• Aucun résultat trouvé

2-1-2-2 Azwaw Ait Yafelman vs Azoulay :

Azoulay est l‟Ancien des Yahoud, un sage très maigre, presque sans consistance, il peut à peine se déplacer. Chraïbi le fait apparaitre deux fois ; la première pour rendre service à Azwaw, en lui donnant un conseil précieux :

« Tu appelleras ton fils Yassin parce que dans moins de deux ans, quelquřun dira son nom à voix très haute. Et il suffit que ce soit précisément ce nom là pour que le destin change. Le destin de ton fils comme celui de tout ton peuple. »3

Pendant cette rencontre un débat culturel, voire idéologique s‟est fait entre les deux hommes, sur l‟Histoire, le passé et l‟héritage culturel dont l‟attitude

1 Chraïbi Driss, La Mère du Printemps .Seuil.1982 .p105 2 Item .p 159-160

68

était le mépris et le regard d‟infériorité envers les juifs de la part d‟Azwaw en qualifiant Azoulay de « chose » : « Dřoù tu sors, chose ? Je ne třai jamais

vu.»1, et la fierté de soi et la reconnaissance envers les Berbères de la part d‟Azoulay : « Tu as été très bon pour les miens. Sévère et juste. Ma dette est

double envers toi. Je suis venu třaider. »2

Quand Azoulay lui montre la prévention de Moïse pour le destin qu‟il vient de donner à son peuple, Azwaw se moque de leur croyance et de leur passé :

« AZOULAY : hier, tu as donné un destin à ton peuple, une sorte dřexode qui se couronnerait par un rassemblement .Moïse nřaurait pas mieux parlé que tu ne lřas fait, fils.

AZWAW : je ne suis pas ton fils et je ne connais pas ce Moïse AZOULAY : Moïse avait un Dieu qui le guidait. Tu nřen as aucun. AZWAW: je suis mon propre dieu. »3

La deuxième rencontre était une sorte d‟imagination d‟Azwaw à la fin du roman quand Azoulay vient à son esprit pour lui annoncer encore le destin, non pas de son peuple mais cette fois, son propre destin, le temps même ou l‟exécuteur des basses œuvres de l‟Islam vient lui trancher la langue :

« Non, par la Mère du printemps et par Allah !ce nřest pas de cet exécuteur des bases œuvres de lřIslam que surgit lřeffroi, mais de lřautre homme, la bas, franchi le temps très présent je le revoie soudain. Il avait nom Azoulay (…) il mřavait annoncé mon destin.je sais quřil me reste encore du temps à vivre, peut être des années. Je sais aussi quřà partir de maintenant je ne pourrai plus parler. (..) ma langue va être tranchée. »4

L‟adversité est encore plus chaude, quand Azoulay raconte le mythe d‟origine des Berbères et celui des juifs :

1 Item. p 166

2 Chraïbi Driss, La Mère du Printemps, Seuil.1982 .p 170 3 Item .P 166

69

« Au début de lřHistoire, le peuple berbère vivait en terre de Palestine ; il avait un roi, Jalout*.Sur cette même terre, il y avait le peuple des Hébreux. Leur roi sřappelait Dawoud**.Dawoud mit à mort Jalout. Le peuple berbère émigra ; se fractionna en tribu. Certaines dřentre elles sřétablirent en Lybie, dřautres en Marmarique, dřautres encore poursuivirent leur route jusque dans les régions montagneuses (...). Elle se fractionna à son tour. Quelques familles atteignirent le territoire où nous sommes ; à la limite du grand fleuve et de lřOcéan. Tu es leur descendant. »1

Quant à Azwaw, il connait une autre version :

« Tu raconte lřHistoire à ta façon. Nous, on la relate différemment, de lřautre coté : la Terre. Cřest son histoire qui importe, ce qui lui arrive, non aux hommes qui ne sont que ses fils et qui vont et viennent de-ci de-là passent comme des hôtes passgers.ils sřattachent à un morceau dřelle ou bien ils disparaissent sans laisser de traces, selon que la mère nourricière les aime ou les rejette et cřest pareil pour les plantes et les animaux, pour tout ce quřelle porte sur son dos. »2

Azwaw ne s‟intéresse qu‟à sa Terre et « la Mère du Printemps » :

« Je mřen fous de cette Palestine dont on me rebat les oreilles et qui nřest quřune toute petite poignée de terre !

AZOULAY: cřétait le paradis, le jardin dřEden.

AZWAW : peut être bien. Mais je mřen fous.mon paradis à moi, cřest lřOum-er-Bia, les vergers et les champs quřelle baigne à son embouchure.ici et maintenant durant ma vie à moi.

AZOULAY : les Roums. Ils ont rasé Jurusalem, notre ville sainte, dont ils nřont laissé quřun ou deux pans de mur.et ainsi lřHistoire sřest répétée. Ce que vous avez connu, nous lřavons connu aussi,

1 Chraïbi , Driss, La Mère du Printemps, Seuil ,1982 .p 169 2 Item. p 170

70

quelques siècles plus tard. Notre peuple sřest éparpillé de par la terre. Certaines tribus ont franchi le désert de Lybie, lřAures. Une douzaine de familles sont parvenues jusque chez nous. »1

Azoulay parait très fier de l‟héritage scientifique et le patrimoine culturel écrit de son peuple :

« AZOULAY : vous nřavez rien emporté avec vous de votre terre originelle. Nous si. Beaucoup. Par écrit. Tout notre patrimoine, tout notre patrimoine, tout ce que nos ancêtres savaient. Nous ne sommes pas nombreux. Mais ou que nous soyons, nous sommes armés pour faire face à la vie. Cřest cela notre…notre faiblesse. »2