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Atténuations en Droit français; qu'en est-il en Droit libanais ? Récemment,

Section I Les conditions de validité du contrat de société

54. Atténuations en Droit français; qu'en est-il en Droit libanais ? Récemment,

plusieurs arrêts de la Cour de cassation en France sont venus anéantir des clauses

statutaires attentatoires à l'ordre public143. La contractualisation croissante du droit des

sociétés, la volonté constante des pouvoirs publics de déréglementer depuis quelques années accréditent l'idée que le droit des sociétés commerciales serait devenu un espace de liberté dans lequel la créativité des parties et de leurs conseils tro uverait matière à s'exprimer sans autres limites que la méconnaissance de principes aussi puissants que les

colonnes d'un temple : égalité des associés, interdiction des clauses léonines, etc144.

139 Ce droit étant marqué par des dispositions strictes qui ne laisse pas beaucoup de place à la liberté contractuelle ni même au

juge.

140 V. D-L. n.41 du 26/5/1977, qui a précisé la procédure à suivre en cas de perte des actions et des obligations. Le D -L n. 120 du

16/9/1983, organisant la bourse de Beyrouth. Le décr. n. 7667 du 16 déc. 1995, portant sur l'exécution du règlement intérieur de la bourse de Beyrouth.

141 P. Germanos, op. cit, pp. 369 et s.

142 A notre avis, nous comprenons bien la nécessité de l’o rdre public financier, ce que nous invitions à éviter, l’exagération dans

l’application. On justifie, en fait, la nécessité précité, le suivant: nature du Symbole du libéralisme juridique où la liber té de contracter serait faiblement encadrée, le droit des marchés financiers n’entretient, a priori, que des liens très lointains avec l’intérêt général. Pourtant, l’apparent libéralisme juridique des marchés financiers ne résiste pas longtemps à l’analyse: le droit des marchés financiers est marqué par la présence de normes juridiques fortes, très contraignantes et souvent dérogatoires au droit commun des affaires. Aussi l’image de la « main invisible », traditionnellement attachée à celle du marché, n’est -elle pas adéquate: elle ne rend pas compte de la nature particulière du droit financier dont l’imposant corps de normes comprime la liberté des parties au point que cette contrainte, souvent impérative, peut être analysée comme relevant de l’ordre public. L ’un des objectifs premiers de cette thèse est donc de m ontrer que l’ordre public existe sur les marchés financiers. L’examen systématique, à travers l’analyse des principales opérations du droit financier – prise de contrôle, franchissement de seuil, OPA, rachat d’actions – montre que l’ordre public financier existe. La norme financière impérative est parfois même protectrice du partenaire faible du droit financier: l’investisseur particulier non professionnel ou l’actionnaire minoritaire. Ces derniers sont pris en considération par l’ordre public financier comme l’illustre l’analyse de la réglementation de l’appel public à l’épargne, l’obligation d’information dans le contrat de service financier, les règles du démarchage ou même les règles de l’intermédiat ion financière et de la centralisation des ordres; v. l es marchés financiers et l'ordre public, art. édité par J. Meadel, publié le 4/2007 sur le site www.l’ordre public et droit des sociétés.

143 La prudence dans l’application du Droit des sociétés, art. rédigé par A . Couret, 16/6/2008, sur le site, www.lesEchos.fr.

143 Idem. 144 Idem.

Mais la France a-t-elle-vraiment réussi à assouplir les nombreuses applications de l'ordre public ? Il est difficile de juger à ce propos, et la réalité semble passablement différente ; le diable se cache ici comme ailleurs dans les détails. Mais il semble que le droit français, à l'instar du droit libanais, hésite et, ce que les textes imposent dans ce

dernier145, les tribunaux français le retiennent souvent146. En effet, derrière la liberté trop

vite entendue à ses yeux, le juge rappelle de manière au demeurant quelque peu inquiétante que la liberté trouve sa limite dans le respect de l'ordre public sociétaire,

ordre public qui demeure étonnamment puissant, sinon envahissant147. Ordre public qui

est surtout plein de mystères : on en connaît le contenu lorsque le juge a parlé148.

