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3. Concepts centraux de la thèse

3.1. Premiers-nés du bébé-boum

3.1.3. Bébé-boumeurs : identité assignée et identité autoattribuée

L’appellation bébé-boumeurs revêtirait toutefois bien souvent une connotation négative (Bonvalet et al., 2011; Olazabal, 2009), comme l’illustre de façon

évocatrice le livre Les boomers finiront bien par crever. Guide destiné aux jeunes qui devront payer les pots cassés (Samson, 2005). Ces « maudits baby- boomers » seraient des êtres « gâtés, égoïstes et matérialistes, une génération n’ayant rien laissé hormis des dettes pour les générations suivantes, ayant fait table rase du passé en abolissant l’histoire et mis en péril l’esprit de famille [, et] ayant largement bénéficié d’un confort privilégié » (Olazabal, 2009: 90).

Selon Olazabal (2009), rares sont les membres de la génération sociale des bébé-boumeurs qui s’attribuent cette étiquette. Plutôt, ils s’octroieraient des caractéristiques socioculturelles plus vertueuses. Leurs principaux constituants identitaires seraient : liberté et revendication; rupture avec la contrainte religieuse, développement d’une conscience politique et montée du féminisme; proactivité et valorisation de l’esprit du travail.

Liberté, au sens progressiste du terme, et faible niveau de contraintes transcenderaient la vie des bébé-boumeurs (Olazabal, 2009). Conséquemment, ils n’auraient pas l’habitude de se confiner à des rôles et à des identités hérités ou préétablis (Gourdon, 2003). Tant sur le plan des mœurs que des valeurs, ils se seraient toujours sentis radicalement décalés par rapport à leurs parents ou grands-parents, ce qu’ils auraient bien l’intention de maintenir malgré leur vieillissement (Gourdon, 2003; Olazabal, 2009). Comparativement à leurs parents ou grands-parents, les bébé-boumeurs seraient beaucoup moins susceptibles de se laisser faire (Olazabal, 2009).

Esprit revendicatif et liberté seraient intimement liés (Olazabal, 2009). Si les bébé- boumeurs ont pu lutter pour l’émancipation (ex. : libération religieuse, nationale, sexuelle), ce serait en raison d’une rupture des contraintes liées à l’ordre social. Ils n’auraient pas pu être les protagonistes de changements de normes au sein de la société s’ils n’avaient pas d’abord contribué à remettre en question les préceptes religieux qui les ont fortement influencés dans leur enfance et leur adolescence. Cette rupture des contraintes aurait amené un changement de

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paradigme : l’individu ne serait plus considéré comme un sujet passif, mais bien comme un sujet actif, soit en mesure de construire et d’inventer sa vie. C’est dans ce contexte que s’inscrirait, entre autres, le combat politique dans le sillon de la Révolution tranquille, le combat féministe et celui de la libération sexuelle, luttes qui auraient vivement marqué le parcours identitaire des bébé-boumeurs.

Le travail, entrant dans une logique de l’action, serait une valeur fondamentale pour les bébé-boumeurs (Olazabal, 2009). Ces derniers considéreraient avoir trimé fort pour mériter leurs conditions salariales et de travail, et ce, malgré un marché de l’emploi en expansion. « C’était l’époque de tous les possibles; il suffisait de se réaliser, de choisir son champ d’investissement, le "système de sécurité" se chargeait du reste » (Olazabal, 2009: 103). Cela dit, le travail devrait être compris en son sens large : celui de participation sociale dans son ensemble et non uniquement celui du travail rémunéré. Les bébé-boumeurs se percevraient comme des gens proactifs, aptitude qui pour eux découlerait de leur scolarisation et de leur expérience de vie. Loin d’être indolents ou passifs, ils auraient la capacité de trouver les informations dont ils ont besoin. En outre, ils auraient un sens aigu de l’engagement social, mais s’engageraient différemment selon leurs intérêts et leur disponibilité qui peut être limitée et variable.

Il existerait un net écart entre l’identité assignée aux bébé-boumeurs (conception péjorative) et l’identité qu’ils s’attribuent (conception méliorative) (Olazabal, 2009). Or, dans bien des cas, l’identité assignée primerait sur l’identité autoattribuée : « [l]e pouvoir exclusif de nommer l’autre fait en sorte qu’on lui dénie le pouvoir de se définir soi-même » Olazabal (2009: 87). Cependant, une ambivalence quant à la façon dont se définissent eux-mêmes les bébé-boumeurs et la façon dont les autres les définissent rendrait possible des chevauchements. Bien qu’ils se détacheraient généralement de l’identité qui leur est assignée, ils pourraient s’autoattribuer cette identité en faisant fi des traits péjoratifs. En même temps, il arriverait qu’ils contribuent au renforcement des préjugés à l’égard des bébé-boumeurs en attribuant les traits péjoratifs à des membres de leur classe

d’âge. Ils leur reprocheraient alors d’être trop autocentrés et non suffisamment impliqués sur le plan social ou encore de bénéficier d’une retraite ou de conditions de travail plus qu’avantageuses.

Les enfants du bébé-boum, en l’occurrence les premiers-nés de ce bébé-boum, ne seraient donc pas tous des bébé-boumeurs et ne se considéreraient pas tous comme tels (Bonvalet et al., 2015; Olazabal, 2009). Bon nombre d’entre eux ne s’identifieraient pas à cette appellation revêtant tantôt une connotation négative, tantôt une connotation méliorative (Olazabal, 2009). Plus inclusif, le terme premiers-nés du bébé-boum a alors été préconisé dans le cadre de cette thèse pour désigner les personnes issues de la première génération d’enfants du bébé- boum, soit celles qui sont nées au Québec entre 1943 et 1951.

Cependant, les premiers-nés du bébé-boum ne devraient pas être considérés comme un ensemble monolithique, leurs trajectoires individuelles révélant plutôt une grande hétérogénéité des parcours et des situations de vie (Bonvalet et al., 2015). Ces trajectoires individuelles variées se reflètent notamment dans leurs conditions de retraite : tous ne bénéficient pas d’une retraite dorée (Bonvalet et al., 2015; Charpentier et al., 2010; Marier, Carrière & Purenne, 2018; Olazabal, 2009; Prud’homme, Bouchard, Guerrera & Gagnon, 2018). Les femmes qui vivent seules et les immigrants de 65 ans et plus arrivés au Canada depuis moins de 20 ans font partie des groupes les plus à risque de vivre en situation de pauvreté (Marier et al., 2018).

Il reste que cette réflexion terminologique a permis une incursion dans l’univers des premiers-nés du bébé-boum. Cette dernière se poursuit dans le cadre de cette thèse, alors qu’il est question des freins et des leviers de leur engagement bénévole dans les OBNL de SAD des aînés.

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