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approches (qualitative et quantitative) fournit une meilleure compréhension des phénomènes complexes que l’utilisation d’une seule méthode de recherche. [Traduction libre] (Creswell & Plano Clark, 2007, p. 5).

3.2 Assises philosophiques et le contexte historique des méthodologies mixtes en recherche

Avant de décrire la posture épistémo-ontologique et la méthode d’investigation privilégiée par l’investigateur, ce dernier a jugé bon de faire un rappel du contexte historique et philosophique des différentes périodes à partir desquelles les méthodes mixtes ont évolué au cours des cinq dernières décennies et comment elles se sont taillées une place dans le monde de la recherche. À l’instar de Bourgault, Gallagher, Michaud et Saint-Cyr-Tribble (2010) ainsi que de Creswell et Plano Clark (2007/2011), il s’avère primordial de faire un survol des fondements philosophiques qui sous-tendent les approches mixtes en recherche dès le début d’un devis de recherche, dont le pragmatisme. La prochaine section présente les différentes périodes : a) le positivisme et le constructivisme, b) la période formative, c) les débats paradigmatiques et d) la période correspondant aux procédures d’implantation des approches mixtes en recherche.

3.2.1 Positivisme vs constructivisme

Selon Creswell et Plano Clark (2007/2011), la période entre le 19e siècle et le début du 20e siècle était dominée par la logique du positivisme selon laquelle les phénomènes faisaient l’objet d’une vision objective et prédictive sous forme de collecte et d’analyse de données statistiques. Les tenants de l’ère du positivisme argumentent que pour avoir une vision objective des situations, l’investigateur doit se distancer lorsqu’il observe des phénomènes. Au cours de ce siècle, ils croient que les phénomènes sociaux existent indépendamment des valeurs du chercheur et que cela rend la généralisation possible malgré le contexte dans lequel

les problèmes surviennent. Pour le positiviste, il n’existe qu’une réalité objective face à un problème (logique déductive). Ce n’est qu’au début des années 1900 que les chercheurs dans le domaine des sciences sociales ont commencé à remettre en question les préceptes du positivisme. Ils ont commencé à s'interroger sur l’utilisation exclusive d’une méthode scientifique d’investigation pour étudier les problèmes sociaux. Creswell et Plano Clark, chercheurs constructivistes, soutiennent qu’il n’existe pas qu’une seule réalité objective pour examiner les phénomènes sociaux (logique inductive). Ils affirment que les généralisations ne peuvent être possibles que dans les sciences de la physique, lorsque les chercheurs doivent gérer des variables indépendamment de l’être humain.

3.2.2 Pragmatisme

Durant les années ’50 et ’60, les chercheurs postpositivistes conçoivent l’existence de multiples réalités dans les sciences sociales et la recherche se trouve influencée par les valeurs du chercheur. Durant cette même période sont apparus les tenants du pragmatisme qui ont commencé à défendre la mixité des méthodes quantitative et qualitative (Creswell, 2009/2014). En défendant l’utilisation des forces de chaque méthode et des deux paradigmes, les tenants du pragmatisme fournissaient une compréhension beaucoup plus complète des phénomènes sociaux et de l’éducation. Les pragmatistes soutenaient l’idée que bien qu’il existe une réalité objective, il n’en demeure pas moins que la pensée humaine s’avère incapable d’une telle objectivité, objectivité requise pour découvrir la réalité. C’est à ce moment qu’ils proposent de combiner les deux logiques (déductive et inductive) et d’ainsi valoriser l’objectivité et la subjectivité pour étudier les phénomènes. Cependant, les puristes spécifiques à chacune des approches (quantitative et qualitative) argumentent à l’effet que l’on ne doit jamais combiner deux approches pour des questions paradigmatiques et parce que les méthodes sont incompatibles l’une par rapport à l’autre. De leur côté, les pères fondateurs du pragmatisme tels que Pierce, James, Dewey, Mead et Cherryholmes soutiennent qu’au contraire, les méthodes ne peuvent être mutuellement exclusives : certains valorisent la nature générale de la recherche qualitative par rapport à la nature plutôt déductive de la recherche quantitative (Creswell & Plano Clark, 2007/2011). Ces auteurs affirment que, selon le sujet, le

contexte et la question de recherche, il s’avère possible de reconnaître l’aspect universel, situationnel et général pour conduire une recherche mixte.

