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II. Axe hypothalamo-hypophyso-gonadique (HPG)

Chez la femme obèse et dans plusieurs modèles murins obèses, un profil hormonal d’hypogonadisme central est observé. Chez la femme obèse, cet hypogonadisme central est dû à une augmentation de l’aromatisation périphérique des androgènes en œstrogènes, et plus particulièrement en œstradiol et en œstrone (Jain et al., 2007). Les œstrogènes exercent un rétrocontrôle négatif sur l’axe HPG, affectant ainsi la production de gonadotrophines telles que la GnRH. De plus, la sécrétion d’un neuropeptide appelé kisspeptine est également diminuée chez les patientes obèses. La kisspeptine est décrite comme un puissant stimulateur des neurones à GnRH chez les mammifères. Elle participe donc également à la mise en place de l’hypogonadisme en cas d’obésité (Castellano et al., 2010). En outre, la sécrétion de LH est également diminuée chez la femme obèse (Grenman et al., 1986; Jain et al., 2007). L’équipe de Jain et al, à plus précisément montré chez les femmes obèses que les pulses de LH sont d’amplitude plus faible mais de fréquence égale aux femmes normo-pondérées. Cette diminution semble être liée à la réponse hypophysaire à la GnRH endogène atténuée par l'obésité.

Par ailleurs, les femmes obèses présentent une hyperandrogénie associée à l’hyperinsulinémie. En effet, l’augmentation de la sécrétion d’insuline altère les fonctions hépatiques et en particulier conduit à une diminution de la production hépatique de la SHBG. Cette diminution entraine ainsi une hausse des androgènes libres circulants chez la femme obèse (Wei et al., 2009). De plus, l’hyperinsulinémie entraine une diminution de l’expression de la protéine insulin growth factor binging protein-1 (IGFBP-1) dans le foie, augmentant la disponibilité du facteur IGF-1. Ce facteur de croissance stimule la production des androgènes par les cellules de la thèque et participe ainsi à l’hyperandrogénisme (Giudice, 1992).

L’obésité se caractérise par une forte augmentation des taux circulants de leptine et inversement par une forte diminution des concentrations circulantes d’adiponectine. Nous

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allons donc dans la suite de ce chapitre nous intéresser aux rôles de ces deux adipokines dans la régulation des fonctions de reproduction chez la femme obèse.

 Effet de la leptine sur la sécrétion de GnRH et LH

L'hypothèse selon laquelle la leptine joue un rôle important dans la régulation de la sécrétion de GnRH découle de plusieurs résultats. La souris ob-/ob- invalidée pour le gène de la leptine

est stérile et possède des organes reproducteurs atrophiques. Un traitement par la leptine rétablit le système reproducteur chez la souris ob-/ob-, entraînant la croissance et le

fonctionnement des organes reproducteurs et rétablissant la fertilité via la sécrétion des gonadotrophines (Barash et al., 1996; Chehab et al., 1996). En condition physiologique, la leptine exerce dans l’hypothalamus un effet stimulant sur l'axe HPG en augmentant la sécrétion de GnRH dans les neurones du noyau ARC, via son récepteur LEPRb. En revanche, elle exerce des effets négatifs dans la stéroïdogenèse ovarienne (Brannian et al., 1999). La leptine exerce également des effets directs sur l'hypophyse antérieure (Jin et al., 1999). Des études in vitro de tissu hypophysaire ont démontré que la leptine induit une augmentation dose dépendante de la libération de LH et de FSH (Yu et al., 1997). De plus, plusieurs études sur la brebis et la vache ont démontré que l'inhibition de la sécrétion de LH par une alimentation restreinte était inversée lors d’un traitement par la leptine, démontrant une association positive entre la sécrétion de LH et la leptine (Amstalden et al., 2002; Morrison et al., 2001). En cas d’obésité, on observe une altération des effets de la leptine sur l’hypothalamus, qui s’expliquent par la mise en place d’une leptino-résistance centrale. L’arrêt du signal leptine conduit à la diminution de la sécrétion des hormones gonadotropes. Ainsi la leptino-résistance participe également à l’établissement de l’hypogonadisme central. De plus, chez l’Homme et les rongeurs qui présentent un déficit en LEPR, on observe également un hypogonadisme central. Ces résultats confirment que la leptino-résistance est bien associée à cette dérégulation de l’axe HPG (Moschos et al., 2002).

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 Effet de l’adiponectine sur la sécrétion de GnRH et LH

Chez la souris, des études in vitro ont décrit que l'adiponectine, via l'activation de l'AMPK, inhibe dans les cellules hypothalamiques la transcription du gène de la kisspeptine qui est le signal en amont de la libération de la GnRH. Ainsi, les auteurs observent également une diminution de la sécrétion de GnRH à la suite d’un traitement des cellules de l’hypothalamus par l’adiponectine (Cheng et al., 2011; Wen et al., 2012).

Par ailleurs, l’équipe de Rodriguez-Pacheco et al. a montré que l'adiponectine affecte la sécrétion d'hormones hypophysaires. En effet, le traitement in vitro de cellules hypophysaires de rat et de souris par l’adiponectine entraine une réduction de la synthèse et de la libération de LH (Lu et al., 2008; Rodriguez-Pacheco et al., 2007). Chez le porc, l'administration in vivo d'adiponectine affecte la sécrétion de LH et de FSH de manière dépendante de la phase du cycle œstral (Kiezun et al., 2014). Ainsi, en conditions physiologiques, l’adiponectine exerce un rétrocontrôle négatif de l’axe HPG, via la modulation de la sécrétion des gonadotrophines par le signal kisspeptine.

