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Principales abréviations

1.2 Taxonomie des Cnidaires

1.3.3 Bénéfices, coûts et rupture de la symbiose

Comme mentionné plus tôt, les deux partenaires tirent chacun avantage de l’association symbiotique. Le principal bénéfice pour l’hôte est d’ordre énergétique : en métabolisant les produits de la photosynthèse des symbiotes, il stimule sa respiration cellulaire, sa capacité à se reproduire, ainsi que sa croissance tissulaire et squelettique (Allemand et al. 2004; Muscatine and Cernichiari 1969; Shick et al. 1991). Quant aux dinoflagellés, de par leur localisation dans les tissus de l’animal, ils bénéficient d’un environnement propice à leur développement, favorisé par le métabolisme de l’hôte puisqu'ils profitent directement du CO2 résultant de la respiration cellulaire animale et tirent profit des produits du catabolisme de l’hôte avant de les lui retransmettre sous forme de molécules assimilables (Douglas and Willatts 1994).

Si l’association symbiotique est à l’origine d’importants bénéfices mutuels, d’ordre trophiques principalement, elle est contrainte à un certain nombre d’adaptations (Bronstein 2001). Afin de maximiser le processus de photosynthèse de ses symbiotes, l’hôte animal doit se développer dans des eaux peu profondes, principalement dans la zone euphotique. En conséquence, il est confronté à de fortes radiations lumineuses qui induisent des conditions hyperoxiques durant la journée (Furla et al. 2011; Muller-Parker and D'Elia 1997). Quant aux symbiotes, ils doivent transférer la plupart de leurs photosynthétats à l’hôte et requièrent, pour ce faire, un apport constant de CO2 et de nutriments inorganiques (Grover et al. 2003; Grover et al. 2002; Muller-Parker and D'Elia 1997; Rees 1991).

Cnidaires et dinoflagellés en symbiose ont développé de nombreux mécanismes d’adaptation menant au bon équilibre de l’association. Cependant, leur union peut se révéler fragile. En effet, leur statut sédentaire les rend particulièrement sensibles aux variations environnementales dont les brusques changements peuvent provoquer une expulsion massive et brutale des endosymbiotes et/ou une perte des pigments leur étant associés en cas de stress (Glynn 1993). La rupture de la symbiose est alors appelée « blanchissement » (de l’anglais

bleaching) et peut être associée à un taux de mortalité variable de l’animal (Hoegh-Guldberg

1999; Lesser and Farrell 2004). Ce phénomène peut avoir diverses origines. On distingue des facteurs de stress à l’échelle globale de la planète et à une échelle plus régionale.

À l’échelle globale, les coraux et récifs sont affectés par le changement climatique (Anthony et al. 2015), qui induit un réchauffement global de l’atmosphère terrestre et des eaux de surface (CO2 et CH4). La concentration de CO2 dans l’air (398.08 ppm – Mauna Loa Octobre 2015), qui ne cesse d’augmenter depuis le début de la révolution industrielle (~1850, 276 ppm), modifie également les équilibres chimiques des carbonates dans l’eau de mer (production d’acide carbonique), avec, pour conséquence, une acidification de ces eaux océaniques (Gattuso et al. 2015). Entre 1750 et 2000, les océans ont absorbé plus du tiers des rejets de CO2 émis par l’homme. Le pH a diminué de ~0,1 unité (8,2 à 8,1), et pourrait continuer de dégringoler de 0,7 unités d’ici 2300 (Hönisch et al. 2009; Zeebe et al. 2008). Entre 1950 et 2009, la température des eaux de surface s’est élevée en moyenne de 0,65°C, 0,41°C et 0,31°C dans les océans Indien, Atlantique et Pacifique respectivement (Hoegh-Guldberg 2014). La stratification des couches de surface a, quant à elle, augmenté de 4% entre 1971 et 2010, réduisant la concentration en oxygène dissous ainsi que la disponibilité en nutriments inorganiques (Rhein et al. 2013).

À l’échelle locale, les principaux facteurs de stress proviennent des activités anthropiques (humaines) tels que les rejets agricoles et urbains (nitrates, phosphates) et industriels (Wear and Thurber 2015). Ces derniers influencent les cycles biogéochimiques au sein de la colonne d’eau (Smith et al. 1999) et favorisent également le développement excessif d’algues et de pathogènes, entrant en compétition directe avec les espèces coralliennes pour l’accès aux ressources nutritionnelles du milieu, à l’espace et à la lumière (McCook et al. 2001). D’autres facteurs, tels que la surpêche, les techniques de pêche destructrices (pêche au cyanure ou à la dynamite), le tourisme de masse, les mouillages sauvages,.. augmentent le risque de dégradation des récifs (Gil et al. 2015; Sale and Hixon 2014). Ces facteurs de stress ont des effets directs et parfois irréversibles sur les écosystèmes récifaux.

L’acidification de l’eau de mer affecte directement la croissance des organismes calcifiants, tels que les coraux, (Kroeker et al. 2013) en modifiant les conditions physico-chimiques de la sécrétion de leur squelette calcaire (CaCO3). De plus, la diminution du pH de l’eau de mer favorise la dissolution des carbonates déjà présents au sein des écosystèmes (Evenhuis et al. 2015; Hoegh-Guldberg et al. 2007; Kleypas and Langdon 2006). L’augmentation de la température de surface de l’eau de mer peut, quant à elle, être une des principales causes de blanchissement et avoir des conséquences irréversibles sur la survie du corail, qui se développe à ~2°C en-dessous de sa limite thermique maximale (Hoegh-Guldberg 1999). Six évènements de blanchissement majeurs ont été reportés entre les années 1979 et 1999 (Hoegh-Guldberg 1999).

Actuellement, un épisode blanchissement massif, l’un des pires recensé, et renforcé par le phénomène El Niño, menace actuellement 95% des récifs coralliens du territoire américain et atteindra l’Océan Indien début 2016 (NOAA, http://www.noaa.gov/el-ni%C3%B1o-prolongs-longest-global-coral-bleaching-event).

De plus, les changements globaux influent sur d’autres paramètres climatiques et physico-chimiques pouvant affecter la survie des écosystèmes coralliens. La fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les tempêtes, ouragans, cyclones, tsunamis s’est vue augmentée, tout comme le niveau de la mer ainsi que la salinité de l’eau due à un accroissement de l'évaporation (Church et al. 2013; Durack et al. 2012; Vose et al. 2014). Par ailleurs, la réponse à un stress et son intensité dépendent également du génotype de symbiotes présents au sein de l’hôte corallien (Baums et al. 2013; Fitt et al. 2000) mais également de la morphologie de l’espèce corallienne en question (Van Woesik et al. 2012). Ainsi, le blanchissement serait le résultat de divers facteurs, agissant parfois en synergie (température et lumière), ayant des conséquences aussi bien à une échelle locale que globale. Le nombre, ainsi que la sévérité des évènements de blanchissement, ont été décrits comme « signal biologique » des conséquences du changement climatique (Hughes et al. 2003). Au vue de ces observations alarmantes, il est impératif que la communauté scientifique s’attèle à de nouvelles études dans le but de comprendre les mécanismes clés, déterminant la santé et le devenir de ces organismes.

Figure 11. Evènement de blanchissement observé aux Seychelles au printemps 2016. Photo: © Christopher Bird

2. Nutriments inorganiques et symbiose corallienne