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Assemblage à l’interface air/eau

3. Synthèse d’un polymère bidimensionnel à l’interface air/eau via un monomère

3.3 Assemblage à l’interface air/eau

L’assemblage du monomère 3 en monocouche bidimensionnelle s’effectue à l’interface air/eau. Cette interface est obtenue à l’aide d’une cuve Langmuir-Blodgett, un outil utilisé depuis le début des années 1920. En plus de permettre d’ordonner à l’interface gaz/liquide des molécules amphiphiles, cet instrument permet aussi de transférer les monocouches sur un substrat solide ou d’effectuer des réactions chimiques directement à la surface de la cuve.

3.3.1 La cuve Langmuir-Blodgett

Commençons tout d’abord par un bref survol des constituants d’une cuve Langmuir-Blodgett et par quelques éléments de théorie permettant de comprendre comment la formation de films de Langmuir est possible. Les molécules d’un liquide subissent plusieurs forces attractives et répulsives entres elles. Ces forces s’équilibrent lorsque l’environnement de celles-ci est uniformément distribué, c’est-à-dire lorsqu’une molécule est entourée de ses jumelles, elles aussi affectées par les mêmes forces. C’est le cas lorsqu’on observe le centre d’une phase liquide. À l’interface gaz/liquide, néanmoins, les molécules subissent les forces considérables de la phase liquide sans que les atomes de la phase gazeuse ne puissent rétablir la symétrie du système. On voit alors apparaitre un excès d’énergie à la surface du liquide induisant une tension de surface (γ) qu’on mesure normalement en millinewton par mètre

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(mN/m). Dans le cas d’une cuve Langmuir-Blodgett, le liquide agissant comme sous-phase est généralement l’eau, car celle-ci possède une tension de surface élevée. En ajoutant un composé amphiphile à l’interface air/eau, on vient modifier la tension de surface de la sous- phase puisque l’énergie libre de cette dernière diminue à mesure que les molécules de surfactant s’assemblent. La tension de surface de la sous-phase pure est notée γ0. À partir de ces paramètres, on peut calculer la pression de surface (П) en effectuant la différence entre la tension de surface de la sous-phase pure et celle comportant une monocouche (П = γ0- γ). La pression de surface est un paramètre important des analyses sur cuve Langmuir-Blodgett, car elle permet d’élaborer des isothermes de compression lorsque corrélée avec l’aire moléculaire moyenne (σ), souvent exprimée en nanomètre carré par molécule

(nm2/molécule). Les isothermes aident à suivre la progression de la monocouche de la phase

gazeuse, où les molécules sont éloignées les unes des autres, à la phase solide très

compacte.103

La cuve elle-même est généralement composée de polytétrafluoroéthylène (Teflon), un plastique hydrophobe et résistant, idéal pour accueillir la sous-phase. Les barrières au-dessus de la cuve et en contact avec la sous-phase sont utilisées pour compresser les molécules amphiphiles à l’interface gaz/liquide. Celles-ci doivent être hydrophiles, c’est pourquoi le Delrin est communément employé. Finalement, on utilise une plaque de Wilhelmy connectée à une électrobalance pour mesurer la pression de surface. La mince plaque aux dimensions

connues est immergée à mi-hauteur dans la sous-phase.104

3.3.2 Isothermes de compression

Les isothermes de compression obtenus avec le monomère 3 démontrent qu’il est possible d’obtenir une monocouche stable à l’interface air/eau d’une cuve Langmuir. La Figure 18 est un résultat typique des multiples tests de compression qui ont été effectués à partir du monomère amphiphile. Dans ces tests, la cuve Langmuir utilisée est en Teflon, les barrières sont en Delrin et la plaque de Wilhelmy est en platine. Avant de débuter les analyses, la cuve