3.2.3 Période formative (1959-1979)

À la fin des années ’50, la communauté scientifique des sciences sociales commençait à être réceptive à l’idée d’utiliser les méthodologies mixtes, notamment les méthodes quantitatives, dans le seul but de trianguler les données. Les chercheurs valorisaient l’utilisation de multiples méthodes pour examiner les phénomènes en contrebalançant les forces et les limites des approches qualitative et quantitative (Creswell, 2009/2014; Creswell & Plano Clark, 2007/2011). Ces auteurs affirment que ce sont les chercheurs Campbell et Fiske (1959) qui ont introduit l’idée d’utiliser les multiples méthodes (quantitatives) en recherche comme source de triangulation. Ce n’est qu’à la fin de la période formative (fin des années ’70) que les chercheurs ont commencé à combiner les questionnaires et les entrevues ouvrant la porte à la mixité des méthodes qualitatives et quantitatives en recherche.

3.2.4 Période de débat des paradigmes (1985-1997)

Au milieu des années ’80 et ’90, les chercheurs poursuivent leurs réflexions à savoir laquelle des données qualitatives et quantitatives devrait faire l’objet de mixité en recherche (Creswell & Plano Clark, 2007/2011). Toutefois, plusieurs chercheurs puristes en recherche qualitative jugeaient que la combinaison des deux méthodes était incompatible à cause de la vision paradigmatique spécifique à chacune des approches (Rossman & Wilson, 1985). Ces auteurs réfèrent aux chercheurs qui croyaient que les deux méthodes étaient incompatibles (puristes), à ceux qui adaptaient leurs méthodes aux différentes situations (situationnistes) et à ceux qui croyaient que les problèmes pouvaient être examinés sous différentes perspectives (pragmatistes). Les chercheurs pragmatistes tels que Bryman (1988), Greene et Caracelli (1997) ont mis au défi la notion d’incompatibilité, suggérant la combinaison des deux paradigmes de recherche et mettant de la pression sur les chercheurs pour qu’ils conduisent les recherches au-delà du débat paradigmatique pour mieux découvrir de nouvelles connaissances.

3.2.5 Période de la procédure d’implantation (1989-2000)

Durant les années ’80 et ’90, Creswell et Plano Clark (2007/2011) affirment, dans leurs travaux, que les chercheurs commençaient à définir les différents types de méthodologies mixtes et à décrire le déroulement pour conduire à bien une recherche de type mixte. Par exemple, dans le domaine des sciences infirmières, la chercheuse Morse (1991) collectait et présentait simultanément et séquentiellement les données qualitatives et quantitatives de ses recherches. Les données étaient complémentaires les unes par rapport aux autres, dépendamment des étapes de la recherche. C’est à ce moment, à la fin des années ’90, que la triangulation séquentielle des résultats fut utilisée pour planifier la prochaine méthode de recherche dans le cadre d’une recherche mixte.

3.2.6 Période des méthodologies mixtes en recherche (2003 à ce jour)

Au début du 21e siècle, les méthodologies mixtes en recherche font leur apparition de façon exponentielle dans les différentes disciplines, notamment en sciences infirmières (Bourgault et al., 2010) et en sciences sociales (Creswell & Plano Clark, 2007/2011). Les chercheurs en méthodologies mixtes argumentent que la communauté scientifique doit les défendre et reconnaître les méthodologies mixtes comme une troisième approche au même titre que les méthodologies qualitatives et quantitatives (Creswell & Plano Clark, 2007/2011; Tashakkori & Teddlie, 2003). Ces mêmes auteurs soutiennent que les méthodologies mixtes s’avèrent progressivement perçues comme une approche de recherche à part entière au même titre que les recherches traditionnelles. À ce sujet, Creswell (2009/2014), dans son ouvrage, reconnaît les méthodologies qualitatives, quantitatives et mixtes comme trois stratégies de recherche distinctes. En terminant, il convient de mentionner que plusieurs chercheurs d’autres disciplines (ex : musique, éducation) affirment haut et fort que leurs recherches ne sont pas guidées par la philosophie paradigmatique, mais visent plutôt à répondre aux buts et questions de recherche afin de découvrir de nouvelles connaissances qui serviront à résoudre des phénomènes complexes (Creswell & Plano Clark, 2007/2011; Halcomb & Andrew, 2009; O’Cathain, Murphy, & Nicholl, 2007; Tashakkori & Teddlie, 2003). La prochaine section présente les raisons qui justifient la réalisation d’une recherche mixte.