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2.3 Etude de l’autofocalisation

2.3.3 Autofocalisation à haute densité

Dans les cas exposés jusqu’à maintenant, l’autofocalisation relativiste donnait lieu à la formation d’un plasma très fin, et il était difficile de distin- guer la présence de plusieurs filaments : le laser semblait rester focalisé en un seul filament. Cela n’est plus le cas lorsque l’on augmente considérablement la densité électronique.

Sur la figure 2.27, on montre des ombroscopies de plasmas obtenues en impulsion courte (τ = 35 fs et I = 1.8 × 1019W.cm−2

) avec le jet de gaz de 2 mm. Pour les images de la figure2.27, le faisceau sonde était converti à 2ω, et il arrivait 50 à 100 ps après le début de l’interaction. Le plasma ayant ainsi eu le temps de se détendre, il est beaucoup plus large sur cette figure que sur les précédentes. Un filtre interférentiel à 2ω était placé devant la caméra. On constate plusieurs phénomènes intéressants :

– En début de jet, on peut observer des filaments qui se propagent avec un angle donné. Cet angle est d’autant plus grand que le plasma est dense. Ces filaments ionisent le plasma et par conséquent, leur intensité est > 1015W.cm−2

. Ce phénomène peut s’expliquer par l’autofocalisation violente (P/Pc ∼ 50) et par une forte croissance des instabilités Raman

de côté. Ceci est confirmé par le fait que dans le cas a), on observe de la lumière diffusée à 2ω, confirmant qu’en ce point, l’intensité laser ainsi que les gradients de densité sont probablement très élevés.

– La taille du plasma est d’autant plus grande que le plasma est peu dense. Ceci indique qu’à forte densité, les instabilités sont tellement fortes, que le laser est très efficacement absorbé ou diffusé. Dans le cas

a), ne = 1.5 × 1020cm−3, le plasma ne s’étend que sur 1 mm alors que

pour le cas d) à plus basse densité, il s’étend sur toute la longueur du jet, soit 2 mm.

– Finalement, dans le cas d), on observe la présence d’un canal sur toute la longueur du plasma. Ceci est dû à l’expulsion radiale des ions après le passage de l’impulsion.

On voit donc clairement sur ces images que dans un plasma à haute den- sité, la propagation du laser peut être très chaotique en raison de l’autofoca- lisation violente de l’impulsion et de la forte absorption due aux instabilités.

Modèle simple de filamentation

Dans ce qui suit, j’ai essayé de développer un modèle simple afin de pou- voir expliquer le comportement des filaments observés. En particulier, ces filaments ont tendance à se propager avec un angle qui croît avec la den- sité du plasma. Supposons tout d’abord un faisceau gaussien en espace : a(r) = a0exp(−r2/w20). L’impulsion s’autofocalise rapidement sur des dia-

mètres de l’ordre de w00 ' γ1/2c/ωp [Pukhov & Meyer-ter-Vehn 1996]. En

réalité, lorsque le faisceau s’autofocalise, l’intensité augmente et donc a0 et

γ⊥augmentent également. Les quantités w00, a00et γ⊥0 désignent les paramètres

du laser après autofocalisation. On a alors les relations :

w00 = γ 01/2 ⊥ c ωp (2.20) a00 = a0 w0 w00 γ0 =  1 + a 02 0 2 1/2

0

20

40

60

80

0

0.5

1

θ (degrés)

I

d

(u. a.)

Fig. 2.28 – Intensité des ondes EM diffusées par le Raman à angle en fonction

de l’angle pour plusieurs densités électroniques. Trait plein : ne = 1019cm−3;

trait discontinu : ne = 2.3 × 1019cm−3; trait pointillé : ne = 4.5 × 1019cm−3;

trait point-tiret : ne = 1020cm−3.

lorsque a0w0kp > 2/

3, la seule solution ayant un sens physique est :

(2.21) w00 =a 2 0w20 4k2 p 1/6 [(1 + A)1/3+ (1 − A)1/3]1/2

avec kp = ωp/c et A est donné par :

(2.22) A =1 − 16

27a4 0w40k4p

1/2

Pour l’impulsion du LOA, cela donne par exemple w00 = 3.3 µm pour ne =

1019cm−3 , et w0

0 = 1.6 µm pour ne= 1020cm−3.

On considérera en première approximation que le faisceau reste gaussien, on a donc : a0(r) = a00exp(−r2/w002). La force pondéromotrice associée à l’impulsion autofocalisée peut exciter des ondes plasma radiales qui seront considérées comme un bruit de départ pour les instabilités Raman :

(2.23) δ(r) = ωp−1 Z t 0 dt0sin[ωp(t − t0)] c2 2∇ 2a0 (r)2 ∝ ∇2a0 (r)2 Il vient donc : (2.24) δ(r) ∝  1 − 2 r 2 w002  exp(−r2/w002)

En réalisant une transformée de Fourier, on peut obtenir le spectre en k⊥des

ondes plasma initiales : δ(k⊥) = TF[δ(r)]. Ces perturbations de la densité du

plasma provoquent la diffusion (Thomson) d’ondes électromagnétiques δEd

aux fréquences et nombres d’onde (kd, ωd= ω0− ωp). Ces ondes électroma-

gnétiques vérifient les équations de dispersion du plasma et par conséquent, on a : kd = [(ωd2 − ω

2

p)/c2]1/2. De par la géométrie du problème6, on peut

considérer que le spectre en k⊥ des ondes EM diffusées est δEd(k⊥) ∝ δ(k⊥).

On suppose donc que pour chaque angle, l’accord de phase est vérifié7. Les

champs diffusés sont alors amplifiés par l’instabilité Raman de côté avec un gain G(θd) = exp[Nexp(θd)], où Nexp est le nombre d’exponentiations obtenu

dans la référence Antonsen et al. [1993]. Lorsque l’angle de diffusion θd est

inférieur à un angle critique θc = 2 arctan[cτ0/(2w00)], on a :

(2.25) Nexp(θd) ∝ a02 0kpk0 2 | tan(θd/2)| 1/2 w01/20 cτ0 − w00| tan(θd/2)| 1/2

où θd= arcsin(k⊥/kd) est l’angle de diffusion, soit encore l’angle que fait un

filament avec l’axe de propagation du laser.

Finalement, l’angle préférentiel pour la diffusion Raman va donc maxi- miser le produit G(θd)δEd(θd) = Ed(θd). Les résultats de ce modèle sont

illustrés sur la figure 2.28 où l’on a représenté l’intensité EM diffusée par le Raman en fonction de l’angle. Comme on le voit, plus la densité du plasma augmente, plus l’angle de diffusion est grand. Ces résultats sont qualitati- vement en accord avec les résultats expérimentaux. Physiquement, lorsque l’autofocalisation a lieu, le laser atteint des diamètres d’autant plus petits que la densité est élevée (w00 ∼ γc/ωp). Ainsi, le spectre en k⊥ des ondes

diffusées est d’autant plus large que la densité est élevée : plus la densité est élevée, plus il existe un bruit initial δEd à grand angle. Le gain du Raman

croît avec θd, ce qui explique donc que l’on puisse obtenir de grands angles

de diffusion Raman à haute densité.