1.2 Variété de caractères et action du groupe modulaire
1.2.6 Action sur les parties linéaires et théorème de Ratner
L’action du groupe modulaire sur H
1(Σ,C
∗) est l’action par pré-composition
sur Hom(H
1(Σ,Z),C
∗)'H
1(Σ,C
∗). À un choix de base symplectique de H
1(Σ,Z)
près, cette action s’identifie à l’action de Sp(2g,Z) sur (C
∗)
2g=R
2g×R
2g/Z
2g'
H
1(Σ,C
∗).
Dans cette section nous décrivons les adhérences possible des orbites de cette
action.
Sous-groupes fermés deC
∗sous-ensembles fermés invariants deH
1(Σ,C
∗).
Considérons H un sous-groupe fermé de C
∗. Le sous-ensembles de H
1(Σ,C
∗)
constitué des éléments α tels que Im(α) ⊂H est à la fois fermé et invariant par
l’action de Mod(Σ). Une première étape vers la classification des adhérences des
orbites de l’action de Mod(Σ) sur H
1(Σ,C
∗) est de lister ces sous-groupes fermés
de C
∗.
Proposition 4. Les sous-groupes fermés de H sont les suivants :
1. les sous-groupes finis engendrés par une racine de l’unité ;
2. les sous-groupes discrets de la forme {e
na| n ∈ Z} où a est un nombre
complexe quelconque ;
3. les sous-groupes à un paramètre de la forme Ha={e
ta|t∈R};
4. les produits d’un des deux derniers types par un sous-groupe finis ;
5. tout C
∗.
Démonstration. C
∗est groupe de Lie de dimension réelle 2, et la classification
découle directement de ce que les sous-groupes fermés d’un groupe de Lie sont
des sous-groupes de Lie.
Chaque sous-groupe de cette liste enfante un sous-ensemble fermé invariant par
l’action de Mod(Σ). À l’addition près d’une famille de sous-ensemble de caractères
non-unitaire dont l’image est discrète, nous allons prouver que ces derniers sont
les seuls fermés invariants de H
1(Σ,C
∗).
D’autres fermés invariants. Dans le cas où Im(|α|) est discret mais non
tri-vial, il existem >0 tel que le caractèreµ∈H
1(Σ,R), qui est le relevé de|α|, prend
ses valeurs dans mZ. Soit ˜θ∈H
1(Σ,R) un relevé deθ= arg(α). Un tel relevé est
unique à l’addition d’un élément de H
1(Σ,Z) près. La valeur dev=µ∧θ˜modulo
mZ ne dépend donc pas du choix d’un relevé deθ et est invariant par l’action de
Mod(Σ) sur H
1(Σ,C
∗). Les lignes de niveau de la fonction µ∧ · sont fermés, ils
définissent donc des fermés invariants pour l’action du groupe modulaire. Dans la
suite du texte, le niveau {µ∧θ˜=v}sera noté H
m,v.
Nous allons maintenant prouver la proposition ci-dessous, qui dit en substance
que les seuls fermés invariants par l’action de Mod(Σ) sont en substance ceux que
nous avons déjà décrits.
Proposition 5. — SiIm(|α|) est discret, non-trivial, et égal àhe
mi avecm >
0 et qu’en plus Im(α) n’est pas discret, alors Mod(Σ)·α = H
m,voù v est
la valeur modulo m du produit d’intersection des relevés du module et de
l’argument de α.
— Siαest unitaire ou siIm(|α|)est non discret alorsMod(Σ)·αest l’ensemble
des caractères β tel queIm(β)⊂Im(α).
Le reste de la section est dédié à la preuve de cette proposition.
Le théorème de Ratner.
Les théorèmes de Ratner décrivent de manière précise la dynamique d’un
sous-groupe unipotentU d’un groupe de ieG(ou seulement générés par des unipotents)
sur le quotient deGpar un réseau Γ, ou de manière équivalente l’action d’un réseau
Γ sur l’espace homogène G/H. En particulier,
1. ils stipulent que les fermés invariants (en particulier les adhérences d’orbites)
sont les sous variétés de G/Γ (ou G/U)) ;
Nous allons utiliser le premier levier pour décrire l’action de Mod(Σ) sur
H
1(Σ,C
∗). Plus précisément, nous sommes intéressés par la classification des
fer-més invariants de R
2g×R
2g/Z
2gsous l’action diagonale de Sp(2g,Z). Pour ce
faire remarquons qu’un sous-ensemble A de R
2g×R
2gest invariant par l’action
de Sp(2g,Z)n Z
2gsi et seulement sa projection sur R
2g×R
2g/Z
2gest invariant
par l’action de Sp(2g,Z).