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et tous ses constituants ont été nettoyés au méthanol, à l’isopropanol et encore une fois au méthanol. L’eau de la sous-phase est ultrapure et nettoyée entre chaque expérience de compression par aspiration de la surface. La température est gardée à 21,0°C tout au long des manipulations. Les monomères 3 sont d’abord solubilisés dans le toluène de grade HPLC avant d’être doucement déposés à la surface de l’eau. Une période d’attente de 15 minutes est nécessaire avant d’entamer la compression pour s’assurer que le toluène s’est entièrement évaporé. La concentration de la solution déposée à l’interface est de 1,808 mg/mL et 50 µL est utilisé pour chaque isotherme. Ainsi, l’aire moléculaire de départ est de 153,34

Å2/molécule. La vitesse de compression des barrières est établie à 3 mm/min pour un taux de

compression de 1,84 Å2.molécule-1.min-1. La pression cible est de 60 mN/m.

20 40 60 80 100 120 140 160 0 10 20 30 40 50 60 Pr essi o n d e su rf ac e ( mN /m)

Aire moléculaire (Å2/molécule)

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Les monocouches obtenues par cette méthode sont stables à température ambiante pendant

plusieurs heures. On remarque que, jusqu’à 100 Å2/molécule, les fullerènes amphiphiles

atteignent la fin de leurs condensations et la dernière trace de phase gazeuse, où les monomères sont à une bonne distance les uns des autres, disparait. À partir de ce point, la phase liquide semble apparaitre sans transition clairement définie. Les molécules à l’interface

air/eau se maintiennent en phase liquide jusqu’à environ 40 Å2/molécule ou plus précisément

jusqu’à 50 mN/m. À cette pression de surface, la fracture de la monocouche est claire. Le changement drastique de pente du graphique additionné au signal instable de pression de surface confirme cette hypothèse. Visuellement, il est aussi possible de remarquer l’apparition de fissures foncées à la surface de la monocouche au-delà de 50 mN/m. Il est à noter que la formation de la monocouche de fullerène amphiphile est irréversible, c’est-à- dire qu’une fois les monomères compressés il est impossible d’ouvrir les barrières et de suivre le chemin inverse sur le graphique. Il s’agit d’une particularité problématique, car il aurait été intéressant de confirmer la formation du polymère 2D directement à l’interface air/eau par la décompression de la cuve. Comme la monocouche est déjà irréversible, il est impossible de discriminer entre une monocouche liée ou non.

3.3.3 Méthodes de transfert

Deux méthodes de transfert sur support solide sont utilisées pour déposer la monocouche ; le transfert par Langmuir-Blodgett ascendant et par la technique de Langmuir-Schaefer. Dans le premier cas, l’utilisation d’un substrat de verre hydrophile et nettoyé est nécessaire. Celui- ci est immergé dans la sous-phase verticalement par le plongeur ou le «dipper» avant la formation de la monocouche, puis retiré doucement de la phase aqueuse pour obliger les chaines hydrophiles du monomère à adsorber à la paroi du substrat. Dans le cas du monomère 3, plusieurs essais de déposition ont été effectués et il a été observé que le meilleur taux de transfert s’effectue lorsque l’isotherme est maintenu à une pression de surface de 15 mN/m. La montée du substrat s’effectue typiquement à 2 mm/min et les dimensions de la lamelle de verre sont de 76 mm par 26 mm. Dans ces conditions, un taux de transfert moyen de 0,9 ± 0,1 est atteint. Pour ce qui est de la déposition par Langmuir-Schaefer, elle s’effectue en

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plaçant le substrat préalablement nettoyé au-dessus de la cuve et parallèle à la sous-phase. Une fois la monocouche obtenue, le substrat hydrophobe est tranquillement descendu jusque sur la surface pour adsorber le film Langmuir. Cette technique nécessite l’utilisation de substrats de verre fonctionnalisés hydrophobes. Dans le cas du fullerène amphiphile, la déposition est effectuée à une pression de surface de 30 mN/m. Aucun taux de transfert n’a pu être obtenu par déposition de Langmuir-Schaefer.