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Assiduité aux réunions

B. Les devoirs de diligence et de prudence

2. Assiduité aux réunions

La position des tribunaux anglais relativement au devoir d’assi-duité des administrateurs a été ainsi exprimée, dans l’arrêt-clé In Re City Equitable Fire Insurance Co. Ltd.57:

54 Id., par. 44 (j. Philippon).

55 J.E. 99-422 (C.S.). Voir aussi : Turgeon c. Carbonneau, J.E. 2002-198 (C.S.) (allocation de retraite).

56 Franklin W. WEGENAST, Law of Canadian Companies, Toronto, Burroughs, 1931, p. 261 et suiv. ; J.-M. WAINBERG, Duties & Responsibilities of Directors in Canada, 6e éd., Don Mills, CCH, 1987, p. 14 et suiv. ; Marc GIGUÈRE, Les devoirs des dirigeants de sociétés par actions, Sainte-Foy, P.U.L., 1967, p. 56 et suiv. ; R. CRÊTE et S. ROUSSEAU, op. cit., note 10, p. 466 et suiv. ; Maurice MARTEL et Paul MARTEL, La compagnie au Québec – Les aspects juridiques, [feuilles mobiles], Montréal, Wilson & Lafleur Martel ltée, par. 23-42.

57 Précité, note 3, 407, 429.

A director is not bound to give continuous attention to the affairs of his company. His duties are of an intermittent nature to be performed at periodical board meetings, and at meetings of any committee of the board upon which he happens to be placed. He is not, however, bound to attend all such meetings, through he ought to attend whenever, in the cir-cumstances, he is reasonably able to do so.

C’est aussi celle qui a été adoptée par la doctrine et la jurispru-dence canadiennes.

Le défaut régulier pour l’administrateur d’assister aux réu-nions du conseil d’administration et de se tenir raisonnablement au courant des affaires de la compagnie peut finir par équivaloir à une négligence de sa part. Mais encore faut-il démontrer que cette négli-gence a été la cause directe et déterminante de la perte pour laquelle on veut tenir cet administrateur responsable. Et ceci est très diffi-cile à prouver. À témoin, l’arrêt célèbre Re Cardiff Savings Bank58où le Marquis de Butes n’avait assisté (fortuitement) qu’à une seule réunion en 38 ans, et où il a été exonéré de la faillite de la Banque.

Ou encore l’arrêt Re Denham & Co.59, où l’administrateur absent des réunions pendant quatre ans ne fut pas tenu responsable des états financiers frauduleux préparés par ses collègues.

Dans l’arrêt québécois Alcar Holdings Inc. c. Naimer60, des ad-ministrateurs absents aux réunions du conseil ont été exonérés, à défaut de preuve du lien de causalité entre leur faute et le dommage61. Toutefois, dans l’arrêt anglais Dorchester Finance Co. v. Stebbing62, deux administrateurs inactifs (comptables de leur profession), en négligeant d’assister aux réunions du conseil et en signant des

58 (1892) 2 Ch. 100.

59 (1883) 25 Ch. D. 752. B. WELLING, op. cit., note 9, p. 331, conclut de cette déci-sion : «As with many other areas of common law, ignorance may be no defence, but stupidity nearly always is» ; K.P. McGUINNESS, op. cit., note 11, p. 777, note 734, doute de la représentativité de ces deux arrêts, en raison de leur faits trop inusités.

60 Précité, note 53.

61 Id., par. 86 (j. Philippon): « En l’espèce la preuve ne démontre pas que selon toute probabilité, la faute s’il en fut, a été la cause directe et déterminante du dommage. Il n’y a pas de probabilité établie que la présence ou l’action de ces personnes aurait changé quoique (sic) ce soit. »

62 [1989] B.C.L.C. 498 (Ch. D.).

chèques en blanc, avaient laissé la voie libre aux fraudes du troi-sième administrateur. Leur conduite fut jugée constituer une vio-lation de leurs devoirs de prudence et de diligence et entraîner leur responsabilité personnelle.

Pour les sociétés fédérales, l’article 123(3) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions vise à empêcher les administrateurs d’adopter la « politique de l’autruche », en créant la présomption que l’administrateur absent lors d’une réunion au cours de laquelle une résolution est adoptée est réputé y avoir acquiescé, à moins qu’il n’utilise dans les sept jours de la connaissance acquise par lui de cette résolution une procédure particulière d’exonération63.

De plus, la Cour d’appel fédérale a récemment fait la déclara-tion suivante dans l’arrêt Soper c. Canada64:

[...] il serait absurde de prétendre que la common law resterait figée et permettrait aux administrateurs de se conformer à une norme de passi-vité et d’irresponsabilité totales. Au risque d’anticiper sur ce qui vient, je tiens à faire remarquer à ce moment-ci qu’on ne peut guère dire que le droit de nos jours pose en principe que moins un administrateur en fait, moins il en sait ou moins il se montre prudent, moins il risque d’être tenu responsable. Par ailleurs, la norme de prudence d’origine législative sera sûrement interprétée et appliquée d’une manière propre à encoura-ger la responsabilité. Par conséquent, l’administrateur qui agit de façon irresponsable, par exemple, en n’assistant pas à toutes les réunions du conseil le fait maintenant à ses risques et périls [...].

L’administrateur n’est certes pas forcé d’assister à toutes les assemblées, et il n’existe aucun jugement autorisant un mandamus contre un administrateur pour le forcer à assister à une réunion, ou tenant un administrateur responsable de dommages résultant de son absence à une réunion particulière.

On pourrait peut-être à la rigueur reprocher à un administra-teur de ne pas avoir posé un acte relevant de ses devoirs lors d’une assemblée, mais non pas de ne pas avoir assisté à la réunion en question.

63 Comparer à l’article 123.86 de la Loi sur les compagnies, L.R.Q. c. C-38, à l’effet contraire.

64 Précité, note 8, par. 26.

Un facteur dont on tiendra compte pour établir la responsabilité (ou la non-responsabilité) de l’administrateur pour cause d’absen-téisme, c’est le nombre d’administrateurs composant le conseil d’administration. Il est bien évident que l’absence d’un administra-teur aura plus de chances d’avoir contribué au dommage si ce nombre est très restreint.

Si l’absence de l’administrateur a pour effet de paralyser la com-pagnie, pour cause par exemple de quorum non atteint, le man-quement de l’administrateur à son devoir de diligence peut se voir jumelé à un manquement à son devoir de loyauté et justifier l’in-tervention du tribunal64a.

De toute façon, l’élément essentiel qui ressort du droit actuel est la nécessité de démontrer un rapport de causalité entre la négli-gence de l’administrateur et le dommage ; ce rapport de causalité, répétons-le, est presque impossible à prouver. Il y aurait lieu de s’ins-pirer, dans ce domaine, du droit français qui renverse le fardeau de la preuve en établissant une présomption de faute contre l’admi-nistrateur absent. Celui-ci ne pourra alors s’exonérer qu’en démon-trant qu’il avait des raisons de manquer à son devoir de diligence : âge, maladie, éloignement, etc.