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Aspects comparatifs avec les États-Unis

Aux États-Unis, la situation dans le domaine du jeu est à la fois différente et similaire à celle au Canada. Différente, parce que le fédéral joue un rôle actif pour contrer les jeux illicites. Le jeu est régi non seulement par des lois propres à chaque État, mais également par des lois fédérales qui s’appliquent aux opérations de jeux interétatiques. L’étude de la jurisprudence révèle cependant que malgré les efforts du gouvernement fédéral américain

43 pour contrer l’offre illégale de jeux en ligne à l’intérieur de ses frontières, son intervention reste limitée en raison d’intérêts économiques et politiques sous-jacents189

. Similaire, parce que la souveraineté des autochtones dans la réglementation du jeu est controversée, en particulier pour les jeux virtuels. Ainsi, comme au Canada, la réglementation du jeu aux États-Unis est complexe, étant donné qu’elle s’effectue tant au niveau fédéral qu’au niveau étatique et qu’il existe des exceptions, notamment pour les territoires autochtones.

a. Le rôle actif du fédéral dans la lutte contre les jeux en ligne illicites

Le gouvernement fédéral américain a l’autorité de réglementer le jeu entre les États, voire à l’intérieur même d’un État, si les lois de ce dernier affectent le commerce interétatique190. Le fédéral a toutefois adopté une politique protectrice de la souveraineté des États dans la réglementation du jeu. Au lieu d’imposer une politique uniforme, les lois fédérales renvoient aux lois des différentes États – comme le C.cr. du Canada renvoie aux lois provinciales. Cependant, contrairement au Canada, le gouvernement fédéral américain conserve un droit de regard sur les activités de jeu à caractère extraterritorial. Plusieurs lois fédérales régissent les opérations de jeu interétatiques et transfrontalières191, dont l’Unlawful Internet Gambling Enforcement Act (UIGEA)192 qui vise à contrer l’offre illégale des jeux en ligne. En adoptant des mesures d’endiguement dans le cadre d’une loi fédérale, les États-Unis ont évité le débat qui fait rage actuellement au Québec relativement au partage des compétences, mais l’UIGEA n’est pas pour autant moins controversée.

189

Anthony N. Cabot et Miller C. Keith, The Law of Gambling and Regulated Gaming: Cases and Materials, Durham (NC), Carolina Academic Press, 2011; Kevin Washburn, Gaming and Gambling Law: Cases and

Materials, New York, Aspen Publishers, 2011; William G. Rice, Tribal Governmental Gaming Law: Cases and Materials, Durham (NC), Carolina Academic Press, 2006.

190

US Const art I, §8, cl 3; United States v Harris, 460 F (2d) 1041, p. 1047 (5th Cir. 1972).

United States v Darby, 312 US 100, p. 118, 61 S Ct 451, p. 459, 85 L Ed 609 (1941).

191 Voir nottament : Wire Act, 18 USC Code § 1084 (1961); Travel Act, 18 U.S.C. § 1952 (1961);

Interstate Transportation of Wagering Paraphernalia Act, 18 USC Code § 1953 (1961); Organized Crime Control Act of 1970, Pub L No 91–452, 84 Stat. 922; Racketeer Influenced and Corrupt Organization Act

(RICO), 18 U.S.C. § 1961–1968 (1970); Illegal Gambling Business Act, 18 U.S. Code § 1955 (1970).

44 Adoptée en 2006, et son règlement en 2009193, l’UIGEA a cependant vu son entrée en vigueur retardée jusqu’en 2010 – soit plus de dix ans après le rapport de la National Gaming Impact Study Commission qui recommandait de prohiber les jeux sur Internet au niveau fédéral et de développer de mécanismes efficaces de contrôle ceux-ci194. L’UIGEA ne rend toutefois pas illégaux les jeux sur Internet, mais s’applique uniquement aux jeux virtuels qui sont explicitement prohibés par les États ou les nations autochtones195. Ces derniers préservent donc le droit de légaliser ou non les activités de jeu sur leur territoire. Le gouvernement fédéral américain a ainsi renforcé les législations restrictives des États sur le jeu, tout en se donnant les moyens d’intervenir pour contrer l’offre illégale de ceux-ci : le blocage des transactions bancaires liées aux jeux illicites et le blocage de l’accès aux sites de jeux illicites.

