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Si ,aux dires des spécialistes ,la transmissions de la culture orale berbère serait une exclusivité des femmes, l‟on a pu relever dans ce roman quelques répertoires d‟hommes dont les vieux ont assuré la transmission. En revanche, dans les histoires racontées par les hommes on retrouve des tentations de modernisation du conte et des emprunts. Alors que dans les histoires racontées par les femmes le vocabulaire et la langue présentent un caractère primitif. Les Anciens sont eux aussi de mémoires considérables : « On les appelait Řř

lřancienŘř le sageřř,řř le boiteux Řř tout simplement. »1.

2 -1-Far’oun :

Far‟oun le borgne le chef de la tribu des Far‟oun , conte à sa seule fille

Hineb les mille et un chapitre de l‟histoire de leur peuple, depuis le commencement du monde. Il déposait dans sa sensibilité d‟adolescente les

secrets de la tradition : le nom des choses vivantes qui l‟entouraient et qui pouvaient être amies ou ennemies selon sa paix ou sa peur, sa force ou sa faiblesse , la signification des étoiles qui guident les destinées : celle-ci était chaude et bénéfique, celle-là était à ne pas regarder trop longtemps parce qu‟il en pleuvait des rayons de maladie ;cette autre, filante, annonçait un changement dans la vie , la musique des sources-déesses et le chant de la pleine lune .

Racontant les âmes des ancêtres qui lui parlaient depuis l‟astre et le suivaient pas à pas et la terre nourricière, soudain se desséchait, devenait inhospitalière et hostile parce que le cœur de ses fils était desséché auparavant.

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2-2 -Hiempsal :

Hiempsal le doyen des Anciens berbères. Il se sert d‟un omoplate de veau pour connaître les secrets de l‟avenir . Azwaw le convoquait devant

les trois Conseils pour lui montrer le destin de la tribu et le sort des Fils

qui ont fui leur terre :

« Nous ne sommes plus quřentre vrais Fils de la Terre. Si toi

et moi sommes ici ,devant les Conseils, cřest pour rendre compte, toi de ta décision,et moi de lřexécution immédiate de tes ordres. »1

« Et quřest ce que raconte ton omoplate au sujet de ces fils qui ont fui leur terre ? Que nous devons faire dřeux ?dis nous. Vas-y, Hiempsal, lis !lis dans ton omoplate de ruminant. » 2.

2-3 -Matho :

Matho l‟astrologue possède « la science d‟avenir »3 .Il se sert de trois baguettes qu‟il lance en air pour savoir ce que dit le destin. Il les maniait à tout bout de champs pour apprendre aux petits enfants les secrets de leurs jours. Azwaw s‟en souvient. Il était l‟un d‟eux :

« Maintenant que je suis un vieil adulte, et que les Arabes sont aux portes de notre vie, jřai besoin plus que jamais de connaitre le destin de ma tribu (...) dis nous à tous, ici présents, quel va être notre destin et moi qui suis votre porte-parole je ferai en sorte de lřexécuter sřil est bon ; de le détourner sřil nous est contraire.».

C‟est lui qui prévient Azwaw que le peuple des Imazighen va se disperser.

1 Chraïbi Driss, La Mère du Printemps .Seuil.1982. p 117 2 Item. p 115

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2-4 -Azoulay :

Un sage prédicateur juif. Dans La Mère du printemps, le récit d'Azoulay explique que le peuple berbère comme celui des juifs, n'est pas originaire du Maroc, mais que son installation est le fruit d'une migration forcée par les Juifs1.Par un revers de fortune, les Juifs d'Azemmour, expulsés par les Romains, furent accueillis par les Berbères, avec qui ils coexistent en paix.

Azwaw nomme son fils Yassin d'après une sourate du Coran suivant le conseil d‟Azoulay, qui prédit que cela changera le destin de la communauté berbère 2 :

« Quatre mois avant quřelle ne fut grosse de lui, Azoulay lui avait dit quřelle lui donnerait un fils. Il lui avait expliqué pourquoi il fallait lřappeler Yassin, quřun simple mot pouvait influer sur le destin. »3

2-5 -Oumawch :

Oumawch l‟amdyase, le vieil aède aveugle, il est le plus ancien des Anciens, sans âge. Au conseil il ne dit pas un mot, il écoute puis une semaine ou une saison plus tard, il fait part à Azwaw de ses réflexions, Oumawch possède un arc qu‟il n‟a jamais tiré de flèche .Seulement deux notes : une grave suivie d‟une aigue, toujours les mêmes, sans fin. La corde est tendue à l‟extrême, il la pince et les résonances qui en naissent dans sa mémoire , y réveillent les échos du passé .Les femmes, les hommes, et les enfants font demi cercle dans la maison d‟Azwaw pour écouter sa voix qui tantôt raconte les récits antiques, tantôt chante . Ses contes évoquant le passé, le présent et l‟avenir, décorés par des symboles et des emblèmes des Anciens, et sa poésie éclatante, similaire à l‟eau de « la Mère du printemps », font rêver les siens. Il raconte

1 Chraïbi Driss, La Mère du Printemps .Seuil.1982 .p 169 2 Item. p 172

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« la véritable histoire » et comment s‟est légendée l‟Histoire des hommes. Selon ce que sa mère lui a raconté :

« Ma mère me lřa raconté voila longtemps, très longtemps et ma grand-mère lřavait raconté à ma mère et ainsi de génération en génération en remontant le temps. Je vais vous dire la véritable histoire : celle de la Terre »1 .

2-6 - Schloumou :

Schloumou est un juif instruit, il lit constamment les livres que lui tend Moushi le rabbin car :

« Ce quřil lit, pas un mot nřen mourra avant sa mort à lui »2.

D‟ici-là il pourra transmettre, restituer aux générations futures tous les livres lus, exactement comme il les a lus, page par page et signe par signe, à crainte que les écrits de son peuple, puissent se perdre sinon partir en fumée. Cela s‟est déjà vu avec les changements de l‟Histoire.

Pour la tribu des Yahoud, Schloumou est une mémoire vivante. Depuis deux ans ; il lit, sans discontinuer. Moushi le rabbin entasse les livres terminés, soigneusement, sous une dalle qu‟il scellera bientôt demain sans doute. Certains manuscrits sont aussi vieux que le premier passé.

2-7-Naqichbindi :

Naqichbindi l‟Arabo-musulman, le compagnon d‟Oqba. Vêtu toujours de gris, il a des traits sans expression, des mains de paysan. Il prit toujours les rênes du cheval d‟Oqba ; les passa autour de sa taille. Il était né lointain à Damas, il y avait vécu soixante-cinq ans et accompagnait Oqba depuis le désert de Tripolitaine. Il vit et comprit la fin de la terre et de la guerre ; le triomphe de l‟homme et de Dieu.

1 Chraïbi Driss, La Mère du Printemps. Seuil.1982. p 92 2 Item .p 182

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Autour de lui, tous les cavaliers avaient mis pied à terre, pleuraient sans larmes et sans bruit. Il se sert d‟un luth un morceau de bois qui pendait derrière son dos. Cet artiste n‟avait plus d‟identité : sa vie était l‟assemblage de son luth. Il interrogeait les yeux d‟Oqba et la splendeur sauvage de sa foi :

« Naqishbendi, mon frère, lui dit Oqba. Pour lřamour de Dieu, joue. Donne à Dieu et donne-nous lřâme de tes mains »1 .