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III Thérapeutique de la maladie d’Alzheimer

IV) Aspects neuroimmunologiques

IV.1 Physiologie des relations entre système nerveux

central et système immunitaire

!

IV.1.1 Du concept de site « immunoprivilégié » à celui de site

« immunoparticulier »

Dès la fin du XIXème siècle, Paul Ehrlich observe que des colorants intravitaux, de nature hydrosolubles, injectés en périphérie diffusent dans tous les organes sauf le cerveau. Le système nerveux central (SNC) apparaît dès lors comme un organe particulier, séparé anatomiquement du reste du corps. Nous savons désormais que cette particularité est due à l’existence d’une barrière hémato-encéphalique (BHE) qui limite l’accès des molécules solubles et des leucocytes au SNC. D’autres éléments, comme l’absence d’un système lymphatique conventionnel, la faible expression des molécules de CMH-I et II et l’existence d’une production locale de facteurs immunosuppresseurs renforce vite le concept que le SNC est un site « immunoprivilégié » (Galea et al., 2007).

Les travaux de Medawar en 1948 sur le rejet de greffe apportent cependant les premiers éléments démontrant qu’une réponse immunitaire peut avoir lieu dans le SNC (Medawar, 1948). Ces expériences montrent que des greffes de peau dans le cerveau d’animaux naïfs n’induisent pas de réponse immune. Mais si les animaux sont exposés en périphérie aux antigènes du greffon avant la greffe, les cellules du système immunitaire, « éduquées », sont capables de rejeter le greffon au niveau cérébral. La mise en évidence, par la suite, de la présence de cellules du système immunitaire au sein du parenchyme cérébral au cours de différentes infections (méningites bactériennes, infections virales, fongiques ou parasitaires) a aussi permis de montrer qu’une réponse immunitaire adaptative pouvait s’y développer. Le fait que des individus immunodéprimés aient du mal à contrôler des pathogènes pouvant être naturellement présents à l’état latent dans le cerveau (toxoplasme, polyomavirus JC,

cytomégalovirus) laisse aussi supposer qu’il existe des mécanismes

! &"! Cependant une réponse immune dans le SNC peut aussi être délétère pour l’hôte. La réponse inflammatoire peut en effet s’avérer dangereuse : l’œdème entraîne une compression de l’organe du fait de la présence de l’os rigide qui l’entoure. Les neurones ont des capacités de renouvellement limitées et une réponse inflammatoire excessive peut nuire à leur fonction et leur survie. Il est donc compréhensible que les mécanismes d’induction et de développement d’une réponse immune dans le SNC y soient particuliérement contrôlés.

IV.1.2 Immunosurveillance du système nerveux central

IV.1.2.1 Rappels anatomiques

Le système nerveux central (SNC) est organisé en différents compartiments : le parenchyme cérébral, les ventricules - contenant le liquide céphalo-rachidien produit au niveau des plexus choroïdes - et les méninges. Parmi les méninges, on distingue la dure-mère, au contact de l’os, l’arachnoïde contenant les vaisseaux sanguins et la pie-mère au contact du parenchyme cérébral. Le LCR produit par les plexus choroïdes diffuse au niveau des espaces sous-arachnoïdiens qui entourent la pie-mère et le parenchyme.

IV.1.2.2 Les « barrières »

Plusieurs « barrières » empêchent l’entrée de molécules et de cellules dans le parenchyme cérébral (cf figure 9) :

- La barrière hémato-encéphalique se situe entre l’endothelium vasculaire des capillaires et des veinules post-capillaires et le parenchyme cérébral. Les cellules endothéliales qui la constituent présentent des caractéristiques particulières : elles ne possèdent qu’une faible activité de pinocytose, n’expriment que peu de molécules d’adhérence à l’état basal et élaborent un réseau complexe de jonctions serrées entre elles. Après la membrane basale vasculaire interne, on retrouve une media composée de cellules musculaires lisses et de péricytes puis une membrane basale externe. Au delà de celle-ci, se trouve l’espace péri-vasculaire (espace de Virchow-Robin) contenant le liquide interstitiel, des cellules mésothéliales et des cellules macrophagiques. Cet espace est bordé de l’autre côté par la pie-mère puis par la « glia limitans », constituée d’une membrane basale, de pieds astrocytaires et de quelques pieds de cellules microgliales juxtavasculaires. Au niveau de cette