i) Blocage de l’accès aux sites de jeux illicites

Les autorités gouvernementales américaines peuvent instituer des procédures pour forcer le blocage de l’accès aux sites de jeux illicites196

. Ceci suscite la controverse, en particulier dans la communauté internationale. La question est à savoir dans quelle mesure un État peut prohiber sur son territoire des jeux illicites qui sont, par ailleurs, légalement établis dans un autre pays. Bien que l’arrêt People ait établi qu’un État peut sanctionner les activités de jeu illicites, pourvu qu’il y ait des liens suffisants pour établir sa compétence197, l’affaire Antigua ajoute qu’il faut également respecter les traités de commerce international. Dans la célèbre saga judiciaire avec Antigua et Barbuda, portée en arbitrage devant l’Organisation mondiale de commerce (OMC)198, les États-Unis ont été poursuivis pour violation de leurs obligations en vertu de l’Accord général sur le

193

Prohibition on Funding of Unlawful Internet Gambling (Regulation GG), 12 CFR § 233 (2009) [Regulation GG].

194 É-U, National Gambling Impact Study Commission, Final Report, 1999, pp. 5-12, en ligne:

<govinfo.library.unt.edu/ngisc/reports/5.pdf>; É-U, Bill S 692, Internet Gambling Prohibition Act of 1999, 106e Cong, 1999-2000.

195 31 USC § 5362(10)(A). 196 31 USC § 5365. 197

People v World Interactive Gaming Corp. et al., 714 NYS 2d 844 (Sup. Ct. 1999).

198 United States v Cohen, 260 F3d 68 (2e Cir. 2001), 536 US 922 (2002) [Cohen]; OMC, États-Unis –

Mesures visant la fourniture transfrontières de services de jeux et paris (WT/DS285), en ligne :

45

commerce des services (AGCS)199. La liste des engagements spécifiques des États-Unis

sous l’AGCS inclut l’accès, sans restriction, au marché américain des services de jeux et paris200. Cette affaire illustre que les traités commerciaux limitent les mesures qui peuvent être prises par les lois nationales des États membres, notamment dans le domaine du jeu.

L’affaire Antigua est reliée à l’affaire Cohen, suite à laquelle Antigua connaît une baisse considérable des opérateurs de jeux en ligne situés sur cette île201. En 1998, le FBI a arrêté plusieurs opérateurs de jeux en ligne illicites, dont Jay Cohen, président de World Sports Exchange (WSE)202. Cet opérateur de paris sportifs virtuels visait principalement le marché américain203, mais il était hébergé dans les Caraïbes qui ont une approche plus libérale pour la réglementation du jeu (libéralisation partielle, voire totale). Le gouvernement d’Antigua a donc poursuivi les États-Unis, alléguant que les lois américaines sur le jeu étaient discriminatoires, puisqu’elles entraînaient la prohibition de jeux et paris transfrontières – de l’étranger vers les États-Unis204. En défense, les États-Unis ont invoqué des motifs de « nécessité »afin de protéger l’ordre public205.

L’exception de « nécessité » implique une proportionnalité entre : l’effectivité des mesures requises pour atteindre les objectifs des lois nationales et l’impact restreint de ces mesures sur le commerce international206. Elle suppose qu’aucune autre mesure de

199

OMC, Accord Général sur le Commerce des Services, 15 avril 1994, Annexe IB de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (entrée en vigueur : 1er janvier 1995), art. II, en ligne :

<www.wto.org> [AGCS].

