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Les avantages attendus de l’AC

Dans le document Doctorat ParisTech T H È S E (Page 52-200)

2. Le cas d’un modèle technique présentant un risque de verrouillage

2.1. Un modèle candidat à l’agriculture durable

2.1.3. Les avantages attendus de l’AC

Les entretiens et la recherche bibliographique menés dans le cadre de cette thèse ont permis d’identifier un certain nombre de preuves disponibles sur les avantages attendus de l’AC. La méthode utilisée ainsi que l’ensemble des références mobilisées sont rassemblées

23 C’est-à-dire pour enfouir les chaumes (tiges de céréales qui couvrent le champ après la moisson) en terre.

53 dans l’Annexe 1. Les conclusions de cette recherche montrent que, par rapport à la pratique du labour, ces avantages sont principalement de deux ordres : conservation des sols et baisse des coûts de production.

En termes de conservation des sols, l’AC fait valoir des bénéfices qui concernent :

- la lutte contre l’érosion éolienne et hydrique et la dégradation des sols (protection des sols par les couverts végétaux ; meilleure infiltration des sols poreux) (Holland, 2004 ; Lopez et al., 1997), notamment dans le cas des sols brésiliens concernés par ces problèmes (Bernoux et al., 2006 ; Scopel et al., 2005) ;

- la lutte contre la compaction (amélioration de la porosité des sols grâce à la macrofaune et au travail du sol par les racines, diminution du nombre de passages de machines dans les champs et des effets de tassement des sols) (Blanchart et al., 2007 ; Carof et al., 2007; Labreuche et al., 2007 ; Scopel et al., 2005) ;

- le maintien voire l’augmentation de la biomasse (fertilité) et de la biodiversité (durabilité) (Arrouays et al., 2002 ; Bernoux et al., 2006 ; Corbeels et al., 2006).

Cette augmentation de la matière organique des sols permet dans certains cas la régénération des sols (qui s’accompagne alors parfois d’une baisse de la consommation de fertilisants) et peut contribuer à limiter le transfert d’éléments polluants (sédiments, pesticides, nutriments) vers les eaux de surface, voire à dégrader certains éléments polluants (Holland, 2004).

L’AC présente aussi un certain nombre d’avantages attendus en termes de diminution des coûts de production (De Tourdonnet et al., 2007 ; Holland, 2004 ; Labreuche et al., 2007):

- Diminution des besoins en travail (la simplification voire l’arrêt d’un certain nombre d’opérations de travail du sol permettant d’utiliser moins de main d’œuvre et de baisser les charges de mécanisation) ;

- Diminution de la consommation de carburant ;

- Diminution de la consommation de certains intrants (fertilisants).

Enfin, l’AC est mise en avant pour son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique, par son potentiel de stockage de carbone dans les sols. Des études montrent en effet que la modification de certains usages des terres ou de pratiques agricoles peut effectivement jouer sur les apports de matière organique au sol, sur la vitesse de minéralisation, et donc peut accroître le stockage de carbone organique dans les sols métropolitains (Bernoux et al., 2006 ; Corbeels et al., 2006 ; Metay et al., 2007).

Cependant, ce sujet est objet de controverses car le stockage est plus ou moins conséquent et à long terme selon les conditions du milieu. Les différences sont notables entre pays tempérés et pays tropicaux (et notamment au Brésil), où le stockage de carbone peut être plus élevé (Arrouays et al., 2002 ; Labreuche et al., 2007 ; INRA, 2002 ; Richard et al., 2001).

54 2.1.4. Expansion des techniques d’AC en France et au Brésil

En France, on observe une augmentation des surfaces en sans labour en grandes cultures, mais cette augmentation peut s’avérer difficile à estimer pour plusieurs raisons. Il y a, comme on l’a évoqué, une grande diversité de pratiques derrière le terme d’Agriculture de Conservation, qui ne sont pas toujours distinguées. Cette diversité s’accompagne de certains problèmes de définition du sans labour, qui peuvent mener à des difficultés lors de la réalisation des enquêtes sur les pratiques culturales24 ; ainsi, certains agriculteurs peuvent déclarer pratiquer l’AC alors qu’ils reviennent épisodiquement au labour pour gérer les mauvaises herbes.

