0.4 Surfaces de dilatation
0.4.3 Aspects dynamiques
Feuilletages sur les surfaces d’après Levitt et Liousse. Les feuilletages
directionnels des surfaces de dilatations sont des cas particuliers de feuilletages
transversalement affines. Ces feuilletages ont déjà été partiellement étudiés par
Liousse dans l’article [Lio95]. Elle y prouve en particulier qu’un tel feuilletage est
génériquement trivial au sens topologique.
Théorème 16 (Liousse, [Lio95]). Un feuilletage est dit dynamiquement trivial si
l’ω-limite de toute feuille est une feuille fermée hyperbolique.
L’ensemble des feuilletages dynamiquement triviaux est un ouvert dense de
l’en-semble des feuilletages transversalement affines.
La preuve de ce théorème repose entre autres sur l’étude profonde des
feuille-tages des surfaces menée par Levitt dans la série d’article [Lev82a, Lev82b, Lev87]
qu’il est bon d’avoir en tête au moment d’entamer l’étude des surfaces de
dilata-tion.
Échanges d’intervalles affines Les surfaces de dilatations ont un lien étroit
avec leséchanges d’intervalles affines. En effet, la suspension d’un tel échange
d’in-tervalle est naturellement munie d’une structure de dilatation dont le feuilletage
vertical admet cet échange d’intervalle comme section de Birkhoff. Les questions
de nature dynamique sur les feuilletages directionnels des surfaces de dilatation
sont en quelque sorte duales à l’étude des échanges d’intervalles affines.
Il nous semble que l’étude de la dynamique des échanges d’intervalles affines est
à ce jour incomplète. Le théorème de Liousse sur les feuilletages transversalement
affines (doit) naturellement se traduire dans le langage des échanges d’intervalles
affines et impliquer que génériquement, un tel échange d’intervalle est
dynamique-ment trivial. En ce sens, ce théorème nous semble être un analogue du théorème de
Keane pour les échanges d’intervalles standards et est un encouragement à se
lan-cer dans une étude systématique de ces objets. D’autant plus que les travaux de
Camelier-Guttierez [CG97], Bressaud-Hubert-Mass [BHM10] et
Marmi-Moussa-Yoccoz [MMY10] promettent l’existence de comportements dynamiques riches et
variés dans le monde des échanges d’intervalles affines.
Famille à paramètre d’échanges d’intervalles et la surface Discoswag.
On présente maintenant les résultats de l’article [BFG]. On s’intéresse à l’échange
d’intervalles affine F : [0,1[−→[0,1[ défini de la manière suivante :
six∈[0,
16[ alors F(x) = 2x+
16six∈[
16,
12[ alors F(x) =
12(x−
1 6)
six∈[
12,
56[ alors F(x) =
12(x−
1 2) +
56six∈[
56,1[ alors F(x) = 2x+
12On vérifie aisément que pour tout x ∈ [0,1[, F
2(x) = x. Son comportement
dynamique est très simple. On considère maintenant la famille à un paramètre
(F
t)
t∈I=[0,1]définie par
Ft=F ◦rt
où rt : [0,1[−→ [0,1[ est la translation de t modulo 1. L’étude de cette famille
faite dans le chapitre 4 nous montre, à travers les théorèmes expliqués ci-après,
qu’elle recèle des comportements dynamiques variés.
Théorème 17. Pour presque tout t∈I = [0,1[dans un ouvert dense de mesure
pleine, Ft est dynamiquement trivial. Plus précisément, il existe x
+, x
−∈ [0,1[
périodiques d’ordre p∈N
∗tel que
— (F
tp)
0(x
+)<1;
— (F
tp)
0(x
+)>1
— pour tout z∈[0,1[ n’étant pas dans l’orbite de x
−, l’ω-limite de z est égale
à {x, Ft(x), F
t2(x),· · · , F
tp−1(x)}.
Grossièrement, ce théorème veut dire qu’un élément générique de cette famille
a un comportement dynamique "simple", il a une orbite périodique qui attire
toutes les autres. Un fait remarquable est que cette généricité est à la fois de
nature topologique et mesurable. D’une certaine manière, cela renforce le résultat
de Liousse discuté précédemment pour cette famille spécifique.
Un autre aspect remarquable de cette famille est l’existence de beaucoup de
pa-ramètres ayant des comportements dynamiques "exceptionnels".
Théorème 18. — Il existe un ensemble de Cantor de mesure nulle H ⊂I tel
que pour tout t∈ H on ait la chose suivante
il existe un CantorC
t⊂[0,1]tel que pour tout x∈[0,1[, l’ω-limit pour Ft
dex est égale àC
t.
— Il y a un nombre dénombrable de paramètres t∈ [0,1[ pour lesquels Ft est
totalement périodique, c’est à dire qu’il existep(t)∈N
∗tel que F
tp(t)= Id.
L’ensemble des paramètres non décrit par les deux précédents théorèmes forment
un ensemble de Cantor Λ⊂I. Nous sommes pour le moment incapables de décrire
la dynamique pour ces paramètres, mais des simulations numériques suggèrent la
conjecture suivante :
Conjecture 3. Pour tout paramètre t∈Λ, F
test minimal.
Il est naturel d’associer à la famille (F
t)
t∈I=[0,1]la surface de dilatation Σ
Dobtenue par le collage suivant :
Figure 3 – La surface Disco Σ
D.
Le feuilletage directionnel de Σ
Den direction θ admet Ft comme section de
Birkhoff, pour t=
tan6θ. Ils ont en particuliers les mêmes propriétés dynamiques
et l’étude de la familleFtpeut donc se réduire à l’étude des feuilletages
direction-nels de Σ
D. Le principal gain lié à ce changement de point de vue est l’apparition
de symétries cachées. En effet, le groupe de Veech de Σ
Dest assez gros, et les
directions équivalentes via ce sous-groupe de SL(2,R) ont le même comportement
dynamique. Cela nous permet de réduire considérablement le nombre de
para-mètres θ à étudier.
