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4. Cadre théorique

4.4. Attitude et comportement

Si le changement de comportement est le but ultime des organisations cherchant un soutien financier par des donations, celui-ci ne peut pas être étudié sans s’intéresser aux processus qui lui sont sous-jacents. Il nous incombe donc de comprendre quels sont les phénomènes ayant des conséquences directes sur le comportement d’un individu. Fabienne Michelik (2008) désigne l’attitude comme principal mécanisme influençant le comportement. Elle mentionne effectivement que « l’attitude est ce qui est supposé être derrière le comportement […] l’attitude serait une cause du comportement. Elle impliquerait donc une certaine tendance à l’action orientée vers l’objet d’attitude » (p.2). Comprendre ce qu’est l’attitude et son impact sur le comportement a donc une importance capitale dans ce travail puisqu’une relation attitude-comportement semble manifestement exister, bien que celle-ci ne soit pas clairement explicitée (Michelik, 2008).

À la lumière de ces éléments, il semble indispensable de clarifier le concept d’attitude, afin de comprendre de quelle manière celle-ci peut impacter le comportement d’un individu. Donner une définition de l’attitude n’est toutefois pas aisé. Bien que de nombreux auteurs aient apportés des explications différentes à cette notion, certains éléments de définition se retrouvent chez chacun d’entre eux (Tafani & Souchet, 2001) :

1. Tous s’accordent sur le fait qu’une attitude est impossible à observer, puisqu’il s’agit d’un processus interne à un individu. Bien que certains outils permettent de mesurer l’attitude explicite d’un individu vis-à-vis d’un objet – et non de l’observer –, ceux-ci souffrent de certains biais, notamment le biais de désirabilité sociale, et ne permettent en outre pas d’accéder à l’attitude implicite de l’individu, celle dont il n’est pas conscient, et qu’il n’est donc pas en mesure de contrôler et de verbaliser (Girandola & Fointiat, 2016).

2. S’il existe bel et bien un caractère observable à l’attitude, celui-ci se trouve dans l’évaluation des réponses qu’obtient un individu face à un objet. Dans cette optique, l’individu observe un objet et l’évalue, selon ses aspects positifs ou négatifs. Il retirera de cette évaluation des réponses positives ou négatives, selon l’objet observé (Tafani & Souchet, 2001).

3. Ces réponses peuvent se classer en trois catégories : cognitives, affectives et comportementales. Les réponses cognitives font référence aux croyances d’un sujet concernant l’objet, les secondes traitent des émotions ou des sentiments liés à l’objet, et finalement les dernières s’intéressent aux comportements induits par l’objet. Des croyances positives vis-à-vis d’un objet peuvent induire des émotions ou des sentiments positifs, ainsi qu’un comportement favorable à l’objet en question. Ainsi ces trois catégories distinctes se trouvent, d’une certaine façon, liées entre elles (Girandola & Fointiat, 2016).

Si l’on en croit Fabien Girandola et Valérie Fointiat (2016), les attitudes revêtent un caractère essentiel dans la mesure où elles ont une influence sur notre perception du monde, notre façon de penser ou de nous comporter. On retrouve ainsi une conclusion similaire à celle de Fabienne Michelik (2008), mettant en avant l’importance du concept d’attitude dans l’étude d’un comportement. Mais si l’on se place maintenant du côté de l’émetteur du message, que cela signifie-t-il ? Une organisation peut-elle influencer le comportement d’un individu simplement en orientant positivement ses attitudes envers un objet ? Si oui, de quelle manière ?

Si l’on en croît David Vaidis (2006), il est effectivement possible d’influencer le comportement d’un individu en orientant ses attitudes vis-à-vis d’un objet. En usant de la manipulation persuasive, on peut modifier l’attitude d’un individu, et ainsi l’inciter à adopter un certain comportement. On retrouve cela sur la Figure 1. L’auteur prend l’exemple de la sécurité routière pour justifier ses propos : plus les automobilistes apprécient conduire à grande vitesse, plus il y aura de comportements à risques sur les routes ; c’est la situation de la Figure 1 en TEMPS 1, dans laquelle l’attitude A détermine le comportement C. Si une campagne de prévention routière – considérée par l’auteur comme de la manipulation persuasive – est mise en place, alors les conducteurs adapteront leur conduite suite au message reçu et rouleront de manière

situation de la Figure 1 en TEMPS 2, dans laquelle l’attitude A’ détermine le comportement C’ (Vaidis, 2006).

