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2.2 Épistémologie de la qualité de vie au travail

2.2.1 État des connaissances de la QVT au sein de la discipline infirmière

Sur le plan épistémologique en général, il existe une multitude de définitions de la QVT relatives à plusieurs disciplines, autres que les sciences infirmières. La plus récente fut définie par Martel et Dupuis (2006, p. 355) comme étant :

La qualité de vie au travail, à un temps donné, correspond à un état atteint par l’individu dans sa poursuite dynamique de ses buts hiérarchisés à l’intérieur des domaines de son travail où la réduction de l’écart séparant l’individu de ses objectifs se traduit par un impact positif sur la qualité de vie en général de l’individu, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement global de la société.

Ces mêmes chercheurs, en matière de QVT, constatent que les auteurs ne s'accordent pas sur la définition du concept. Le manque de consensus sur la définition de la QVT s’avère également observé dans les écrits scientifiques à l’intérieur de la discipline infirmière. Présentées au Tableau I, à la page suivante (p. 20), plusieurs définitions de la QVT au sein de la discipline émanent d’études quantitatives, qualitatives et mixtes au sein de cette discipline, mais il appert qu’aucun consensus quant à la définition la plus appropriée pour qualifier la QVT des CGIPN n’a été jusqu’à maintenant atteint.

Tableau I

Synthèse des définitions du concept de la QVT en sciences infirmières (1992-2014)

Références Définitions

Brooks et Anderson (2004) C’est un construit qui vise à évaluer de façon satisfaisante le travail et les sentiments des employés en rapport à l’environnement de travail dans son ensemble.

Brooks et al. (2007) Le degré auquel l’infirmière est en mesure de satisfaire ses besoins personnels à travers ses propres expériences au travail en vue d’atteindre les objectifs organisationnels.

Delmas et al. (2004) La QVT se définit comme un phénomène multidimensionnel et complexe, lequel comprend les dimensions physique, psychologique, sociale et spirituelle de l’individu.

Hsu et Kernohan (2006) La QVT est une manière de raisonner des personnes à l’égard des personnes, du travail et de l’organisation. Lee, Dai, Park et McCreary (2013) Constituée de multiples dimensions, la QVT influence

significativement les sphères sociopersonnelle et socioprofessionnelle de l’infirmière et joue un rôle significatif sur leur intention ou non de quitter l’organisation.

Manojlovich et Laschinger (2007) C’est la possibilité pour les infirmières d’assumer librement leur leadership dans un environnement de travail qui permet d’atteindre une satisfaction professionnelle dans tous les domaines de la pratique. O’Brien-Pallas et Baumann (1992) C’est l’influence des facteurs individuels, sociaux et

organisationnels sur le contexte du travail des infirmières de même que sur les résultats de soins aux patients.

Nasl Saraji et Dargahi (2006) C’est un programme qui vise à améliorer la satisfaction des employés.

Webster, Flint et Courtney (2009) La QVT s’articule autour de deux sphères (personnelle et professionnelle) en vue d’assurer la rétention de personnel et un environnement de pratique satisfaisant. Vagharseyyedin, Vanaki et Mohammadi (2011) En sciences infirmières, la QVT se compose de perspectives multiples et s’avère être un phénomène subjectif qui influence la perception des sentiments à l'égard de l’espace de vie au travail.

Delmas et al. (2004) proposent une perspective salutogénique de la QVT. En d’autres mots, ils la définissent comme un phénomène multidimensionnel et complexe, lequel