A ce jour, aucune donnée ne précise l’impact des taux sériques diminués d’adiponectine en cas d’obésité sur la sécrétion des gonadotrophines. Néanmoins on peut supposer une augmentation de la sécrétion de GnRH et LH via la levée de l’effet inhibiteur de l’adiponectine.

III. L’ovogenèse

L’hyperinsulinémie et l’hyperandrogénie observés chez la femme obèse, conduisent à des anovulations ayant pour conséquence le développement ou l’aggravement d’un syndrome d’ovaire polykystique ou SOPK (Pasquali et al., 2003). L’excès d’androgènes intra-ovariens pourrait être associé à une atrésie folliculaire prématurée favorisant l’anovulation (Poretsky et al., 1999). Par ailleurs, il a été démontré, chez la souris obèse, une diminution de la taille des ovocytes, un délai augmenté de la maturation méiotique et une augmentation de l’apoptose folliculaire (Jungheim et al., 2010). Chez la souris et la femme obèse, des études ont également observé une augmentation des mésappariements des chromosomes méiotiques

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au cours de l’ovogenèse (Machtinger et al., 2012). L’ensemble de ces altérations conduisent ainsi à une pauvre qualité ovocytaire chez les individus obèses.

Un des mécanismes pouvant expliquer la faible qualité ovocytaire est l’altération de l’activité mitochondriale des follicules ovariens. En effet, cet organite joue des rôles importants dans le développement et la maturation folliculaire. Dans un modèle de souris obèses, il a été démontré que les mitochondries des ovocytes présentent des anomalies structurales (diminution du nombre de crêtes) et une production de ROS multipliée par 2 (Luzzo et al., 2012). D’autre part, il a été montré que chez les femmes obèses en parcours d’assistance médicale à la procréation, le liquide folliculaire présente une élévation des taux de triglycérides, d’acides gras libres et de cytokines inflammatoires telles que l’IL-6, le TNF- et la leptine (Broughton and Moley, 2017). Il a également été mis en évidence une morphologie anormale du complexe cumulus-ovocyte corrélée à des taux d’AG libres élevés dans le fluide folliculaire chez les femmes obèses (Jungheim et al., 2011). Des études à la fois chez l’animal et l’Homme ont montré également une accumulation excessive d’acides gras libres dans l’ovaire associée à un stress du réticulum endoplasmique (RE) (Cummins, 2004; Dumollard et al., 2007; Torner et al., 2004). Ces données combinées suggèrent que les taux élevés d’AG et de cytokines inflammatoires observés dans le liquide folliculaire d’individus obèses peuvent être à l’origine des altérations de la folliculogenèse.

 Effet de la leptine sur l’ovogenèse

L’ARNm de la leptine est détecté aux stades folliculaires précoces, alors que la leptine est exprimée dans les follicules matures spécifiquement (Archanco et al., 2003). Cette adipokine est connue pour son rôle inhibiteur de la stéroïdogenèse. Chez l’Homme, une étude in vitro a montré qu'un traitement avec des doses physiologiques moyennement élevées (à partir de 10 ng/ml), la leptine inhibe la stéroïdogenèse dans les cellules de la granulosa et de la thèque (Agarwal et al., 1999). Chez l’animal, il a clairement été montré que des concentrations élevées de leptine altèrent le développement folliculaire, l’ovulation et la maturation ovocytaire (Duggal et al., 2000). Par conséquent, dans les cas de stockage excessif d’énergie ou de troubles

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métaboliques, tels que l’obésité et le SOPK, la leptine exerce un effet inhibiteur sur les gonades. Ainsi, des concentrations élevées de leptine dans l'ovaire peuvent inhiber la production d'œstradiol et interférer avec le développement des follicules dominants et la maturation de l'ovocyte, prédisposant à l'anovulation.

 Effet de l’adiponectine sur l’ovogenèse

L'adiponectine semble participer à l'initiation de modifications pré-ovulatoires dans l'ovaire et moduler le processus de stéroïdogenèse. En effet, dans les cellules de la granulosa humaine, l'adiponectine augmente la sécrétion de progestérone et d'œstradiol (Chabrolle et al., 2009; Pierre et al., 2009)

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Dans la lignée de granulosa humaine KGN, l’inactivation spécifique d’ADIPOR1 et d’ADIPOR2 montre qu’ADIPOR1 est impliqué dans la survie cellulaire, alors qu’ADIPOR2 est préférentiellement impliqué dans la stéroïdogenèse (Pierre et al., 2009).De plus, l'inhibition du gène de l'adiponectine chez la souris perturbe la stéroïdogenèse, le développement folliculaire et réduit la fertilité (Cheng et al., 2016). En effet, les souris invalidées pour le gène de l'adiponectine sont viables mais hypofertiles. Les animaux présentent des anomalies de l’axe HPG et des fonctions ovariennes (Cheng et al., 2016). Dans plusieurs modèles y compris chez l’Homme, l'adiponectine in vitro améliore le processus de maturation ovocytaire, les taux de fécondation et le clivage embryonnaire en stimulant la maturation méiotique des ovocytes via la voie p38-MAPK. Elle augmente ainsi le nombre d’embryons atteignant le stade blastocyste (Chappaz et al., 2008; Richards et al., 2012). La diminution de la sécrétion d’adiponectine chez la femme obèse et dans le cas du SOPK, pourrait conduire à des défauts de maturation ovocytaire et donc à une anovulation.