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2.2 L’équivalence en lexicographie

2.2.4 Autres typologies de l’équivalence en lexicographie

Outre la typologie de l’équivalence exprimant le degré d’isomorphisme entre deux unités lexicales de langues différentes, il existe des typologies qui envisagent l’équivalence sous d’autres angles. Plusieurs sont décrites dans la littérature, mais nous n’en présentons que deux dans cette section. La première nous vient de Svensén (2009 : 256), l’équivalence sémantique et l’équivalence pragmatique; la deuxième de Zgusta (1987 : 147–154), l’équivalence traductionnelle (translational) et l’équivalence explicative (explanatory). 2.2.4.1 Équivalence sémantique et équivalence pragmatique

L’équivalence sémantique se dit d’un équivalent dont le sens est identique à celui de l’unité lexicale source, par exemple, l’unité lexicale citrouille est l’équivalent de l’unité lexicale anglaise pumpkin lorsque ces dernières désignent le même concept (courge arrondie et volumineuse de couleur jaune orangé). L’équivalence sémantique est consignée dans les dictionnaires bilingues. Toutefois, dans certains contextes, citrouille ne sera plus l’équivalent adéquat de pumpkin. Par exemple, aux États-Unis, pour signifier son affection à un enfant, il est fréquent d’employer le mot pumpkin lorsqu’on s’adresse à lui : You are my little pumpkin. La phrase anglaise traduite mot à mot en français donnerait Tu es ma petite citrouille. En français, cette traduction ne produirait évidemment pas le même effet qu’en anglais, surtout du point de vue esthétique. Par conséquent, il est nécessaire de recourir à l’équivalence pragmatique afin de trouver un équivalent convenant au contexte. Dans le cas présent, cela pourrait être chou, ce qui donnerait Tu es mon petit chou.

Dans un dictionnaire bilingue, les équivalents sémantiques d’une unité lexicale sont idéalement tous répertoriés, alors que les équivalents pragmatiques ne le sont pas tous. Par exemple, à l’entrée pumpkin, la version électronique du Robert & Collins (2003) n’offre pas l’équivalent chou quand le terme anglais est utilisé dans un contexte tel que celui décrit ci-dessus. Les équivalents pragmatiques étant très nombreux, les dictionnaires bilingues doivent faire un choix et ne présenter que ceux qu’ils jugent utiles. Ainsi, à l’entrée sugar (sucre), le Robert & Collins (2003) offre un équivalent pragmatique chérie : « come here sugar » => « Viens ici chérie ».

2.2.4.2 Équivalence traductionnelle et équivalence explicative

Dans les dictionnaires bilingues, les équivalents sont généralement de deux ordres : traductionnels ou explicatifs. L’équivalent traductionnel est une unité lexicale de la langue cible, qui, une fois insérée dans le texte cible, produit une traduction conforme aux usages établis dans la langue cible (Tableau 2.4). Idéalement, les dictionnaires bilingues devraient toujours proposer des équivalents traductionnels (Zgusta 1987 : 147). Or, comme expliqué par l’auteur et comme nous avons pu le constater au début de cette section, il est parfois impossible d’offrir un équivalent traductionnel. Dans ces conditions, le lexicographe doit recourir à l’équivalence explicative. L’équivalent explicatif est un syntagme non figé de la langue cible qui permet à l’utilisateur du dictionnaire de comprendre la notion exprimée par l’unité lexicale source (Tableau 2.4). Ces syntagmes ne sont pas des définitions et ils peuvent selon le contexte être insérés dans le texte cible. Toutefois, ils ne possèdent pas les mêmes qualités que les équivalents traductionnels.

Tableau 2.4. Exemple d’équivalent traductionnel et d’équivalent explicatif

Anglais Français

Équivalent traductionnel tundra toundra

Équivalent explicatif tundra steppe arctique

2.2.5 Récapitulation

Pour récapituler, l’équivalence en lexicographie ne se présente pas toujours comme une relation symétrique, c’est-à-dire : A = B et B = A. Bien au contraire, les relations d’équivalence sont très souvent caractérisées par des écarts. Afin de décrire avec plus de

précision les équivalents, les dictionnaires bilingues en lexicographie comportent généralement deux parties, celle qui décrit les unités lexicales de la langue A vers la langue B et celle qui les décrit de la langue B vers la langue A (Van Campenhoudt 2003 : 84).

Pourtant, bien que l’on connaisse depuis toujours le non-isomorphisme des systèmes linguistiques et qu’il soit bien décrit dans la littérature, les dictionnaires bilingues continuent de présenter presque exclusivement les équivalences de même catégorie grammaticale, à moins qu’ils n’y soient absolument forcés (Zgusta 1971 : 313), ce qui pose bien des problèmes à l’utilisateur non averti. Ainsi, pour traduire changement climatique en anglais, on trouvera respectivement dans le Robert & Collins (2003) comme équivalence change et climatic, ce qui donnerait climatic change (ADJ + NOM) – terme, qui même s’il n’est pas totalement fautif, est beaucoup moins idiomatique que climate change (NOM + NOM). Ici, le dictionnaire bilingue n’a pas informé l’utilisateur qu’en fonction de la base de la collocation les adjectifs français sont souvent rendus par des noms en anglais.

Ensuite, d’après les deux définitions suivantes, nous constatons qu’en lexicographie l’équivalence touche principalement les unités lexicales ou les expressions – mais pas les phrases, comme c’était le cas en traductologie.

Equivalence can be defined as the relationship between a source-language expression and a target-language expression with regard to meaning (SEMANTIC

EQUIVALENCE) and usage (PRAGMATIC EQUIVALENCE). (Svensén 2009 : 253)

We call equivalent such a lexical unit of the target language which has the same lexical meaning as the respective lexical unit of the source language. (Zgusta 1971 : 312)

Pour terminer, comme le souligne Adamska-Salaciak (2010 : 388–389), l’utilisation de plus en plus fréquente des corpus pour étudier l’équivalence invite le lexicographe à considérer la langue non seulement en tant que système, mais aussi en tant que texte. Ainsi, les dictionnaires introduisent de plus en plus des équivalents intertextuels (ex. l’équivalence pragmatique de Svensén (2009 : 255)). Par ailleurs, dans ce même article, Adamska- Salaciak aborde une question importante « Is equivalence discovered or created? ». Par cette question, l’auteure distingue les équivalents qui préexistent (en principe répertoriés dans les dictionnaires) de ceux qui sont créés au moment du processus de traduction.