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ne s’aventurent pas à toucher certains thèmes On le dit superficiellement » Ces comportements engendrent un climat de non coopération et non

participation, paradoxale pour une ville autant connectée socialement.

« Je crois que les gens se sentent heureux en suivant le système de ‘succès’,

de posséder, posséder, consommer, consommer. Pourquoi ? Pour mourir

riche ? Il y a un manque de responsabilité et réellement de conscience sociale.

En plus, je crois que dans le pays c’est presque impossible avec autant de

pauvreté. »

III. 3. F.

INÉGALITÉS

« Ce n’est pas un pays du premier monde. Jamais je ne pourrais le dire. »

Les inégalités sont flagrantes au Mexique. Entre les quartiers fermés (fraccionamientos) et les ‘barrios’, la distance spatiale est presque inexistante. A Guadalajara, la limite entre les pauvres et les riches se matérialise par la Calzada independencia, qui coupe la ville en deux d’Est en Ouest. On dit d’ailleurs ‘de la Calzada par alla’ (après l’avenue). Le déséquilibre est matériellement visible. Certains quartiers sont mieux équipés, les trottoirs sont plus larges, plus arborés et beaucoup plus entretenus que d’autres.

« Il y a des différences

notables. Dans les zones populaires, l’investissement donné pour les parcs,

les infrastructures ou les rues n’est pas le même que dans les «colonias».

Même la pelouse est différente. »

Dans les quartiers riches et organisés, les

habitants cooparticipent pour s’en occuper. A San Javier ou Chapalita, tous les résidants payent une taxe mensuelle pour le service de l’eau et des poubelles, alors que d’autres quartiers dépendent de la municipalité. La qualité des services dépend donc du niveau de richesse du quartier.

« C’est un pays injuste et

antidémocratique. Il n’est pas au niveau de l’Europe, ni au niveau des États

unis. C’est un pays de cinquième classe. Tel quel. »

« Dans beaucoup de parties du centre-ville, tu ne peux pas y aller parce

qu’ils vont te voler mais dans les «cotos» tu ne peux pas y entrer non plus et

personne se plaint ! »

ECOLE

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IV. GUADALAJARA, À L’HEURE DU RENOUVELLEMENT URBAIN

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1 L’AMG s’est constituée par une déclaration du Conseil Régional en 2009.

2 Président municipal de Guadalajara (2015-2018), Enrique Alfaro Ramírez est membre du parti «Mouvement Citoyen»

« La ville s’est développée de manière explosive, maintenant c’est une implosion. » L’entretien avec Ricardo Agraz Orozco s’est déroulé dans leur locaux, situés dans la colonia Moderna, première témoin du renouvellement urbain. La conversation a été coupée par un petit séisme, qui nous a amené à discuter dehors, sur le trottoir, pendant un moment. Cet incident a permis un développement plus précis sur la question des trottoirs, cependant il n’a pas été enregistré pour cause de sortie précipitée. Ce passage informel a suscité des confidences telles que :

« La ville est trop grande pour qu’on s’occupe de tous ses trottoirs.»

L’Institut Métropolitain de Planification (IMEPLAN) de l’Aire Métropolitaine de Guadalajara1 (AMG) est une structure fondée en 2015, après la venue au pouvoir

d’Enrique Alfaro Ramírez2. Elle a été instaurée pour créer une coordination entre

les neuf communes de la métropole. Ainsi, chaque commune a son propre maire, mais doit respecter une planification globale. Il s’agit d’une prise en main politique sur une ville ayant été construite par les citoyens. Leur objectif est d’arriver à former une ville connectée, proche, équitable et compacte, pour l’anniversaire des 500 ans de la ville, en 2042. « Il y a une coordination

entre chaque commune pour faire un plan métropolitain. Nous, on est sur

Guadalajara. »

Une nouvelle structure nommée « Gestion intégrale de la ville » se créée pour une organisation à l’échelle de la ville. Elle se compose de cinq pôles : Planification (pour les changements d’usages de sol ou le plan cadastral), Ouvrages publics, Environnement, Mobilité et Espaces publics. L’ensemble de ces corps de métiers doivent se coordonner pour construire la ville. Les instruments de planification résident dans le Programme de Développement Métropolitain (PDM). Ses cinq axes stratégiques se fondent sur : une ville sécuritaire et cohérente, une ville équitable et «leader», une ville digne et la participative, une ville belle, cultivée et récréative et enfin une ville durable écologiquement.

IV. 1. STRATÉGIES DE LA NOUVELLE STRUCTURE POLITIQUE

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IV. 1. A. DU LOCAL AU GLOBAL

« Qu’ils mettent bien leurs trottoirs avant d’être une ville interplanétaire. »

Guadalajara est composée d’une multitude de ‘quartiers-villages’ comme on l’a dit précédemment. La prise en main politique pour planifier la ville se base sur un processus de renouvellement ponctuel et disparate.

« La stratégie est

de rénover des espaces publics point par point pour leur donner chacun une

personnalité, un caractère pour affirmer leur identité en raison du genre de

commerce qu’il a dans la zone. »

Les commerces à Guadalajara sont sectorisés

par quartier. La reconversion par zone offre une différente matérialité pour donner l’image du quartier. La matérialité du trottoir n’est plus variée au sein d’une même rue mais se différencie en fonction du quartier. A Lopez Cotilla, le revêtement choisi est du porphyre, pour la zone de l’avenue Mexico c’est de la pierre locale de Cantela, pour Medranos, le choix est du ciment coupé par des franges différentes. Dans ces réalisations, on voit souvent ce qui paraît être la fameuse ‘mosaïque Guadalajara’, on la retrouve notamment à Chapultepec ou dans certaines parties du centre. La ville étant très grande, la tactique de renouvellement utilisée cible des zones locales. La stratégie globale n’est pas évidente à percevoir pour les usagers du trottoir, à qui cette méthode ne convient pas.