comprend les dimensions physique, psychologique, sociale et spirituelle de l’individu. Ces mêmes auteurs ont effectué une étude quantitative, selon une perspective salutogénique, qui avait pour but d’élaborer un programme de renforcement de la hardiesse et d’évaluer ses effets sur la hardiesse elle-même, les stratégies de coping, le stress perçu et la QVT d’infirmières françaises. L’échantillon fut constitué à partir de la population accessible d’un hôpital du sud- ouest de la France. La randomisation de cet échantillon de 70 infirmières a permis la constitution des groupes expérimentaux et contrôles. Le programme était élaboré à partir des recommandations de Maddi et Kobasa (1984) et trois techniques furent retenues : le focusing, la reconstruction de situation et l’approche émotivo-rationnelle. Les instruments de mesure étaient les suivants : pour la hardiesse, l’échelle PVS II (Maddi, 1990) en traduction française (Kérouac & Duquette, 1992), pour le stress perçu, l’échelle NSS (Gray-Toft & Anderson, 1981) en traduction française (Duquette, Kérouac, Sandhu, & Saulnier, 1995), pour les stratégies de coping, l’échelle abrégée en langue française (Bouchard, Sabourin, Lussier, Richer, & Wright, 1995) du Ways of Coping Questionnaire (Lazarus & Folkman, 1984) et pour la QVT, l’échelle de Elyzur et Shye (1990) en traduction française (Delmas, Escobar, & Duquette, 2001). Les résultats montrent, aux trois temps de mesure postérieurs à l’intervention, que ce programme a permis de renforcer le niveau de hardiesse, les stratégies actives de coping et la QVT des infirmières, tout en diminuant l’intensité du stress perçu et les stratégies de fuite. Bien que les instruments utilisés dans le cadre de ces travaux aient été développés en langue française et contextualisés pour la pratique infirmière en France, une adaptation linguistique et contextuelle propre à la pratique des CGIPN devient tout à fait nécessaire pour son usage au Québec. Nonobstant le fait que ces outils de mesure soient valides, ils risquent d’être mal interprétés dans le cadre d’une étude québécoise car ils ont été développés uniquement pour la population d’infirmières soignantes pratiquant en France. De plus, ces instruments de mesure ne permettent pas de déterminer les facteurs favorables ou défavorables susceptibles d’avoir une influence sur la QVT des CGIPN. Ces constats justifient le développement de nouveaux outils de mesure afin d’identifier les facteurs contribuant ou non à la QVT, pour s’assurer que la terminologie soit bien comprise par les CGIPN œuvrant dans les établissements de santé au Québec et pour que les résultats obtenus s’appliquent spécifiquement à leur contexte de travail.

Prenant appui sur la philosophie du Human caring de Watson (1988), Gascon (2001) a réalisé une étude phénoménologique (Giorgi, 1997b) québécoise auprès de cinq infirmières œuvrant en milieu clinique et quatre thèmes ont émergé de sa recherche : 1) l’actualisation de leur potentiel, 2) la reconnaissance de leur compétence, 3) l’importance de la relation de caring dans leur environnement de travail et 4) le maintien des conditions de travail favorables. Pour les participantes à l’étude, l’essence de la QVT correspond à une harmonie entre les plans personnel, social, spirituel et professionnel, intégrant la philosophie du milieu de soins, le leadership du gestionnaire, les conditions de travail, l’autonomie professionnelle et les relations avec les pairs et les supérieurs. À l’instar de l’étude de Gascon (2001), l’étude phénoménologique de Brousseau (2006) a également utilisé la philosophie du Human caring (Watson, 1988, 2005) comme perspective disciplinaire. L’étude de Brousseau (2006) a fait ressortir huit thèmes circonscrivant la signification de la QVT d’infirmiers (n= 5) exerçant en milieu communautaire, soit : 1) l’autonomie dans la pratique professionnelle, 2) la satisfaction au travail, 3) l’environnement de travail sain, 4) les relations infirmiers-gestionnaires empreintes de soutien et de respect, 5) les relations de caring avec l’équipe interdisciplinaire, 6) le travail en partenariat avec les pairs féminins, 7) l’engagement envers les clients et leur famille et 8) l’équilibre entre les sphères professionnelle et familiale. De ces thèmes, émerge la signification de la QVT comme un climat de travail empreint de caring favorisant le maintien de l’harmonie entre les sphères professionnelle et familiale de même que leur épanouissement au travail. En résumé, l’ensemble des études dans la discipline infirmière tend à confirmer que la QVT constitue un phénomène complexe pluridimensionnel et qu’il faut prendre en compte le milieu de travail et l’expérience subjective des travailleurs de la santé. Enfin, on peut conclure que la QVT des CGIPN œuvrant dans les divers établissements de santé demeure peu connue.

2.3 Études quantitatives et qualitatives sur les cadres gestionnaires infirmiers de