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Chapitre 1: Etude des relations monomères / triples hélices

1.3 Etude des populations visibles par RMN liquide

1.3.1 Attribution des résonances

Nous nous sommes essentiellement consacrés à l’étude RMN du peptide (POG)7 pour des raisons techniques. En effet, la température de fusion élevée du peptide (POG)10

était incompatible avec l’utilisation de la cryosonde équipant notre spectromètre RMN. Des spectres 1H et 1H-13C HSQC ont été enregistrés et ont permis une attribution globale des différents types d’acides aminés, sur la base des déplacements chimiques connus des différents protons et carbones des trois résidus proline, hydroxyproline et glycine (Figure 11).

Figure 11: Attribution des signaux caractéristiques du peptide (POG)7, 1mM, 500 MHz, 5°C, 100% D2O, pH 7. Les traits pointillés mettent en évidence l’absence de recouvrement des Hα(Gly) et Hδ(Pro)

L’expérience HSQC est une expérience hétéronucléaire qui permet de relier chaque carbone à son ou ses protons via le couplage scalaire 1JCH. Elle permet de mettre en évidence les protons diastéréotopes, mais aussi de différencier les protons dégénérés en

40 fréquence grâce à la grande dispersion des signaux dans la dimension carbone. Cependant, le spectre HSQC ne permet pas d’obtenir ici une résolution suffisante pour isoler les signaux de chaque acide aminé. La répétition de la séquence primaire des peptides (POG)n

implique en effet une dégénérescence des environnements magnétiques qui se traduit par une superposition des signaux. Nous verrons dans la partie 1.3.2 comment nous avons pu nous affranchir de ces problèmes de recouvrement et mesurer des informations structurales locales pour cette famille de peptide. L’analyse des signaux obtenus sur ce type de spectre est tout de même informative en complément des données obtenues par l’enregistrement de spectres 1D à différentes températures (Figure 12).

Figure 12: Spectres 1H, (POG)7, 1mM, pH=7, 500MHz. A gauche : Agrandissement sur la zone des protons amides, 90:10 H2O/D2O. A droite : D2O, 20°C

Sur les agrandissements présentés en Figure 12, correspondant à la région des protons amide des résidus glycine, nous observons trois populations majoritaires dont les proportions varient en fonction de la température. On remarque que les populations A et C augmentent en même temps que la température alors que la population B diminue. Pour chaque population, nous avons donc calculé le coefficient de température $%&'

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représentant la variation du déplacement chimique des –NH en fonction de la température, afin de savoir si les NH étaient engagés dans une liaison hydrogène. La présence de liaisons hydrogène est associée à un coefficient de température élevé, $%&'

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> -6ppb/K. Seule la population B présente un coefficient de température supérieur à -6ppb/K (§D p.75). Nous avons donc conclu que la population B correspondait à la triple hélice, en accord avec sa disparition à température élevée et avec la persistance du signal NH dans

41 D2O à 20°C, signifiant un engagement dans une liaison hydrogène qui l’empêche de s’échanger avec le deutérium. Les populations A et C ont pour leur part été attribuées à deux formes monomériques. Les spectres enregistrés montrent bien que plusieurs conformères de (POG)7 monomériques sont en échange lent à basse température. Certaines résonances coalescent entre 10°C et 40°C pour n’apparaitre que sous la population A ou la population C. Ces deux populations restent en revanche bien distinctes à température élevée. Une barrière d’énergie connue au niveau des résidus proline correspond à l’isomérie cis-trans de la liaison peptidique précédente. Cette barrière est élevée, de l’ordre de 20 kcal.mol-1, ce qui nécessiterait d’enregistrer des spectres à plus de 100°C pour observer des phénomènes de coalescence. Par intégration, le rapport des populations A et C a été évalué à 20:80, correspondant à l’équilibre cis:trans. Nous avons donc attribué la population A à l’ensemble des glycines suivies d’une liaison amide trans, et la population C aux glycines qui forment une liaison peptidique cis avec la proline suivante. Le petit épaulement situé au pied de la résonance A pourrait correspondre à la glycine terminale du peptide (POG)7, cette dernière ayant un environnement magnétique particulier. De la même manière, à basse température, plusieurs résonances larges sont visibles à proximité du signal correspondant aux résidus glycines de la triple hélice (population B). L’assemblage des trois monomères de CMP se faisant de manière décalée (cf. 1.5.2), les 3 protons amides des glycines terminales de la triple hélice ne seront pas chimiquement équivalents ce qui pourrait conduire au maximum à trois résonances satellites.