Cependant, les enquêtes « Pratiques culturales » 2006 et 2011 (Agreste 2010 ; Agreste 2014) montrent que les surfaces cultivées en sans labour25 ont augmenté depuis 2001. En grandes cultures (céréales, oléagineux et protéagineux) les surfaces non labourées sont passées de 21% en 2001 à 35% en 2011. Selon ces enquêtes, le sans labour s’est développé plus rapidement dans certaines régions. Il concerne en 2011 plus de 40% de la sole cultivée dans les Midi-Pyrénées, en Languedoc-Roussillon, Bourgogne, Champagne Ardenne et Ile-de-France (figure 1).

Les chiffres concernant exclusivement la pratique du semis direct montrent aussi son expansion en France. Selon la base de données de la FAO (Aquastat), la superficie concernée en 2005 comptait 150 000 hectares, soit 0.8% de la surface cultivée ; contre 200 000 hectares en 2013, soit près de 2%).

24 Il s’agit notamment des enquêtes sur les pratiques culturales des agriculteurs réalisées tous les 5 ans par les services du Ministère (Service de la Statistique et de la Prospective) et les services régionaux de l’information statistique et économique (SRISE).

25 Il s’agit bien des surfaces cultivées sans travail du sol ou avec un travail du sol superficiel. Le recours au labour même épisodique ou le travail du sol profond avec des outils à « dents » ne sont pas considérés comme du « sans labour » dans les bases de données.

55 Figure 1 : Surfaces cultivées en sans labour en France en 2011

(Source : Enquêtes pratiques culturales 2011, Agreste 2014).

En ce qui concerne la progression du sans labour selon les cultures en 2011, le blé dur est l’espèce la plus implantée selon ces techniques (58% des surfaces). Le colza est aussi une culture importante (51% des surfaces) ainsi que le blé tendre (44%). Ces chiffres diminuent pour les cultures de printemps difficiles à réussir en AC (orge : 31% ; Tournesol 28% ; betterave 14% ; maïs grain 18%) (figure 2).

Figure 2 : Surfaces implantées en sans labour en France en fonction des cultures (Source : Enquêtes pratiques culturales 2011, Agreste 2014).

56 Les chiffres estimant l’avancée de l’AC au Brésil peuvent être sujets à caution, en raison de la partialité de certaines sources disponibles (études produites par des acteurs faisant la promotion de l’AC et/ou entretenant des relations de proximité avec les firmes d’agrofourniture), et aussi de la diversité des techniques prises en compte parfois indistinctement (semis direct sous couvert ou non). Cependant, les données rendues disponibles par la FAO (base de données Aquastat) indiquent que la superficie cultivée en AC (toutes techniques confondues) couvrait plus de 25 millions d’hectares en 2006 (soit près de 34% de la surface cultivée) et plus de 31 millions d’hectares en 201226 (soit plus de 42% de la surface totale cultivée). Des études estiment en 2006 à environ 20 millions le nombre d’hectares cultivés strictement en semis direct, dans des conditions pédoclimatiques et des systèmes de culture très différents (Bernoux et al., 2006), ce qui représente plus de 24% des surfaces cultivées selon les chiffres donnés par le système d’information statistique du gouvernement brésilien (IBGE)27.

Cette expansion en termes de surfaces se double d’un intérêt croissant des politiques publiques pour les techniques d’AC, qui soutiennent leur développement dans le cadre de la mise en œuvre de mesures agri-environnementales.

2.1.5. L’AC, objet de politiques publiques en France et au Brésil

L’AC fait l’objet d’un intérêt croissant par les politiques publiques. Elle est à l’agenda politique des débats liés à l’agriculture durable à plusieurs égards. En France, il n’existe pas de programme ou de mesure de politiques publiques spécifiquement dédiés au soutien de l’Agriculture de Conservation. Cependant, un certain nombre de mesures existantes constituent des incitations au développement de ces techniques, et les citent comme moyen d’action possible et encouragé en fonction de divers objectifs.

Les techniques de sans labour ont fait l’objet de débats dans le cadre de l’élaboration de mesures visant à la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Elles ont notamment été au cœur des débats du CORPEN (Comité d’Orientation pour des Pratiques Respectueuses de l’ENvironnement) aux ministères en charge de l’Agriculture et de l’Ecologie, qui ont provoqué la commande et la réalisation d’une évaluation sur les impacts environnementaux de ces techniques, pilotée par l’ADEME en 2007. A la suite de ces débats, un projet d’élaboration de MAE (Mesure Agri-Environnementale) est en cours au sein des services du ministère de l’Agriculture.