Girandola et Fointiat (2016) développent eux aussi quatre modèles explicitant le développement d’un comportement sur la base de l’attitude.

4.4.1. Le modèle RIM (Reflective-Impulsive Model)

Dans ce premier modèle, le Reflective-Impulsive Model, Deutsch et Strack (2006) parlent du comportement social comme une fonction d’un système réflexif et d’un système impulsif, fonctionnant en interaction, mais chacun selon des calculs et des représentations différentes. Prenons chacun de ces deux systèmes plus en détails : Système impulsif

Ce système se base sur nos expériences passées ; il unit la stimulation perceptuelle aux schémas comportementaux basés sur nos expérimentations antérieures. Il recherche principalement le plaisir et l’évitement de la souffrance et est spécifiquement réglé pour s’assurer que nos besoins fondamentaux tels que la nutrition, l’hydratation ou le sommeil soient satisfaits. Ce système ne peut toutefois pas appliquer de concepts abstraits – comme la vérité ou le temps – tout comme il ne peut pas imaginer des plans d’actions n’ayant fait leurs preuves auparavant (Deutsch & Strack, 2006).

Ainsi, avec ce système, nos comportements découlent d’un lien associatif entre une stimulation perceptuelle et des éléments antérieurs mémorisés. (Girandola & Fointiat, 2016).

Système réflexif

Contrairement au système impulsif, le système réflexif est spécialisé dans l’élaboration de plans d’actions dans des situations inédites. Ce système se base sur des représentations symboliques, qui sont en réalités des représentations de concepts stockés dans le système impulsif. Il peut combiner des symboles avec des schémas relationnels (par exemple "c’est", "ce n’est pas", "fais confiance", etc.), ce qui nécessite de garder le sens des symboles tout en y ajoutant le nouveau sens qui découle de l’application de ces schémas relationnels. Si la décision d’adopter un comportement est prise, alors cela activera les schémas comportementaux adéquats dans le système impulsif afin qu’en découle un comportement apparent (Deutsch & Strack, 2006). Ce système réflexif est donc flexible, car il peut s’adapter à des situations encore inconnues, mais implique de ce fait une certaine lenteur et est soumis aux intentions de l’individu (Deutsch & Strack, 2006).

Figure 1 : Lien entre attitude et comportement (Vaidis, 2006, p.105)

4.4.2. Modèle de l’attitude duelle

Ce modèle, développé par Wilson, Lindsey et Schooler (2000), postule que lorsqu’un individu change une attitude (attitude 1) en une autre (attitude 2), cette première attitude n’est pas remplacée, mais elle reste stockée dans sa mémoire. C’est ce que les auteurs appellent "dual attitude". Effectivement, en prenant l’exemple d’une joueuse de tennis améliorant sa technique de service, les auteurs expliquent qu’une habitude fortement ancrée peut être modifiée à la seule condition que la joueuse y prenne garde et concentre son attention sur cela. En cas de distraction ou de fatigue, la joueuse utilisera son ancienne technique de service, malgré qu’elle maîtrise parfaitement la nouvelle (Wilson, Lindsey & Schooler, 2000). Cet exemple permet de mettre en lumière la distinction entre une attitude implicite et explicite, les deux cohabitant et s’exprimant en différentes circonstances : une attitude implicite est automatisée, habituelle, alors qu’une attitude explicite s’extériorise uniquement lorsque l’individu a la motivation et la capacité cognitive à la réaliser. Les individus doivent donc être motivés à réaliser un processus coûteux de recherche en mémoire de leur nouvelle attitude explicite s’ils ne souhaitent pas que leur attitude implicite vienne influencer leur comportement (Girandola & Fointiat, 2016).

4.4.3.Modèle APE (Associative-Propositional Evaluation Model)

Le modèle APE défend l’idée qu’il existe deux processus distincts régissant l’esprit humain : un processus associatif et un processus propositionnel. Ce modèle s’inspire en partie du modèle RIM – développé par Deutsch et Strack (2006) et présenté précédemment – tout en l’agrémentant d’hypothèses concernant l’influence de la cohérence cognitive dans le raisonnement propositionnel ; c’est le principe de l’interaction mutuelle existant entre les processus propositionnels et associatifs (Gawronski & Bodenhausen, 2007). En effet, selon ce modèle, « après contact avec l’objet (« je vois un fruit »), une évaluation affective associative (« je n’aime pas ») se transforme en proposition (« je n’aime pas les fruits »). Le modèle APE étudie précisément les influences réciproques entre évaluations associatives et propositionnelles » (Girandola & Fointiat, 2016, p.13). Définissons ce que sont ces deux processus :