Remarquons de plus que puisque G = Sp(2g,R)n R
2gagit transitivement
sur X = R
2g×R
2g, il a une identification naturelle entre X et G/U où U est
le stabilisateur dans G d’un point dans X. Comme Γ = Sp(2g,Z)n Z
2gest un
réseau dans G, on peut appliquer le théorème de Ratner évoqué ci-dessus dans
notre cas. Nous donnons un énoncé précis du théorème dans notre cas :
Théorème 19 (Ratner, [Rat91]). Soit G, U et Γ comme ci-dessus et p un point
deX =G/U tels quep=gU. Il existe alors un sous-groupe de Lie ferméH
g< G
tel que
— U
g=gU g
−1⊂Hg;
— Γ∩Hg est un réseau dans Hg;
— Γ·p= ΓHp.
Le théorème de Ratner nous dit immédiatement que les orbites de l’action
de Mod(Σ) s’accumulent vers des sous-variétés algébriques de H
1(Σ,C
∗). Nous
allons dédié le reste de notre analyse à établir la description précise esquissée
précédemment. La première étape de cette classification est de faire la liste des
sous groupesH <Sp(2g,R)nR
2gqui contiennentU =U
0×{0}oùU
0<Sp(2g,R)
est le stabilisateur de~e=
1 0 . . . 0
, car ainsiU est le stabilisateur dans Sp(2g,R)nR
2gdu point (~e, ~0).
Fixons les notations suivantes : p = (~x, ~u) ∈ R
2g×R
2g/Z
2get g est tel que
p = gU, autrement dit (~x, ~u) = g·(~e, ~0). Aussi H
gest le sous groupe de G
donné par le théorème de Ratner. Notons A
g< Sp(2g,R) l’image de H
gpar la
projection Sp(2g,R)n R
2g−→Sp(2g,R) etBg <R
2gle noyau de cette projection.
Nous prouvons tout d’abord deux lemmes qui nous aiderons à traduire les deux
premières conclusions du théorème de Ratner en terme de A
getB
g.
Lemme 2. B
gest soit~0, R~x, ~x
⊥ou R
2g.
Démonstration. Remarquons queBg est invariant par l’action deUg = Stab(g)<
Gpar conjugaison, qui n’est autre que l’action linaire deU
~x= Stab(~x)<Sp(2g,R).
Soit V un sous-espace invariant par l’action deU
~x. Il y a quatre possibilités :
2. V =~x;
3. V contient ~y tel que ~x∧~y 6= 0. U
gagit transitivement sur l’ensemble des
droites sur lesquelles ~x∧ · est non nul, qui est dense dans l’ensemble des
droites de R
2get ainsi V =R
2g.
4. V ⊂~x
⊥etV 6=~x. Comme Ug agit transitivement sur les vecteurs
orthogo-naux à~x qui ne sont pas sur la droite dirigée par~x,V =~x
⊥.
Lemme 3. Soit H un sous-groupe de Lie fermé de G = Sp(2g,R)n R
2g. Alors
Sp(2g,Z)n Z
2g∩H est un réseau dans H si et seulement siSp(2g,Z)∩A est un
réseau dans A etZ
2g∩B est un réseau dans B.
Démonstration. Notonsπ la projection naturelle :
H/(H∩Γ)−→A/Sp(2g,Z)∩A
Cette projection donne à H/(H∩Γ) une structure de fibré dont la fibre est
iso-morphe à B/(Z
2g∩B). La mesure de Haar surH est le produit de la mesure de
Lebesgue de la fibre avec la mesure de Haar de A/(A∩Sp(2g,Z)). Le volume de
H est donc exactement le produit vol(A/(A∩Sp(2g,Z)))·vol(B/(Z
2g∩B)), ce
qui prouve la proposition.