26 Respectivement 25 502 000 pour 2006 et 31 811 000 hectares pour 2012.

27 L’IBGE indique pour l’année 2006 que, sur le total des 5 175 636 exploitations agricoles, 14% mettaient en œuvre des techniques minimum de travail du sol (minimum tillage), et 10% étaient en système semis direct sous couvert (plantio direto na palha). Ces 10% représentent 17 871 773 hectares, soit près de 24% des surfaces cultivées.

57 Par ailleurs, l’Agriculture de Conservation a été au cœur des débats sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et les forêts (votée en 2014)28. Certains programmes de soutien aux innovations techniques en agriculture (comme les « Trophées de l’agriculture durable » du Ministère de l’Agriculture) font aussi la promotion des techniques sans labour. Les techniques sans labour sont aussi citées comme une bonne pratique à encourager dans le cadre de la mise en œuvre du programme Ecophyto. Ce programme, lancé à la suite de la consultation nationale menée lors du Grenelle de l’Environnement (2007), vise à réduire la consommation de pesticides en agriculture.

Dans le cadre des politiques de lutte contre l’érosion hydrique, qui représente un enjeu croissant en France, la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003) prévoit la délimitation des zones d’érosion et la mise en place de programmes d’action. Parmi ces programmes d’action, le soutien aux techniques sans labour est cité.

On peut enfin mentionner les débats en cours au Ministère de l’Ecologie et à l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) relatifs au projet d’élaboration d’une Directive européenne concernant la conservation des sols. Dans le cadre de ces débats, l’Agriculture de conservation des sols est considérée comme une solution à mettre en avant. Dans ces administrations, l’AC est aussi objet d’intérêt dans le cadre des débats relatifs à la contribution du secteur agricole à la lutte contre le réchauffement climatique, pour son potentiel de stockage de carbone dans les sols.

Dans le cas du Brésil, des politiques plus spécifiques ont été mises en place dès les années 1970. Les politiques de crédit rural de l’époque comprenaient des mesures relatives aux prêts et taux d’intérêts favorisant l’achat de machines et d’intrants, et des crédits spécifiques ont été prévus pour l’adoption du semis direct dans les exploitations, dans le cas du blé notamment (Benini et al., 2010). Le volume des politiques de crédit a augmenté à la fin des années 1990, avec la mise en place de nouveaux instruments (notamment le recours aux crédits des banques privées, Gasques, Conceiçao, 2001) pour le soutien à l’investissement du secteur agricole dans des pratiques durables, dont le semis direct.

D’autres mesures sont mises en œuvre dans le cadre de politiques liées à la préservation de l’environnement. La loi sur la protection des ressources hydriques (Lei 9.433 du 08/01/1997) subventionne la mise en place de mesures favorisant une meilleure gestion de l’eau en agriculture, dont le semis direct parfois associé à une mise en culture des terres selon les courbes de niveau. L’Etat fédéral a soutenu le développement de programmes de recherche et de développement pour l’amélioration des systèmes en semis direct, via le

28 Les techniques de conservation des sols sont ainsi présentées comme l’une des solutions privilégiées pour permettre le développement d’ « agricultures doublement performantes », c’est-à-dire à la fois compétitives et respectueuses de l’environnement (voir par exemple http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Agroecologie_-_Rapport_double_performance_pour_le_MAAF_-_note_principale_et_annexes_-_VF_cle899e18.pdf )

58 financement des activités de l’EMBRAPA (Entreprise Brésilienne de Recherche Agronomique29) sur le sujet. Ce soutien a accompagné la mise au point et la diffusion de techniques d’AC adaptées aux conditions tropicales, et de certaines innovations technologiques afférentes produite par l’EMBRAPA (en recherche génétique – adaptation des semences de blé et soja).

Enfin, lancé en 2010, le Programme ABC (Agriculture Bas Carbone30) est la déclinaison sectorielle du Plan National d’adaptation au changement climatique : il reprend les engagements du Brésil lors de la conférence des Nations Unies sur le climat à Copenhague en 2009. Ce programme définit des « pratiques agronomiques et des technologies durables », dont plusieurs préconisent le semis direct, et incite à leur adoption par des crédits favorisant les producteurs et les coopératives les mettant en œuvre.

