouveau-né a souvent les yeux ouverts, ouvre la bouche et effectue des mouvements de succion. Si tous les membres du personnel sont informés de ce processus normal et instinctif, ils seront équipés pour soutenir les progrès du nouveau-né vers le premier allaitement.

Hakala & al. (2017) ont décrit la façon dont l'allaitement maternel initial et le CPP sont mis en œuvre dans les maternités finlandaises, tout en suivant la quatrième étape de la directive donnée par le programme « L'Initiative Hôpital Ami des Bébés » (IHAB). C’est un programme international centré sur les besoins des nouveau-nés lancé en 1991 par l’OMS et l’UNICEF, afin de faire des maternités des centres de soutien à l'allaitement maternel. Le programme vise à assurer que chaque nouveau-né reçoive le meilleur départ possible pour l'allaitement. Il comprend un guide pratique intitulé « Dix étapes pour réussir l'allaitement maternel ». L'OMS recommande de commencer l'allaitement maternel dans la première heure après l'accouchement (OMS & UNICEF, 2009). De nos jours, bien que la durée de séjour hospitalier soit très courte, c'est une période cruciale pour le succès de l'allaitement maternel. Les résultats de cette recherche démontrent qu’il y a une différence statistiquement significative entre le début du CPP et l'allaitement initial (p = 0,001). La majorité des nouveau-nés (62 %), ayant débuté

le CPP au cours des cinq premières minutes, ont commencé à téter en moins de 40 minutes. Lorsque le CPP a débuté après 21 minutes, l'allaitement initial a été retardé de 51 minutes chez 75 % d’entre eux. Une des limites de cette étude est de s'être concentrée sur un seul pays avec un nombre limité des participants, ce qui peut limiter la généralisation des résultats.

D’autre part, l’effet du CPP immédiat et continu sur le sentiment d’auto-efficacité en regard de l’allaitement maternel chez 92 primipares iraniennes a été étudié (Aghdas & al., 2014). Les chercheurs ont eu recours au Breastfeeding Self-Efficacy Scale (BSES) et au Infant Breast Feeding Assessment

Tool (IBAT), administrés 28 jours post-partum. Les qualités psychométriques de ces deux outils ont

été démontrées et sont satisfaisantes. Les résultats obtenus pour le BSES démontrent un score moyen plus élevé pour le groupe de nouveau-nés ayant réalisé le CPP, comparativement à ceux placés sur une table chauffante (53,42 vs 49,85, p = 0,0003). De plus, la réalisation du CPP a eu un effet positif sur les taux de succès du premier allaitement maternel (56,6% vs 35,6%, p = 0,02). Un sentiment d’auto-efficacité élevée augmente donc la durée de l'allaitement maternel exclusif et est l'un des facteurs les plus importants au maintien et à la poursuite de celui-ci. De ce fait, le CPP est associé à des niveaux plus élevés de satisfaction maternelle et les mères acquièrent une plus grande confiance dans leur capacité d’allaiter et de prendre soin de leur nouveau-né.

Parmi d’autres effets à long terme du CPP précoce, il y a notamment un impact sur l’allaitement exclusif. Suzuki (2013) a interrogé des femmes primipares (n = 403) ayant fait le CPP avec leur enfant à terme un mois après la naissance. Les résultats montrent un taux d’allaitement exclusif significativement plus élevé de 59,6 % chez les mères ayant initié le CPP précoce dès la naissance, comparativement à 45,8 % chez celles ayant été séparées (p = 0,009). Conséquemment, les infirmières ont un rôle clé et doivent tout faire afin d’éviter la séparation entre la mère et son enfant à sa naissance. En ce sens, une autre recherche portant sur les effets du CPP après une naissance par césarienne sur l’allaitement maternel illustre bien son importance. Plus de 74 % des nouveau-nés, n’ayant pas été placés en CPP avec leur mère, dans les 90 premières minutes de vie après la césarienne, n’ont pas été allaités lors du premier boire. En effet, cette étude reflète bien les impacts

négatifs de la séparation après la naissance sur les taux de succès du premier allaitement (Hung & Berg, 2011).

À la lumière des études recensées, le constat fait état d’un manque de connaissances au sujet de la compréhension de l’expérience des mères et des pères lors du CPP avec leur nouveau-né à terme. Essentiellement, suite à cette recension des écrits, les études qualitatives réalisées se rapportent principalement aux prématurés ou ont été réalisées dans des contextes différents. L’écart de connaissances observé justifie donc la conduite de cette étude.