Ce lemme nous dit que si H
gest associé à l’orbite de p ∈X, A
gest
unimo-dulaire et contientπ(Ug) = Stab(~x). La classification des sous-groupes de Lie de
Sp(2g,R) garanti que A
gest soitU
g, le stabilisateur de la droite engendrée par~x
ou Sp(2g,R) tout entier. CommeA
gest unimodulaire, c’est soitU
gou Sp(2g,R).
Proposition 6.
Hg=AgnBg
Démonstration. Sans nuire à la généralité, on peut supposer que p = (~e, ~0) et
U = Stab(p). Si Ag = U, le résultat est évident (car Hg contient U n{~0}). On
suppose désormais que A
g= Sp(2g,R). Nous allons tout d’abord faire la preuve
dans le cas où B
g=~0. Dans ce cas la projection Sp(2g,R)n R
2g−→ Sp(2g,R)
restreinte à Hg est injective et son inverse défini en projetant sur le facteur R
2gune fonction continue ϕ: Sp(2g,R)−→R
2gtelle que
∀A, B∈Sp(2g,R), ϕ(AB) =ϕ(A) +Aϕ(B).
Prouver la proposition dans ce cas particulier revient à prouver que ϕ est nulle
partout. La fonctionϕs’annule surU, et doncϕse factorise enϕ: Sp(2g,R)/U '
R
2g\0−→R
2gtelle que
etϕ(~e) = 0, ou A
1est la première colonne de la matrice A. Considérons~z tel que
~
z∧p6= 0. On peut trouver un élément A∈U tel que Ker(A−Id) = Span(~y, ~e).
Comme ϕ(A) = 0, ϕ(~y) est un point fixe de A et donc appartient à Span(~y, ~e).
Comme l’ensemble des ~y tels que ~z∧~y 6= 0 est dense, tout ϕ(~y) appartient à
Span(~y, ~e).
On veut montrer que ϕ(~y) = 0 pour tout ~y. Considérons A ∈ Sp(2g,R) tel que
A~e=~y,i.e.A
1=~y. Considérons aussi~ztel queA~zn’appartient pas à Span(~e, ~y).
D’un côté
ϕ(A~z) =ϕ(~y) +Aϕ(~z)
mais aussi
ϕ(A~z) =λA~z+µ~e.
Cela implique que ϕ(~y) est un multiple de ~e, pour tout ~y. Mais alors ϕ(A~y) =
ϕ(A
1) +Aϕ(~y) et donc ϕ(~y) doit être nul carϕ(A~y) est aussi un multiple de ~e.
Quand B
g6= 0, on peut faire la même chose. Remarquons juste que l’ensemble
des~ztels que (A, ~z) appartient àH
gest un sous espace affine d’espace tangentB
gce qui nous permet de définir ϕ: Sp(2g,R) −→ R
2g/Bg qui est nulle sur Ug. Un
argument similaire laissé au lecteur prouve que ϕest nulle partout ce qui prouve
la proposition.
On déduit du lemme ci-dessus qu’un sous-groupe deGqui contientU
gn{~0}=
Stab(p) avec p= (~x, ~u) est soitU
gn{0},U
gn R~x, U
gn~x
⊥, Sp(2g,R)n{0} ou
Sp(2g,R)n R
2g. Pour rendre l’exposition plus claire, on notera dans ce qui suit
H
0=A
0nB
0un sous-groupe arbitraire de cet liste dans le cas~x=~e.
Classification des adhérences d’orbites.
Nous sommes maintenant près pour classifier les adhérences possibles des
or-bites de l’action de Mod(Σ) sur H
1(Σ,C
∗). Soit ˜p= (~x, ~u)∈R
2g×R
2greprésentant
un point p ∈H
1(Σ,C
∗) ; on fait l’hypothèse que ~x6= 0. Dans ce cas on peut
ap-pliquer le théorème de Ratner (voir Théorème 19) à ˜p =gU où g :~z7→ C~z+~u
etC∈Sp(2g,R) est tel que sa première colonne est~x. Pour l’un des sous groupe
H
0=A
0nB
0listés ci-dessus, on a que Γ˜p= ΓgH
0g
−1p˜et que Γ∩gH
0g
−1est un
réseau dansgH
0g
−1=H
g.La conjugaisonH
0−→H
gparg s’écrit explicitement
(M, ~y)7−→(CM C
−1, ~u−CM C
−1~u+C~y).