2.2. Risques de verrouillages liés à l’AC

En dépit de cette expansion et de l’intérêt des politiques publiques pour l’AC, il subsiste des controverses sur l’efficacité environnementale de certaines techniques. Cette situation pose problème au regard du risque de verrouillage technologique dont le modèle est porteur.

2.2.1. Contraintes techniques et utilisation de produits phytopharmaceutiques en AC

L’impact des techniques d’AC sur le niveau d’utilisation de produits phytopharmaceutiques et en particulier d’herbicides est l’objet d’inquiétudes.

Plusieurs études montrent une dépendance voir une augmentation du recours aux pesticides sur des exploitations converties à l’AC31. Dans certains cas le « paillis » produit dans certains systèmes conduits en AC (le couvert végétal « mort » constitué des résidus végétaux) peut en effet favoriser l’augmentation de parasites et de ravageurs, et donc l’utilisation de pesticides nécessaires à leur élimination. Dans le cas de la France, on observe un recours accru aux pesticides en non labour (Richard et al., 2001 ; Aubertot et al., 2005 ; Agreste 2014). Cette dépendance est plus ou moins élevée selon les cultures : elle est notamment particulièrement problématique dans le cas des cultures de colza (voir

29 Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuaria.

30 Programa ABC, Agricultura de Baixa Carbono.

31 Dans certains pays du Sud on voit l’augmentation voire l’introduction de l’usage des herbicides dans des exploitations jusque-là autonomes vis-à-vis de l’utilisation de ce type d’intrants (en Zambie et au Ghana par exemple, Boahen et al., 2007, Baudron et al., 2007). Ces résultats ont donné lieu à une controverse importante dans la communauté scientifique (voir en particulier l’article de Giller et al., 2009) qui a conduit à remettre en cause la promotion de l’AC par les organisation internationales, et notamment la FAO, auprès des agriculteurs familiaux des pays du Sud.

59 par exemple en France Agreste, 2010 : « Le colza est très dépendant des pesticides dans les rotations courtes sans labour »).

Une partie des systèmes conduits en AC est en particulier dépendante de l’utilisation d’herbicides pour gérer plusieurs types de problèmes techniques (voir hors-texte 5) :

- gestion des adventices (mauvaises herbes) pour remplacer l’effet du labour et gérer le « stock de semences » en surface du sol qui a tendance à augmenter lorsque les horizons du sol ne sont plus retournés profondément ;

- destruction des couverts végétaux avant le semis de la culture.

Hors-texte 5 : Herbicides et gestion des mauvaises herbes en sans labour

Les herbicides sont utilisés en interculture pour détruire les levées de mauvaises herbes et pouvoir semer dans un sol « propre ». Cette utilisation est surtout liée à la période de transition entre systèmes en labour et systèmes en AC, où l’on peut alors observer une augmentation des quantités utilisées. A la suite de cette période un équilibre peut se mettre en place entre ravageurs et auxiliaires, qui permet alors de réduire les intrants. Des analyses pointent cependant du doigt certaines pratiques en SCV ou SD qui remplace l’action du labour mécanique par ce que certains appellent un « labour chimique ». D’une manière générale, un désherbage régulier est nécessaire pour éviter un retour à la charrue et la perte des bénéfices engrangés par ailleurs grâce à l’arrêt du travail du sol.

Les herbicides peuvent aussi être utilisés pour la destruction de certains couverts végétaux avant le semis de la culture. Cette destruction peut être faite au moyen d’herbicides dits dessicants.

Les données des enquêtes « Pratiques culturales » menées en France depuis 2001 et les données disponibles pour le Brésil montrent une dépendance voire une augmentation de la consommation d’herbicides en sans labour, glyphosate32 en tête (voir annexe n°1). Il existe des alternatives à l’utilisation d’herbicides face à ces contraintes techniques mais elles sont peu développées. Des expériences montrent qu’il est possible d’intégrer des pratiques de gestion des mauvaises herbes sans herbicides (désherbage mécanique, rôle de l’élevage, maîtrise des couverts végétaux par l’association de plantes de couverture…). De même pour la gestion des couverts végétaux des solutions moins polluantes existent mais qui sont plus complexes et longues à mettre en place (utilisation de plantes gélives en France, de techniques de désherbage mécanique, réintroduction de l’élevage sur l’exploitation pour que les couverts soient consommés par le bétail).