! &#! barrière se surajoute une barrière que l’on pourait qualifier d’ « immuno-encéphalique » : en effet les cellule endothéliales, les astrocytes et les neurones expriment Fas-ligand de manière constitutive. Cette molécule de surface, en se liant au récepteur Fas exprimé sur les lymphocytes activés, est capable d’induire l’apoptose de ces derniers (Choi and Benveniste, 2004).

Autour des ventricules, on distingue des structures un peu particulières : les organes circum-ventriculaires (épiphyse, glande pinéale, etc). Ils sont dépourvus de BHE. Ceci permet à ces zones du cerveau de pouvoir « analyser » la concentration en certaines molécules circulantes ou à l’inverse de déverser aisément dans le sang certaines substances neuroendocrines. Isolés des zones cérébrales voisines, ces organes sont entourés et séparés du LCR par les cellules épendymaires et par des cellules qui possédent des jonctions serrées très étanches: les tanicytes.

Figure 9 Anatomie du cerveau D’après Wilson EH et al, J Clin Invest, 2010

! &$! - La barrière hémato-méningée se situe entre le sang et le LCR. Elle peut être subdivisée en deux parties. Au niveau des vaisseaux méningés, elle est peu perméable et est constituée par des cellules endothéliales reliées entre elles par des jonctions serrées et par la pie-mère. Au niveau des ventricules cérébraux, les capillaires sanguins forment des invaginations, constituant les plexus choroïdes. L’endothelium vasculaire y est fenestré, ce qui permet des échanges assez aisés entre le sang et le stroma des plexus choroïdes. Un second niveau de barrière, plus étanche, est formé par les cellules épithéliales et leurs jonctions serrées qui séparent le stroma des plexus choroïdes et le LCR.

- La barrière méningo-encéphalique se situe entre le LCR et le liquide interstitiel du parenchyme cérébral. Elle est constituée par la pie-mère, barrière relativement imperméable, au niveau de l’espace sous-arachnoïdien et par les cellules épendymaires au niveau des cavités intracérébrales.

IV.1.2.3 Les cellules résidentes du SNC :

IV.1.2.3.1 La microglie : la sentinelle

Malgré des études controversées tout au long du XXème siècle sur sa nature et son origine (mésodermique ou ectodermique), il a finalement été démontré que la microglie dérivait des progéniteurs myéloïdes embryonnaires du sac vitellin. Ce type cellulaire semble s’individualiser très tôt lors du développement et présenterait ensuite toute au long de la vie de fortes capacités d’auto-renouvellement et de prolifération (Ginhoux et al., 2010).

Les cellules microgliales représentent plus de 10% des cellules du SNC. Elles ne sont pas quiescentes : elles scannent continuellement le micro-environnement avec leurs ramifications, s’assurant ainsi de l’absence d’altérations de l’homéostasie cérébrale (Nimmerjahn et al., 2005).

On peut assimiler la biologie de ces cellules à celle des macrophages, dont les statuts d’activation ont été étudiés dans le détail. On distingue en effet les macrophages de type M1, spécialisés dans l’élimination des pathogènes, et les macrophages de type M2, impliqués dans le processus de réparation et de remodelage tissulaire (Geissmann et al., 2010). Les cellules microgliales semblent aussi capables de polariser leur état d’activation pour exercer des réponses effectrices appropriées aux différentes atteintes de l’intégrité du tissu cérébral (Ransohoff and Perry, 2009).

! &%! La microglie est un élément majeur dans le déclenchement de l’inflammation en cas d’altération de l’homéostasie cérébrale, comme nous le verrons par la suite.