Ainsi Ug =gU g
−1= Stab(~x) et Bg =C·B
0. On classifie maintenant les orbites
selon que A
g= Stab(~x) or Sp(2g,R).
1) Si A
g= Stab(~x). Comme Sp(2g,Z)∩A
gdoit être un réseau dans A
g(voir
Lemme 3),~x doit appartenir à une droite rationnelle. En effet par Zariski densité
des réseaux, il existe un élément de Sp(2g,Z)∩Ag dont l’espace propre de valeur
propre 1 est seulement la droite engendré par~x, ce qui implique qu’il existex~
0∈Z
nsuch that ~x = λ~x
0for a constant λ > 0. C’est équivalent à dire que la valeur
absolue des éléments de Im(p) engendre un groupe discret engendré par e
λsi ~x
0a été choisi primitif. Dans ce cas quatre possibilités se présentent :
— Bg = 0. Dans ce cas γp˜= γp˜ce qui est équivalent à ce que Im(p) est un
sous-groupe discret deC
∗.
— B
g= R~x. Comme A
g= Stab(~x), l’image dans R
2g×R
2gde H
g·p est
égale à {~x} × {Stab(~x)~u+R~x} = {~x} × {~u+~x
⊥}. Si ~u n’appartient pas
à R~x, alors Hg ·p = {~x} × {~y | ~y ∧~x = ~u∧~x} et donc Γ·p = H
λ,voù
v = ~u∧~x modλ. Si ~u ∈ R~x alors Im(p) est un sous-groupe discret de la
forme{e
nλ+n2iπµ|n∈Z} avec µirrationnel.
— B
g= ~x
⊥marche comme le cas précédent, on remarque que la projection
Hg−→H
1(Σ,C
∗) a pour image{~x} × {~u+~x
⊥} et dans ce cas l’image dep
n’est pas discrète et Mod(Σ)·p=H
λ,v.
— Le dernier sous-cas B
g= R
2gne peut pas arriver car l’adhérence d’une
orbite doit être contenue dans un sous-ensemble de type H
m,v.
Ceci nous permet de conclure que dans le cas où le module de p a une image
discrète deux situations peuvent se produire :
1. l’image de p est un sous-groupe discret isomorphe à Z×Z/nZ à travers
(k, k
0)7→e
kz0+2iπkn 0pour un certain z
0∈C
∗et dans ce cas l’orbite de p est
discrète;
2. l’image dep n’est pas discrète et dans ce cas l’adhérence de Mod(Σ)·p est
tout l’ensemble H
λ,vpour λetv comme ci-dessus.
2) Si Ag = Sp(2g,R). Dans ce cas,B
0est soit{0}ouR
2g. On déduit facilement
du fait que Ag = Sp(2g,R) que le module de p a image dense dans R
∗+. Un
argumentaire similaire à la discussion précédente permet de conclure que :
1. soit Im(p) =L× he
2iπnioùLest un sous-groupe à un paramètre deC
∗de la
forme{e
tz0|t∈R}et dans ce cas l’adhérence de Mod(Σ)·pest l’ensemble
des caractères dont l’image est de la formeL
0× he
2niπi avec L
0⊂L;
2. soit l’argument depa pour image un sous-groupe dense deUet dans ce cas
l’orbite dep est dense dans H
1(Σ,C
∗).
3) Si le module de p est trivial, i.e. p est euclidien. Ce cas est le plus facile.
On laisse le lecteur vérifier qu’une application directe du théorème de Ratner au
casR
2g\ {0}= Sp(2g,R)/Stab(~e) pour l’action de Sp(2g,Z) donne la dichotomie
suivante :
1. soit Im(p) est un sous-groupe fini deUet dans ce cas l’orbite depest discrète
et consiste des caractères ayant la même image ;
2. soit Im(p) est dense dans U et dans ce cas l’adhérence de Mod(Σ)·p est
l’ensemble des caractères euclidiens de H
1(Σ,C
∗).
Dans le document
Structures affines complexes sur les surfaces de Riemann
(Page 45-51)