200

GATT, Services Sectoral Classification List: Note by the Secretariat, GATT Doc MTN.GNS/W/120 (10 juillet 1991), en ligne : OMC <www.wto.org>; GATT, Scheduling of Initial Commitments in Trade in

Services: Explanatory Note, GATT Doc MTN.GNS/W/164 (3 September 1993), en ligne : OMC

<www.wto.org>; OMC, Rapport de l’Organe d’appel (7 avril 2005), OMC Doc WT/ DS285/AB-2005-1, par. 172 et s., en ligne : <www.wto.org> [OMC, « Rapport de l’Organe d’appel »].

201

Joseph M. Kelly, « Clash in the Caribbean: Antigua and U. S. Dispute Internet Gambling and GATS » (2005) 10:1 UNLV Gaming Research & Review Journal 15.

202 Cohen, supra note 198.

203 Edward A. Morse et Ernest Goss, Governing Fortune: Casino Gambling in America, Ann Arbor,

University of Michigan Press, 2007, pp. 190, 208 [Goss].

204 OMC, Rapport du groupe spécial (10 novembre 2004), OMC Doc WT/DS285/R04-2687, par. 1.1, 3.74,

en ligne : <www.wto.org>.

205

Ibid., par. 5.25 et s.; AGCS, supra note 199, art. XIV(a)(c); OMC, « Rapport de l’Organe d’appel »,

supra note 200, par. 266 et s.

206 Goss, supra note 203, p. 210. Julia Hörnle et Brigitte Zammit, Cross-border Online Gambling Law and

46 rechange ne soit « raisonnablement disponible »207. Bien que les jeux en ligne présentent des préoccupations particulières pouvant justifier un traitement différencié208, les restrictions sur le jeu ne doivent pas être discriminatoires envers les membres de l’OMC209

. Les États-Unis ont donc été enjoints de rendre certaines lois fédérales conformes aux obligations nées de l’AGCS210. Nous assistons ainsi à l’érosion de la souveraineté des États par la libéralisation des marchés. Ceci vient limiter les mesures de mise en œuvre des lois nationales, telles que le blocage des sites de jeux illicites ou encore des transactions financières liées aux jeux illicites.

ii) Blocage des transactions liées aux jeux illicites

Toute transaction bancaire relative aux jeux en ligne illicites est interdite, en vertu de l’UIGEA211

. Son règlement prévoit divers systèmes de contrôle des transactions financières liées aux jeux – similaires à ceux qui existent déjà dans les institutions financières212. Les banques doivent instaurer des procédures raisonnables pour identifier, prévenir et, le cas échéant, bloquer les transactions irrégulières que ce soit par cartes de crédit, transfert de fonds par voie électronique, chèques, etc.213 La responsabilité de l’institution financière peut être engagée, notamment dans le cas où les jeux illicites seraient exploités par une telle institution214. Afin d’éviter tout risque de responsabilité, les institutions financières américaines ont bloqué la majorité des transactions liées aux jeux virtuels aux États-Unis215. Un parallèle peut être fait ici avec le système fiscal des États-Unis. Afin d’éviter l’évasion fiscale, les institutions financières d’autres pays doivent communiquer au gouvernement américain toute information relative aux comptes

207 OMC, « Rapport de l’Organe d’appel », supra note 200, par. 283 et s. 208 Ibid., par. 311.

209

Ibid. par. 308 et s.

210 OMC, « Rapport de l’organe d’appel », supra note 200, par. 153-157, 217, 374 : Wire Act, Travel Act et

Illegal Gambling Business Act; L’UIGEA n’était pas alors encore en vigueur.

21131 USC § 5363. 212

Regulation GG, supra note 193, §§ 233.2(y), 233.5, Appendix A; É-U, Congressional Research Service,

Unlawful Internet Gambling Enforcement Act (UIGEA) and Its Implementing Regulations (RS22749), par

Brian T. Yeh et Charles Doyle, 10 avril 2012, pp. 4-8, en ligne:

<www.law.umaryland.edu/marshall/crsreports/crsdocuments/RS22749_04102012.pdf> [RS22749].

213 Ibid.

214 31 U.S.C. §§ 5364, 5366, 5367. 215 Goss, supra note 203, pp. 200 et s.

