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7-1 Attention mentale et fonctions exécutives : entre maîtrise (fluency) et complexité

mentale (la capacité M), fonctions exécutives et styles d’écriture (narration vs. persuasion) chez les enfants en CE2, CM1 et CM2. Responsable de sous-tendre le développement de la mémoire de travail, la capacité mentale M permettrait de prédire les performances de l’enfant (Im-Bolter, Johnson, Ling & Pascual-Lone, 2015 ; Johnson, Fabian, & Pascual-Leone, 1989, cités par Gobbo et Morra, 1997 ; Morra, 2000).

Les hypothèses de cette étude prévoyaient qu’être à l’aise à l’écrit devrait dépendre de l’âge des enfants ; que les écrits narratifs devraient être de meilleure qualité que les écrits persuasifs.

Les deux fonctions exécutives qui ont fait l’objet de cette étude sont notamment les changements de perspective (shifting) et la mise à jour (updating). Le changement de perspective consiste en la capacité à passer d’un niveau à un autre lors de la dynamique rédactionnelle (i.e., passer du traitement de l’idée principale à la gestion d’autres détails). Cette fonction exécutive est coûteuse en ressources cognitives car elle contraint les autres processus cognitifs qui sous-tendent l’écrit. La mise à jour (updating) consiste à actualiser (monitoring) et à encoder les informations entrantes afin que les informations préalables ¾ celles qui ne sont plus actuelles ¾ puissent être remplacées par les toutes dernières. La mise à jour engage le scripteur à changer ses contenus en mémoire de travail, tout en gardant le même niveau d’analyse par rapport au texte déjà écrit.

L’hypothèse sur les fonctions exécutives prévoyait que les scores du changement de perspective, de la mise à jour, et de la capacité M seraient en relation avec les scores obtenus à l’écrit. Les chercheurs prévoyaient aussi que les corrélations seraient significativement plus importantes pour les écrits persuasifs par rapport aux écrits narratifs. Les premiers imposeraient une demande plus importante en ressources cognitives par rapport aux deuxièmes.

Aisance (fluency) et complexité de l’écrit ont été les deux mesures adoptées pour évaluer les productions des enfants. Le nombre des mots utilisés ¾ la longueur du texte censée augmenter avec l’âge ¾ a été l’unité de mesure de l’aisance. Le nombre d’unités-T produites, comprenant une phrase principale et une ou plusieurs phrases subordonnées, a été l’unité de mesure de la complexité.

Les enfants ont été invités à écrire, pendant dix minutes, sur une journée qu’ils auraient passée sur une planète inconnue. Acquittés de cette première rédaction, ils ont écrit un

deuxième texte pour exprimer les raisons pour lesquelles il serait mieux de garder les extraterrestres venant d’atterrir sur la planète Terre plutôt que de les renvoyer chez eux. Pour familiariser l’enfant avec la narration et la persuasion, un exercice à l’oral avait précédé ces deux rédactions.

Les écrits ont été notés sur la base du nombre de mots écrits et du nombre de phrases produites. La capacité M a été calculée sur la base de la DFT (Direction Following Task : Pascual-Leone & Johnson, 2011, cités par Balioussis, 2012) qui consistait à suivre les indications, plus ou moins complexes, lues à haute voix par l’examinateur. Les enfants avaient à disposition des formes en bois ¾ triangles, rectangles, carrés, etc. ¾ de couleur différente. Le changement de perspective a été calculé sur la base de la CNT (Contingency Naming Task ; Anderson, Anderson, Northam, & Taylor, 2000, cités par Balioussis et al., 2012). Cette activité comprenait quatre conditions, l’une liée à l’autre. Les enfants devaient dire, selon leur condition, la couleur de la forme ¾ à l’intérieur ou à l’extérieur ¾ qui leur était montrée et qui était contenue, ou en contenait une deuxième. La mise à jour a été évaluée depuis la tâche LMT (Letter Memory Task ; Miyake, Friedman, Emerson, Witzki, Howerter, & Wager, 2000, cités par Balioussis et al., 2012). Cette activité consistait à dire les trois dernières consonnes du mot, plus ou moins long, qui venait de leur être montré.

Les résultats ont montré que les enfants ont produit des textes narratifs plus longs par rapport aux textes persuasifs. L’hypothèse sur l’aisance et sur la complexité a ainsi été validée : aisance et complexité dépendent de l’âge de l’enfant. L’hypothèse générale a aussi été validée : à l’école primaire le développement de l’écriture (narrative et persuasive) dépend de plusieurs variables.

Balioussis et al. ont interprété les résultats de leur recherche sur la base de la notion de capacité M ¾ attention mentale ¾ de Pascual-Leone. En particulier, selon les chercheurs, l’écriture narrative pourrait être assimilée à une situation facilitatrice. A contrario, l’écriture persuasive correspondrait à une tâche non facilitatrice. Dans le premier cas, seuls les schèmes pertinents à la tâche seraient activés. Dans le deuxième cas, les schèmes pertinents et non pertinents seraient activés à la fois. Ceux-ci comprendraient les apprentissages incompatibles avec les demandes de la nouvelle tâche (Pascual-Leone & Johnson, 2005). De plus, pour écrire un texte persuasif, l’enfant doit adopter un nouveau point de vue, ce qui implique la construction de très bons arguments pour convaincre son lecteur. Cette prise de conscience engage l’enfant à investir de plus en plus d’attention mentale pour inhiber son propre point de vue. Suffisamment de ressources attentionnelles seraient nécessaires pour développer une

perspective alternative. L’inhibition jouerait ainsi un rôle déterminant au sein de la dynamique rédactionnelle.

La question se pose alors de savoir si en intervenant sur l’inhibition, la capacité M jouerait un rôle plus efficace sur la mémoire de travail. Par exemple rendre l’écrit plus facile en réduisant les demandes (Md) imposées par la tâche au profit de l’énergie mentale (Mp, mental power).

En guise de conclusion, la section suivante postule le rôle de la métacognition sur la gestion des ressources cognitives en mémoire lors d’une tâche de production.

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