145 P. Germanos, op. cit, pp. 369 et s.

146 V. Aff. R. Cohen-Skalli et autres compagnies contre SA Lustucru et autres; cass. 2 juill. 1985, arr. publié par D. Vidal,

Grands arrêts du droit des affaires – sociétés, éd. Sirey – Paris 1992 : « … il semble que les conventions tendant à régler l’exercice du droit de vote ne soient pas annulées si elles satisfont à deux critères: ne pas atteindre le libre exercice du droit de vote et la conformité de l’accord avec l’intérêt social ». Il en est de même pour l’arr. com. 20 mai 1986 – Aff. Soc. Bowater Corporation Ltd contre B. du vivier, Idem.

147 En effet, sous l’influence du droit européen, le champ d’application de l’ordre public financier ne cesse de s’étendre, les effets

de droit qui en résultent méritent d’être examinés pour leur particularité. Les différents régimes de sanction de la violatio n de

l’ordre public financier, tantôt publics avec l’AMF et tantôt privés, avec Euronext, produisent un système juridique original147.

Le rôle du juge, arbitre final, recours ultime contre les autorités de marché est déterminant. La nature hybride des règles d e compétence du juge est alors très significative.

148 Idem : en voici quelques illustrations: la clause des statuts d'une SAS qui disposait que l'associé dont l'exclusion est demandée

ne peut voter sur sa propre exclusion: or la société ne comptait que deux associés, tous deux signataires des statuts d'origi ne. Le droit de vote l'emporte ici sur la volonté statutaire librement acceptée. Dans le passé, le droit de vote de l'usufruitier de droits sociaux a été également consacré comme intangible, dans le temps même où le législateur reconnaissait au demeurant la validit é des actions de préférence sans droit de vote. Doctrine et jurisprudence sont unanimement convenues de considerer des pactes d'actionnaires, comme irregulier, en raison de leur violation a l'ordre public. Il en est de meme pour les c lauses d’agrément, ainsi que les clauses sans durée déterminée, dont les exemples sont nombreux :

1- Voici quelques exemples sur les clauses d’agrément: un arrêt en matière de clauses d'agrément : l'associé d'une société demande l'agrément du cessionnaire à qui il veut céder ses action s: on le lui refuse et la société engage un processus de rachat. Un expert est désigné à l'amiable et, comme il a besoin de temps pour travailler, les parties prorogent d'un commun accord le délai légal de trois mois pour opérer le rachat. La Cour approuv e les juges d'appel qui avaient déclaré inopérante la prolongation. Les parties étaient pourtant d'accord sur la désignation d'un expert - ce qui n'est pas toujours, tant s'en faut, le cas - et sur l'opportunité de prolonger le délai légal. Néanmoins, l'ac cord ne peut rien contre la lettre de la loi : il aurait fallu demander au juge la prorogation.

Ainsi, encore, un arrêt qui décide que les statuts de la société ne peuvent imposer des directives à cet expert de l'article 1843-4, c. civ. désigné à l'amiable ou par voie de justice en cas de contestation: la volonté commune des parties ne saurait trouver de place alors même que ce tiers est chargé de dire le prix comme mandataire commun des parties.

2- Egalement, ci-après une série des clauses sans durée dét erminée: un pacte d'actionnaires qui prévoit que ses dispositions s'appliqueront aussi longtemps que les sociétés parties demeureront ensemble actionnaires d'une même société. La clause est banale, évidente pour le plus grand nombre. La Cour de cassation f rançaise approuve néanmoins une Cour d'appel d'avoir considéré ce pacte sans durée véritablement déterminée, ce qui heurterait ici encore l'ordre public sociétaire. Une certaine vigilance est donc de rigueur dans la mise en œuvre du droit des sociétés et l es chantres d'une liberté mal comprise risquent fort d'affronter de singulières déconvenues. Ici la clause est déclarée nulle; là le pacte signé ne lie plus personne. Ailleurs l' expert désigné ignore des éléments dont la prise en considération paraissait e ssentielle: v. les marchés financiers et l'ordre public, art. édité par J. Meadel, publié le 4/2007 sur le site www.l’ordre public et droit des sociétés.

La prévisibilité de la règle était d'autant plus restreinte que tant le Code civil que le

Code de commerce semblaient autoriser les aménagements statutaires en ce domaine149.