47 de citoyens américains, même résidant à l’étranger216

. Cette approche a conduit à des accords intergouvernementaux de coopération217. Espérons que ce sera également le cas dans le domaine du jeu, mais loin s’en faut, tel qu’il appert notamment du Black Friday.

En 2011, le FBI a bloqué l’accès à trois sites de poker illicites (PokerStars, Full tilt Poker et Absolute Poker), saisi plus de 75 comptes bancaires et arrêté 11 individus, dont le canadien Isaï Scheinberg, président de PokerStars218. Une telle approche, perçue comme trop intrusive, a reçu une forte opposition politique. Antigua, qui avait accordé des licences à l’un des sites de poker bloqués (Absolute Poker), projetait de déposer une nouvelle plainte contre les États-Unis devant l’OMC. Elle n’y a toutefois pas donné suite étant donné le règlement intervenu avec Absolute Poker219. Les poursuites ont également été abandonnées à l’encontre de PokerStars et Full Tilt Poker, en échange du paiement d’une amende faramineuse220

. Le Black Friday, comme l’affaire Antigua/Cohen, illustre donc que nous avons la technologie pour contrôler l’offre illégale des jeux en ligne, mais que des intérêts économiques et politiques viennent limiter l’effectivité de ces mesures. Ainsi, les lois fédérales américaines, notamment l’UIGEA, prévoient des mesures efficaces pour contrer les jeux illicites, mais leur mise en œuvre demeure un problème, en particulier à l’égard des opérateurs de jeux situés à l’étranger.

216 Hiring Incentives to Restore Employment Act (HIRE Act), Titre V, Section A, Pub L No 111–147,

§ 5 124 Stat. 71 (2010) (codifié tel que modifié au 26 USC §§ 1471-1474, 6038D, appellé Foreign Account

Tax Compliance Act (FATCA)).

217 Canada, Ministère des Finances, Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des

États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer l’observation fiscale à l’échelle internationale au moyen d’un meilleur échange de renseignements en vertu de la Convention entre le Canada et les États-Unis

d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, 5 février 2014, en ligne :

<www.fin.gc.ca/treaties-conventions/pdf/FATCA-fra.pdf>; É-U, Treasury Department, Joint Statement

from the United States, France, Germany, Italy, Spain and the United Kingdom Regarding an Intergovernmental Approach to Improving International Tax Compiliance and Implementing FATCA,

8 février 2012, en ligne: <www.treasury.gov/press-center/press-

releases/Documents/020712%20Treasury%20IRS%20FATCA%20Joint%20Statement.pdf>.

218 United States v Scheinberg et al., 10 C. 336 (D NY 2011); United States v PokerStars, et al., 11 Civ

2564 (NY Dist Ct 2011).

219

Stipulation and Order of Settlement with respect to Absolute Poker, signé par le Judge Kimba M. Wood le 15 juillet 2013, en ligne: JDSupra Buisness Advisor <www.jdsupra.com/legalnews/stipulation-and- order-of-settlement-with-90811/>.

220

É-U, The United States Attorney’s Office Southern District of New York, communiqué, « Manhattan U.S. Attorney Announces $731 Million Settlement of Money Laundering and Forfeiture Complaint With Pokerstars and Full Tilt Poker » (31 juillet 2012), en ligne: US Department of Justice,

48 L’approche interventionniste des États-Unis de bloquer les transactions bancaires et l’accès aux jeux en ligne illicites est cependant contestée non seulement par la communauté internationale, mais également aux États-Unis. L’UIGEA a fait l’objet de nombreuses critiques, tant par rapport aux circonstances de son adoption qu’à son contenu et à ses effets dans l’industrie du jeu, voire même à sa constitutionalité. Afin de permettre son adoption, cette loi a été rattachée au Safe Port Act221, qui n’est aucunement liée au jeu. L’application de la loi est limitée aux opérateurs professionnels222

et il y a absence de mesures de protection des joueurs. L’UIGEA aurait donc pour effet de s’attaquer aux grands opérateurs de jeu, mais permettrait l’introduction de petites entreprises privées plus difficiles à contrôler – amplifiant par le fait même les risques d’abus, de dépendance, d’évasion fiscale, etc.223