Processus associatif

Le processus associatif établit les bases d’une réaction affective immédiate vis-à-vis d’un objet. L’hypothèse défendue est qu’un individu aura des réactions affectives soit positives, soit négatives en réponse à un stimulus, selon les associations activées par ledit stimulus. Notons que ces associations peuvent tout de même être activées dans le cas où l’individu considère l’évaluation découlant de ces associations comme inexacte. On peut donc avoir un degré d’activation d’associations négatives élevé sur un sujet bien que l’on considère ces associations comme fausses (Gawronski &

Bodenhausen, 2007).

Processus propositionnel

Les processus propositionnels tendent à déterminer la validité des évaluations ou croyances en observant leur cohérence avec d’autres propositions. Gawronski et Bodenhausen (2007) affirment, en se basant sur les travaux de Deutsch et Strack (2006) présentés précédemment, que les individus définissent une proposition à partir d’une réaction affective à un objet ; si celui-ci a une réaction affective négative à un

La caractéristique particulière de ces processus propositionnels réside dans le fait que ceux-ci – contrairement aux processus associatifs – sont concernés par la validation des évaluations ou croyances. Ainsi, une activation d’associations négatives peut se trouver invalidée par le processus propositionnel s’il y a une inconsistance avec ce que l’individu sait de l’objet concerné (Girandola & Fointiat, 2016).

Pour résumer la fonction de ces deux processus, on pourrait dire que le processus associatif vise à activer des associations au travers d’une évaluation affective d’un objet, alors que le processus propositionnel vise la validation de ces évaluations ou croyances (Gawronski & Bodenhausen, 2007). À la suite de ces deux processus, l’individu exprimera une attitude explicite vis-à-vis d’un objet, ce qui mènera à un comportement (Girandola & Fointiat, 2016).

4.4.4. Modèle méta-cognitif (MCM)

Pour élaborer ce modèle, Petty, Briñol et DeMarree (2007) se sont basés sur différents modèles, dont celui de l’attitude duelle explicité précédemment. Comme on peut l’observer sur la Figure 2, les auteurs ont repris les hypothèses établies dans plusieurs modèles, explicitant l’attitude pour fonder le modèle méta-cognitif, différent tout de même de ces derniers. Si le modèle méta-cognitif affirme que les objets d’attitude peuvent être évalués positivement et négativement, tout comme le postule le modèle de l’attitude duelle, celui-ci diffère dans le sens où il suppose que ces deux évaluations peuvent être simultanées. Ainsi, si une personne possède une association positive et une négative vis-à-vis d’un objet d’attitude, ce modèle conçoit que ces deux évaluations puissent s’activer conjointement en toutes situations (Petty, Briñol &

DeMarree, 2007). Sur ces deux évaluations activées, une sera étiquetée "fausse" à chaque situation. L’une des deux évaluations peut s’activer à tout moment, selon la robustesse de la relation avec l’objet (Girandola & Fointiat, 2016). Un second point permettant de différencier ce modèle de celui de l’attitude duelle est que celui-ci affirme que les attitudes stockées n’ont pas besoin d’être reconstruites à chaque situation (Petty, Briñol & DeMarree, 2007).

En d’autres termes, et comme on peut l’observer sur la Figure 3 ci-dessous, d’après le modèle méta-cognitif, un individu va stocker des évaluations dans sa mémoire et n’aura pas à les reconstruire à chaque demande (Girandola & Fointiat, 2016) :

C’est donc l’activation d’une étiquette qui va, selon ce modèle, décider de l’attitude qu’un individu va adopter dans une situation particulière. Nous n’entrerons pas plus dans les détails de modèles explicitant l’attitude, toutefois il semble important de comprendre que l’attitude est un concept extrêmement complexe et vaste, qui a été traité à de nombreuses reprises par différents auteurs, permettant de mettre en lumière le rôle primordial de l’attitude dans l’expression d’un comportement. Mais lorsque l’on parle de comportement, il est un processus qu’il semble également important de traiter, celui de l’influence, permettant de comprendre de quelle manière les attitudes – et par conséquent les comportements – d’un individu peuvent être changés.