« Ils devraient homologuer les trottoirs, unifier les critères

pour montrer le trottoir. S’ils veulent mettre sa marque à Guadalajara, il

vaudrait mieux mettre un trottoir uni. Qu’ils choisissent quelque chose

et qu’il le garde. »

Pour les habitants, ces rénovations sont des améliorations

esthétiques plus que fonctionnelles. La praticabilité de la ville est aussi une problématique d’infrastructure. Les citoyens demandent à voir des projets d’envergure intégrale, qui incluent toute catégorie d’habitants.

« Lopez

Cotilla, ils l’ont embelli. Ils ont mis des jardinières. Mais quand il pleut c’est

une piscine. J’te dis, l’infrastructure du drainage. Ou des petits bancs sur

lesquels jamais personne ne s’assiera. [...] C’est politique, de l’enjoliver , la

peindre... Mais c’est pas fonctionnel. Les jardinières.. Métal, métal, métal. Et

les plantes, elles ont besoin d’eau ! Maintenant, où vont-elles la prendre ? Je

ne sais pas comment l’urbaniste l’a pensé. » Dans cette rue, à peine refaite,

les changements apportés ne sont qu’esthétiques. Des pistes cyclables ont été incorporées, cependant les habitants critiquent le fait d’en avoir fait seulement sur une portion de route. La stratégie gouvernementale pour la reconversion de la ville s’applique par zones, alors que les habitants imagineraient une organisation par composantes urbaines.

« Qui va utiliser le vélo ? S’il n’existe

pas de plan réel de protection au cycliste ? Moi je roulerais en vélo s’il avait

une réelle protection. »

Le vélo est un sujet très polémique à Guadalajara en ce

moment. En effet, de nombreux collectifs ont lutté pour le démocratiser, il a pris une place importante dans les revendications pour l’image de la ville. Néanmoins,

« 10% de la population bouge en vélo. C’est le groupe le plus minoritaire,

le moyen de transport le moins utilisé. Malgré ce grand mouvement qu’il

y a pour les pistes cyclables -qui est bien je pense- le vélo ce n’est pas pour

tout le monde, alors que l’on est tous piétons. »

En effet, le vélo n’est pas une pratique universelle contrairement à la marche.

« Ils ont mis des vélos, mais

c’est un système conçu pour les jeunes ! »

Le renouvellement urbain serait

autant discriminant que les trottoirs d’aujourd’hui. Alors pourquoi ne pas rendre viable au moins un espace utilisable par tous. La réalisation de pistes cyclables montre une volonté de modernisation, d’une ville durable, d’une ville jeune et pour les jeunes.

Le privilège donné aux cyclistes n’est pas la seule stratégie regrettée par les piétons. La critique est faite par rapport à la complétude des réalisations.

«

C’est super qu’il y ait de pistes cyclables. Mais pourquoi ils ne font pas une

piste cyclable complète, qui va de la périphérie jusqu’à Guadalajara, avec

une voie exclusive. Comme à Lopez Cotilla, bientôt la piste fait se retrouver

trop étroite. » Le processus choisi par les pouvoirs publics est une vision totale

en appliquant une reconversion par quartier pour une logistique générale en mosaïque. La mobilité n’est pas fluide, ni efficace, puisque les liaisons sont coupées.

« A l’heure d’appliquer... La taille de la ville les dépasse. [...] Pour

le gouvernement municipal, la ville est trop grande. Ils ne se rendent pas

compte que c ‘est une aire urbaine de 5 millions d’habitants. » La parole de

Ricardo Agraz Orozco, au début de la partie IV, prouve cette fatalité. L’immensité de Guadalajara est une raison pour laquelle le gouvernement a choisi de renouveler la ville petit à petit.

« C’est du pur ‘show’, du business. Il doit y

avoir un plan de développement global mais il ne se respectent pas. Il y a

de la corruption. »

L’intérêt de rénover un quartier plutôt que d’autres devient

injuste pour les habitants. L’aspiration des politiques pour le trottoir se dirige vers l’image que ces quartiers renverrons. Les propos du maire de Guadalajara, Enrique Alfaro Ramírez, le prouvent : « L’espaces public et l’image urbaine comme élément de la dignité. [...] Dans une ville digne, le piéton est premier. Nous allons réhabiliter, remodeler et nettoyer les trottoirs. »

« Comme les moins valides sont

peu à l’échelle de la ville, ils représentent peu de votes électoraux. Ils ne les

prennent pas en compte. »

La perspective des usagers n’est pas celle des pouvoirs publics. Malgré leur intérêt apparemment commun envers le piéton, les modes d’application et les raisons de ces préocccupations divergent. De plus, les discordes continuent puisque le gouvernement se doit de penser aussi aux autres usagers de la ville.

« Dans tout le Mexique, il n’y a pas de politique qui pense aux piétons. Ils

n’investissent pas d’argent. Le privilège est donné aux cyclistes. » « Nous