La validité constitutionnelle de la loi a par ailleurs été contestée dans l’affaire iMega et ce, pour deux motifs : 1) la définition vague et ambigüe de « unlawful Internet gambling » qui renvoie aux lois des États et des nations autochtones sur le jeu; et 2) les mesures intrusives de blocage des transactions financières et de l’accès aux sites de jeux illicites224

. La Cour d’appel des États-Unis a néanmoins confirmé la constitutionalité de l’UIGEA et rejeté les accusations de violation de droits individuels225.

Ainsi, les critiques de l’UIGEA rappellent celles des modifications législatives actuellement proposées au Québec qui, comme nous l’avons vu, envisage également de bloquer l’accès aux jeux en ligne illégaux par les FAI. Malgré les critiques, l’UIGEA a permis de déceler et de dissuader des opérations de jeux en ligne illégaux. L’adoption de l’UIGEA a eu un impact immédiat : il y a eu des poursuites aux États-Unis contre des opérateurs de jeux virtuels illicites, voire même contre des institutions bancaires (lesquels ont dû payer des sommes de plusieurs millions de dollars)226. Des intérêts économiques et politiques viennent toutefois limiter l’effectivité de ces mesures. La tendance actuelle est vers la libéralisation des marchés, par le biais d’un système de

221

Pub L No 109–347, 120 Stat. 1884 (2006).

222 31 USC § 5362(1)(D)(2) : « business of betting or wagering ». 223 RS22749, supra note 212, pp. 2-4.

224

Interactive Media Entertainment & Gaming Association, Inc. v Attorney General of the U.S. et al., 580 F3d 113, pp. 6-10 (3d Cir. 2009).

225 Ibid.

49 licences. Plusieurs projets de loi ont été déposés, aux États-Unis, qui visent à instaurer un régime de licences fédérales en matière de jeu227 – ou du moins à renforcer davantage le rôle interventionniste du fédéral par le contrôle des licences de jeu émises par les États et les autochtones228. Les réserves autochtones jouissent d’un statut particulier dans la réglementation du jeu. Le cas de la Californie requiert une attention particulière puisqu’il illustre le jeu de pouvoir entre les autorités gouvernementales, les autochtones et les opérateurs de jeux en ligne.

b. Le cas de la Californie : un jeu de pouvoir

La Californie est le berceau du développement des casinos indiens et des jeux virtuels dans les réserves indiennes. Comme au Canada, le jeu est une source importante de revenus dans les réserves indiennes américaines : 240 nations autochtones opèrent plus de 480 casinos dans 29 États229. En Californie seulement, il y a 71 casinos indiens230. L’omniprésence des jeux et paris dans les réserves indiennes américaines s’explique par des raisons tant historiques et sociologiques, qu’économiques et politiques231, comme nous l’avons vu au premier chapitre. La Californie pourrait devenir le premier État américain à légaliser certains types de jeu en ligne dans les réserves indiennes. La compétence des autochtones à organiser et réglementer des jeux sur Internet est cependant controversée. Le débat est similaire à celui au Québec : les autochtones invoquent une compétence exclusive sur le jeu à l’intérieur de leurs territoires, alors que les autorités gouvernementales soutiennent qu’une autorisation de l’État dans lequel les jeux virtuels sont exploités est requise. Plusieurs coalitions ont été formées concernant les projets de loi actuels sur la réglementation du jeu en ligne en Californie. Ces coalitions

227 Le projet de loi Internet Gambling Regulation, Consumer Protection, and Enforcement Act a été

introduit à trois reprises : É-U, Bill HR 2267, 111e Cong (2009); É-U, Bill HR 1174, 112e Cong (2011- 2013) ; É-U, Bill HR 2282, 113e Cong (2013-2014) ; Voir aussi: É-U, Bill HR 2230, Internet Gambling

Regulation and Tax Enforcement Act of 2011, 112e Cong (2011).