Ce groupe de Veech V(Σ
D) est discret et contient le groupe
Γ = 1 6
0 1
!
, 1
30
21
!
, −1 0
0 −1
!
.
La projection de Γ sur PSL(2,R) est un groupe discret de covolume infini. C’est
aussi un groupe de Schottky de rang 2 et l’analyse de son action sur RP
1,
l’en-semble des directions deR
2, nous amène aux conclusions suivantes :
— Il y a un ensemble de Cantor Λ
Γ⊂RP
1de mesure nulle sur lequel Γ agit de
manière minimale. Les directionsθ∈Λ
Γsontconjecturalement minimales.
— L’action de Γ sur Ω
Γ=RP
1\Λ
Γest proprement discontinue et le quotient
est homéomorphe à un cercle. Cela nous permet d’identifier un petit
do-maine fondamentalD⊂RP
1pour lequel la compréhension de la dynamique
des feuilletages directionnels pour des valeurs deθ∈Dimplique la
compré-hension pour tous les paramètres de Ω
Γ(qui est un ouvert de mesure pleine
de RP
1).
Induction de Rauzy-Veech affine. Un regard bien posé sur la Figure 4.3
nous permet de réduire l’étude des feuilletages de Σ
Den directionθ∈Dà l’étude
d’applications contractantes affines par morceaux avec une seule discontinuité. On
utilise alors une forme adaptée à notre problème de l’induction de Rauzy-Veech
(algorithme au centre de la renormalisation des échanges d’intervalles standards)
pour montrer que
— il existe un ensemble de Cantor de paramètres θ ∈ D pour lesquels les
feuilletages associés s’accumulent sur un Cantor (transversalement) ;
— les autres directions sont dynamiquement triviales.
Chapitre 1
Structures affines branchées.
1.1 Premiers exemples et définitions.
Une géométrie au sens de Klein est la donnée d’une certaine variété modèleX
et d’un sous-groupe de difféomorphismesG <Diff(X) ; et une variétéM portant
une (X, G)-structure est un atlas de cartes à valeurs dansXdont les changements
de cartes sont à valeurs dans G. Tout les objets deX invariants parGsont alors
bien définis sur M.
Par exemple, la géométrie affine complexe est celle induite par le coupleX =C
n,
G = Aff
n(C) = GL(n,C)n C
n. Les droites, les plans et autres cercles sont les
objets de la géométrie affine. C’est le casn= 1, déjà très riche, qui va concentrer
notre attention dans ce chapitre.
Une manière très simple de tenter de construire des structures affines est de
consi-dérer des polygones euclidiens(plongés dans le plan complexeC) et d’en recoller
les cotés deux par deux en utilisant des transformations affines. La structure
af-fine deCs’étend naturellement à la surface construite par de tel recollement, sauf
peut-être aux points sur lesquels se projettent les sommets du polygone.
Malheu-reusement, à moins que la surface topologique sous-jacente à un tel recollement
soit un tore, la structure affine ne se prolonge pas à ces points spéciaux. Le mieux
que l’on puisse faire est d’imposer le type singulier de la structure à ces points.
De manière générale, un voisinage d’un tel point a une structure de cone affine
d’angle complexe θ=x+iy avec x > 0. Nous allons dans ce chapitre faire
l’hy-pothèse restrictive que ces angles sont réels et multiples entiers de 2π, ce qui nous
amène à la définition ci-dessous. Ce choix sera en partie justifié, et d’autre cas
seront traités dans le chapitre 2.
Definition 1(Structure affine branchée). Une structure affine surΣest la donnée
d’un ensemble fini S ⊂ Σ et d’un atlas de cartes (U
i, ϕ
i) à valeurs dans C sur
1. les changements de carteϕ
i◦ϕ
−j1sont la restriction d’un élément deAff(C)
sur chacune des composantes connexes de leurs ensembles de définition ;
2. chaque élément s∈S a un voisinage épointé dont la structure affine définie
par l’atlas (Ui, ϕi) est isomorphe à celle définie sur un voisinage de 0 en
tirant en arrière le revêtement ramifié z7→z
kpour un certain k≥2.
Nous illustrons maintenant cette définition par quelques exemples et
construc-tions.
Le tore de Hopf. Les tores de Hopf résultent d’une construction générale, dont
le cas qui nous intéresse est le cas unidimensionnel. Si λ est un réel strictement
positif, différent de 1, le tore de Hopf T
λnest le quotient de C
n\ {~0} par l’action
linéaire de l’application linéaire λ·Id. La variété quotient est homéomorphe à
S
1×S
2n−1et est munie d’une structure affine naturellement héritée de celle de
C
n\ {~0}.
Le cas n = 1 fourni une structure affine sur le tore S
1×S
1à laquelle nous
réfèrerons abusivement comme le tore de Hopf de paramètre λ.
Un modèle polygonal. Une manière très naturelle de procéder pour construire
des structures affines est de recoller les cotés d’un polygone deux à deux à l’aide de
transformations affines. Prenons l’exemple du polygone de la Figure 1.1 : il existe
une unique transformation affine envoyant un coté d’une certaine couleur sur celui
de même couleur. En identifiant à l’aide de ces transformations, on construit une
structure affine sur la surface de genre 2.
Figure 1.1 – Un modèle polygonal pour une surface de genre 2.
Dans le document
Structures affines complexes sur les surfaces de Riemann
(Page 31-36)