D’une manière générale la gestion des adventices constituent un problème important dans les systèmes sans labour parce que les solutions alternatives aux herbicides nécessitent la mobilisation de connaissances agronomiques nouvelles et spécifiques. Par exemple dans la construction de rotation de cultures/intercultures limitant la prolifération des mauvaises

32 Le glyphosate est une molécule d’herbicide total (non sélectif), c’est-à-dire efficace sur l’ensemble de la végétation (adventices et espèces cultivées). Elle a été mise au point par la firme Monsanto au début des années 1970, et constitue la composante active de l’herbicide commercialisé sous le nom de RoundUp.

60 herbes ; dans l'élaboration de solutions de désherbage mécanique ; dans la mise en place de faux semis33; ou encore dans les avantages de la réintroduction de l’élevage (notamment pour la destruction des couverts végétaux). Or les recherches sur ces techniques alternatives, et en particulier en agriculture biologique, sont moins développées (Peigné et al., 2007).

Autrement dit, certains travaux d’agronomie tendent à montrer qu’une maîtrise de la technique du semis couvert pourrait permettre de contourner l’usage massif de pesticides sous certaines conditions, notamment si l’on trouve des rotations de culture adaptées aux conditions du milieu (Tourdonnet et al., 2007). Toutefois, dans les conditions actuelles de la pratique, pour toutes exploitations agricoles confondues, les données disponibles montrent qu’à l’échelle nationale la réduction du labour s'accompagne d'un accroissement du recours aux pesticides, notamment d’herbicides.

2.2.2. Dynamiques historiques favorisant l’utilisation d’herbicides et de paquets technologiques associés.

Cette situation de dépendance à l’égard de l’utilisation d’herbicides s’explique d’une part par les conditions initiales du développement de l’AC, et d’autre part par l’existence de rendements croissants lors de l’adoption de « paquets technologiques » autour de l’utilisation de ces produits, favorisés par les effets d’apprentissage au sein des réseaux. On retrouve en effet dans l’histoire du développement de l’AC une caractéristique classique des situations de verrouillage technologique : la complémentarité entre technologies (David, 1985), ici entre AC et nouveaux herbicides.

Historiquement les systèmes en non labour se sont développés avec l’arrivée sur le marché d’herbicides de nouvelle génération (dits herbicides totaux* ou non sélectifs) et bon marché. C’est aux Etats-Unis que la firme Monsanto a proposé le premier herbicide total non sélectif (à base de glyphosate) au début des années 1970. Cette innovation fut un facteur important de la diffusion des systèmes en semis direct. Avant cela, de nombreux échecs en sans labour étaient dus à l’impossibilité de gérer les adventices et de trouver un remplaçant au labour. Dans les années 2000, le passage dans le domaine public de la molécule produite et brevetée par Monsanto, et donc la baisse du prix des herbicides totaux, a aussi favorisé la diffusion du semis direct, en particulier en France. Cette complémentarité entre technologies a aussi concerné des semoirs adaptés aux techniques sans labour34, et plus récemment des semences (semences résistantes aux herbicides

33 La technique du faux semis vise à réduire le stock de semences d’adventices (mauvaises herbes) en dormance dans les sols. Elle consiste à préparer le sol comme pour un semis, afin de laisser germer les graines de mauvaises puis de les détruire, avant de réaliser le semis des plantes de culture.

34 Le développement des techniques d’AC produit des besoins en machines spécifiques (en particulier des semoirs). Le machinisme associé aux nouvelles pratiques en sans labour est très important, en matière de qualité technique mais aussi d’un point de vue symbolique. En France, Goulet (2008) analyse ainsi l’importance des valeurs symbolisées par la maîtrise de ces nouveaux outils perfectionnés (et par la remise en cause de la pratique ancestrale du labour), pour les exploitants en grandes cultures qui traversent une

61 totaux ou semences de plantes de couverture35). Dans certains pays d’Amérique Latine dont le Brésil, la mise en œuvre des systèmes de semis direct est aujourd’hui souvent associée à un ensemble de technologies calibrées sur l’utilisation d’herbicides. On parle alors de « paquets technologiques »* comprenant un semoir adapté aux techniques de travail du sol en AC, un herbicide total, et des semences génétiquement modifiées (GM) résistantes à cet herbicide.

La diffusion de ces technologies présente les caractéristiques associées en théorie à

La diffusion de ces technologies présente les caractéristiques associées en théorie à

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