228 É-U, Bill HR 2366, Internet Gambling Prohibition, Poker Consumer Protection, and Strengthening

UIGEA Act of 2011, 112e Cong (2011-2012); RS22749, supra note 212, pp. 10-13.

229

É-U, National Indian Gaming Commission, Gaming Tribe Report, 5 avril 2015, en ligne :

<www.nigc.gov>; Hörnle, supra note 206, p. 51.

230 Ibid., pp. 4-13.

50 illustrent le jeu de pouvoir entre les autorités gouvernementales, les nations autochtones et les opérateurs de jeux en ligne.

i) Le jeu dans les réserves indiennes américaines

Aux États-Unis, les autochtones sont reconnus comme des nations souveraines, dotées de pouvoirs équivalents à ceux d’un gouvernement232. Le droit des autochtones d’exploiter des casinos et l’interdiction d’immixtion de l’État dans la réglementation du jeu sur les réserves indiennes ont été reconnu par la Cour suprême des États-Unis, dans l’affaire

Cabazon233. Cette décision a entraîné, en 1988, l’adoption du Indian Gaming Regulatory

Act (IGRA)234 et la création de la National Indian Gaming Commission (NIGC)235. L’objectif était de favoriser le développement économique, l’autosuffisance et l’autonomie gouvernementale des réserves indiennes236. L’effet inverse s’est cependant produit, venant limiter la souveraineté des autochtones dans le domaine du jeu237.

La juridiction des autochtones en matière de jeu varie en fonction des trois catégories suivantes : 1) les jeux de société (Class I)238; 2) les jeux de hasard, incluant les bingos, les jeux de cartes ou de dès (Class II)239; et 3) les autres formes de jeux (Class III)240. La distinction est importante puisque les autochtones ont une compétence exclusive pour les deux premières catégories241, mais limitée pour la troisième catégorie résiduaire. La Class I est exclue de l’application de l’IGRA242. Les autochtones ont donc un droit exclusif sur la réglementation des jeux de société sur leurs territoires (jeux d’adresse). Il en est de même pour les jeux de hasard de la deuxième catégorie, mais sous la

232 Worcester v Georgia, 32 US 515; Cherokee Nation v Georgia, 30 U.S. (5Pet.) 1 (1831).

233 California v Cabazon Band of Indians, 480 US 202 (1987), 107 S Ct 1083 (1987), 783 F2d 900 (9e Cir.

1986).

234 Hörnle, supra note 195, p. 48; 25 USC § 2701 (5).

235 Ibid., § 2704; National Indian Gaming Commission, en ligne : <www.nigc.gov>. 236 25 USC § 2701 (d).

237

Steven Andrew Light et Kathyryn R.L. Rand, Indian Gaming and Tribal Sovereignty: The Casino

Compromise, Lawrence (Kan.), University Press of Kansas, 2005, pp. 6-7, 58-59.

238 25 USC § 2703(6) 239 Ibid., § 2703(7). 240 Ibid., § 2703(8). 241 Ibid., § 2710(a)(2). 242 Ibid., § 2710(a)(1).

51 supervision de la NIGC. Des licences de jeu de la Class II peuvent être émises dans les réserves indiennes américaines, tant à des opérateurs autochtones que non-autochtones243, pourvu qu’elles respectent les lois fédérales et étatiques244. La compétence des autochtones quant à la troisième catégorie est cependant limitée puisque, comme au Canada, une autorisation de l’État est requise. Les autochtones ne peuvent exploiter des jeux de la Class III, à moins d’une entente spécifique entre la tribu autochtone et l’État dans lequel les jeux sont opérés (« Tribal-State Compact »245).

Le « Tribal-State Compact » vise une coopération avec les autochtones246, mais cette coopération repose sur la « bonne foi » des États – laquelle fait souvent défaut étant donné les intérêts économiques et politiques importants qui sont en jeu. En vertu de

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