Une expérience complémentaire 1H-1H NOESY nous a permis de relier les protons amides des glycines à leurs protons Hα (Figure 13). On remarque que le proton amide de la population A est relié à un couple de protons Hα diastéréotopes avec deux corrélations d’intensité différente. Cette observation nous permet de faire une attribution stéréospécifique des Hα2 et Hα3. En effet, l’expérience NOESY permet de déduire des informations de distance entre protons. L’intensité de la corrélation NOE est proportionnelle à r-6 où r représente la distance entre les deux atomes. Le proton le plus déblindé est alors le Hα2, car dans une structure canonique d’hélice PPII, il est le plus éloigné de son NH (dHN-Hα2 = 2,63Å et dHN-Hα3 = 2,13Å, d’après la structure PDB n°3B0S). La population C n’est que faiblement représentée à basse température et aucune corrélation n’est observée sur le spectre 2D. Des études similaires pourraient être faites à plus haute température pour caractériser les formes monomériques mais ces expériences n’ont pas été enregistrées.

42 Pour la population B correspondant à la triple hélice, les corrélations NOE sont très intenses. Ceci est directement lié à la taille importante de l’assemblage moléculaire. Le transfert d’aimantation NOE est relié à des phénomènes de relaxation dipolaire qui sont d’autant plus efficaces que l’assemblage moléculaire est de haut poids moléculaire. D’autre part, les transferts d’aimantations sont complexes au sein de la triple hélice en raison d’un réseau important de protons au niveau du squelette peptidique. Pour cette raison, la quantification précise et l’obtention de l’attribution stéréospécifique des protons de la glycine n’ont pas pu être effectuées. D’après la structure de triple hélice obtenue par cristallographie (PDB 1CAG), il est prédit que 9 atomes peuvent être visibles dans l’expérience NOESY à partir de la glycine (dHN-X ≤ 5 Å),63

ces observations résultant de corrélations inter-brins (rose) et intra-brins (vert). Il s’avère que nous observons 10 corrélations, celle non prédite correspondant à la corrélation HN-Hβ3(Pro) (dHN-Hβ3(Pro) =5,82Å), probablement observée en raison de phénomènes de diffusion de spins (Figure 13). Il est alors possible d’attribuer stéréo-spécifiquement les protons ProHβ2/ ProHβ3 et les protons HypHβ2/HypHβ3 grâce l’intensité des corrélations NOE (dHN-Hβ2(Pro)=4,59 Å et dHN-Hβ3(Pro) =5,82Å et dHN-Hβ2(Hyp)=3,30 Å et dHN-Hβ3(Hyp) =3,59 Å, PDB 3B0S). Les trois populations minoritaires (1, 2, 3 sur la Figure 13) ont des corrélations intenses avec les HypHβ. Cela signifie qu’elles correspondent à des glycines au sein d’une triple hélice, et donc à celles situées en bout de chaine.

43 Figure 13: A gauche: Spectre 1H-1H NOESY sur le peptide 4(POG)7, 10mM, 500 MHz, H2O/D2O (90:10), 5°C. Les corrélations inter-brins sont représentées en rose et les corrélations intra-brins sont représentées en vert. A droite : Prédictions des corrélations NOE observables dans la triple hélice grâce au marquage 15N-glycine. (a-d) la chaîne noire représente un site marqué: (a) représente les Hα de la glycine et de l'hydroxyproline; en jaune sont représentées les distances interchaines et en rouge les distances intrachaines observables; (b) représente tous les Hβ de l’hydroxyproline et de la proline;(c) représente les distances interchaines entre les glycines observables; (d) représente des atomes Hδ de la proline; 1CAG PDB. Figure tirée de la publication de Hartgerink et al63

L’analyse combinée des expériences 1H,13C- HSQC, 1H,1H- NOESY et 1H, nous a également permis de mettre en évidence la présence de protons isolés permettant la quantification des populations monomériques et triples hélices (Figure 11). Le proton à δ=4.3ppm correspond au Hα des glycines dans le monomère et le proton à δ=3.2ppm correspond au Hδ des prolines dans la triple hélice.