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3. Avancées en Modélisation : Aide à la Décision et Préférences Individuelles

3.4. Aider à Choisir avec une Relation Binaire de Préférence

3.4.3. Au-Delà de l’Optimalité et de la Maximalité

Lorsqu’il n’existe pas de solution maximale pour un couple (S, ≽), qu’est il possible de faire ? Ne peut-on pas néanmoins identifier des solutions visiblement de meilleure qualité que d’autres ? Le jugement des solutions de meilleure qualité repose sur les axiomes de choix. Mais lorsque ceux-ci sont inconsistants (= identifient des sous-ensembles vides) pour une instance donnée, il est nécessaire d’en assouplir (remettre en question) certains. Cette manière de procéder (en relaxant au fur et à mesure une propriété) est l’une des manières d’investigation axiomatique d’un problème.

Présentons donc quelques axiomes de choix de la littérature. Des résultats similaires, voire équivalents, mais souvent découverts de façon indépendante, peuvent être trouvés à la fois en

73 Cette notion est généralement définie pour les graphes orientés sans boucle. Elle a été adaptée aux graphes avec boucle en ajoutant la condition x ≠ y.

(a) w x y z t Remarque : les arcs réflexifs ont été omis. x4 x2 x3 x1 (b)

théorie des graphes d’une part et en théorie du choix social et théorie des jeux d’autre part, du fait qu’une relation binaire de préférence est équivalente à un graphe orienté simple réflexif.

3.4.3.1. Domination et Absorption dans les Graphes Orientés

VON NEUMANN & MORGENSTERN [1947] ont proposé différents axiomes de substitution : la domination et l’absorption (voir aussi HENNING [1996], HAYNES et al. [1998a] et [1998b]). Nous les présentons ci-dessous :

Un sous-ensemble A d’un ensemble S est un ensemble dominant74 selon une relation bi-naire ≽ ssi

∀ y ∈ S \ A, ∃ x ∈ A tel que x ≽ y . (domination) (3–8) Nous dirons qu’un ensemble dominant possède la propriété de domination (appelé stabilité externe par ROY [1969, p. 192], [1970]). Un ensemble dominant A est un ensemble dominant minimal pour (S, ≽) ssi il n’existe pas d’ensemble dominant pour (S, ≽) strictement inclus dans A.

Remarquons que la maximalité n’implique pas la domination ! En d’autres termes, un en-semble maximal n’est pas forcément un enen-semble dominant. La Figure 15 nous montre l’exemple d’un couple (S, ≽) où il existe deux ensembles dominants minimaux pour l’inclusion : {x1, x3} et {x1, x4} ; alors que l’ensemble maximal {x1} est strictement inclus dans les deux premiers. Par contre, toute solution optimale forme à elle seule un ensemble dominant minimal, et tout ensemble maximal est contenu dans un ensemble dominant mini-mal.

De même, un sous-ensemble A d’un ensemble S est un ensemble absorbant selon une re-lation binaire ≽ ssi

∀ y ∈ S \ A, ∃ x ∈ A tel que y ≽ x . (absorption) (3–9)

3.4.3.2. Le Noyau et ses Relaxations

La notion de noyau (kernel) est apparue avec les travaux de VON NEUMANN & M OR-GENSTERN [1944, 1947, chap. XII] en théorie de jeux, sous le nom de “solution”. Dès lors, les noyaux ont été traités en théorie de graphes (ROY [1970], BERGE [1983, chap. 14], parmi d’autres. Voir GHOSHAL et al. [1998] pour une synthèse)75.

Nous appelons noyau N(S, ≽) de S selon ≽, un ensemble qui vérifie conjointement l’axiome de domination et l’axiome de stabilité. Par exemple, l’exemple (b) de la Figure 14, a pour noyau : {x1, x2}. Il existe des couples (S, ≽) sans noyau comme l’exemple (b) de la Figure 15, ou avec plusieurs noyaux comme l’exemple (a) de la Figure 17. Le terme de noyau est aussi utilisé pour désigner un ensemble de choix satisfaisant la domination et la stabilité.

Lorsque la relation binaire de préférence n’est pas transitive, la notion de noyau est sou-vent employée pour identifier un ensemble de choix (VON NEUMANN & MORGENSTERN

[1944], ROY & BOUYSSOU [1993], parmi d’autres), alternativement à celle d’ensemble de choix maximisant stable maximal. Quels sont les liens entre les systèmes axiomatiques sous-jacents à ces deux types d’ensembles ?

74 ROY & BOUYSSOU [1993, § 6.1.2.] parlent d’ensemble surclassant dans le cadre de la relation de surclasse-ment (§3.3.2.1).

75 En théorie des graphes, les notions de noyau et de solution d’un graphe sont des concepts duaux, le premier étant un stable absorbant, et le second un stable dominant (GHOSHAL et al. [1998]). Ces 2 notions ont quelques fois été employées l’une pour l’autre.

Figure 15 : Exemple de (a) dilemme entre le noyau et la maximalité, (b) graphe sans noyau et avec un ensemble maximal.

Un noyau se présente comme un ensemble d’éléments deux à deux non comparables, qui, pris globalement, est au moins aussi bon que tout autre élément situé hors du noyau (ROY

[1970 p. 33]). Mais rien n’empêche qu’un élément de S situé hors du noyau soit au moins aus-si bon que (voire préféré à) au moins un élément du noyau (certains éléments hors du noyau peuvent être préférés à un ou plusieurs éléments du noyau), dès que celui-ci est à son tour dominé par un autre élément du noyau. Nous avons pour exemple le graphe (a) de la Figure 14 : l’élément x3 du noyau {x1, x3} est moins bon que l’élément hors du noyau x4 qui est lui dominé par x1. Ce type de singularité peut être jugé inacceptable pour un ensemble de choix. D’un autre coté, la maximalité tolère des solutions non choisies, qui sont incomparables avec toutes les solutions choisies (par exemple, l’unique solution maximale x1 de l’exemple (b) de la figure précitée, est incomparable à la solution x3 et aucune solution maximale ne lui est préférée). Ce qui peut ne pas être non plus acceptable. La conjonction de ces trois axiomes permet d’y palier. Un ensemble de choix satisfaisant à la fois la maximalité, la domination et la stabilité peut être utilisé comme compromis lorsque l’ensemble optimal est vide. Mais ce type d’ensemble de choix n’est valable que dans une sphère plus restreinte que celle de la maximalité et du noyau.

Remarquons aussi que l’existence d’un ensemble maximal n’implique pas toujours celle d’un noyau (exemple (b) de la Figure 15). De même, l’existence d’un noyau n’implique pas celle d’un ensemble maximal (Par exemple, tout graphe formé uniquement d’un circuit de longueur paire). Lorsque la relation binaire de préférence ≽ est transitive, alors tout ensemble de choix maximisant stable maximal est aussi un noyau ; et vice versa (la preuve est donnée en Annexe B1, Proposition 28). De plus, tout ensemble de choix optimisant stable maximal est un noyau ; mais la réciproque est fausse. La Figure 16 récapitule schématiquement les différentes relations existant entre le noyau, l’optimalité et la maximalité.

Figure 16 : Schéma récapitulant les relations entre la maximalité, l’optimalité, le noyau et la transitivité.

Sachant qu’il existe des graphes réflexifs sans noyau, plusieurs travaux ont porté sur la re-laxation des axiomes de domination et stabilité. Ainsi les notions de quasi-noyau (VINCKE

[1977]), semi-noyau et (k, l)-noyau (GHOSHAL et al. [1998] pour une synthèse) sont apparues. Nous appelons collectivement ces ensembles, les noyaux généralisés. La stabilité est rempla-cée par l’existence, pour tout couple d’éléments d’un noyau généralisé, d’un plus court

che-Remarque : les arcs réflexifs ont été omis. x4 x2 x3 x1 x5 x6 (b) x4 x2 x3 x1 ensemble domi-nant minimal noyau la solution maximale (a)

ensemble des relations bi-naires de préférence (rbp)

rbp admettant un ensem-ble maximal non vide

rbp admettant au moins un noyau non vide rbp admettant un

ensem-ble optimal non vide

min de longueur minimale spécifiée ≥ 2. La domination est remplacée par l’existence, pour tout élément y hors du noyau généralisé, d’un plus court chemin de longueur maximale spéci-fiée, partant d’un élément du noyau généralisé vers y. Les noyaux généralisés existent pour tout couple (S, ≽). Nous ne nous étendons pas sur le sujet ici et renvoyons aux références précitées. Un certain nombre de comparaisons reste à réaliser entre les noyaux généralisés et l’ensemble maximal.

3.4.3.3. Fermeture Transitive, Base

La fermeture transitive a été aussi très utilisée (ROY [1970], SEN [1986], SUZUMURA

[1983] parmi d’autres). Étant donné un ensemble non vide S structuré par une relation binaire de préférence ≽ et une attitude α ∈ PR(AF(RBP)), la fermeture transitive de (S, ≽) selon α est la relation binaire de préférence ≽τ(≽, α) définie sur S de la manière suivante :

Pour x, y ∈ S et x ≠ y, x τ(≽, α) y ⇔    = = ∃ y z x z z z z z k k k et avec α , , α séquence une 1 1 2 1 L .

Par construction, les fermetures transitives ≽τ(≽, α) sont des relations binaires de préférence transitives. Par conséquent, leur ensemble maximal existe, pour tout (S, ≽) avec S non vide. Deux variantes sont apparues en TCS (SEN [1986, § 4.1]) : la fermeture transitive faibleτ(≽, ≽) et la fermeture transitive forte τ(≽, ≻). L’ensemble maximal M(S, τ(≽, α)) de ≽τ(≽, α) peut faire office d’ensemble de choix pour la relation ≽, et est noté τα-M(S, ≽). En AMCD (ROY [1970, p. 37]), la notion de base τ-SM(S, ≽) de (S, ≽) est apparue comme étant un ensemble de choix maximisant stable maximal pour (S, τ(≽, ≽)).

Illustrons ces ensembles avec l’exemple de la Figure 15 : La fermeture transitive faible du graphe est formée de deux classes d’équivalences : {x1} et {x2, x3, x4}, et l’unique base est égale à l’ensemble maximal. La fermeture transitive forte du graphe aboutit à l’ordre total suivant : x1 ≻ x4 ≻ x3 ≻ x2. L’ensemble de choix associé à la fermeture transitive forte est donc aussi égal à l’ensemble maximal. Remarquons que les fermetures transitives faible et forte peuvent aboutir à des ensembles de choix différents de l’ensemble optimal ou maximal. Prenons l’exemple (b) de la Figure 17, où l’ensemble optimal est {x6}, la base est S et où τ

-SM(S, ≽) ∈ { {x6, xi}, avec 1 ≤ i < 6}. En général, τ-M(S, ≽) ⊆ τ-M(S, ≽). Lorsque l’ensemble optimal est non vide, B(S, ≽) ⊆ τ-M(S, ≽), et lorsque l’ensemble maximal est non vide M(S, ≽) ⊆ τ-M(S, ≽). Pour d’autres exemples et références voir SEN [1986].

Ces différents axiomes permettent de caractériser des ensembles de choix qui conduisent à des impasses pour les concepts usuels d’optimalité et de maximalité.

3.4.4. Choisir avec Prudence : Optimalité Relative et Maximalité Relative