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ASPECTS BIOLOGIQUES 97 rétrospectivement, discriminerait justement les individus qui convertiraient par

La Maladie d’Alzheimer

3.3. ASPECTS BIOLOGIQUES 97 rétrospectivement, discriminerait justement les individus qui convertiraient par

la suite ou non vers une MA ; Apostolova et al., 2010). Longtemps traité comme une entité unique, l’hippocampe peut en réalité être sectionné en plusieurs sous-champs. In vivo, deux techniques permettent une telle opération, soit la segmen-tation visuelle ou informatique automatisée. L’appréciation visuelle/clinique est notamment employée pour qualifier le degré de progression de la maladie, mon-trant une bonne corrélation avec le stade clinique et en particulier les performances épisodiques (Scheltens et al., 1995). Via l’utilisation de ces deux techniques, cer-tains auteurs mirent en évidence le cours longitudinal de l’atrophie dans la MA. Les résultats indiquent que, dans l’hippocampe, ce processus lent débute en parti-culier dans les régions dorso-latérales rostrales du complexe hippocampique, dans les régions CA1 et le subiculum /régions présubiculaires (Apostolova et al., 2010 ; Frisoni et al., 2008 ; Khan et al., 2015), puis s’étend au reste de la structure. En comparant les MCI convertissant par la suite à des MCI demeurant stables ou à des âgés sains, il semble qu’en dépit de quelques recoupements des patterns d’atrophie avec la sénescence, ces régions soient exclusivement affectées dans la MA (Frisoni et al., 2008). Ajoutons qu’à lui seul, le présubiculum prédirait correc-tement la conversion à venir vers un MCI (avec 81,1% d’exactitude contre 76,7% pour le volume hippocampique total ; Khan et al., 2015). Les régions CA2 et CA3 seraient au contraire initialement préservées de l’atrophie (Apostolova et al., 2010 ; Frisoni et al., 2008). Si l’on considère l’ensemble de l’hippocampe, le rythme de progression de l’atrophie semble significativement supérieur à celui observable dans le vieillissement normal, soit 3,2 à 3,7% de perte annuelle contre 1,1 à 2% respectivement (Apostolova et al., 2010). Quant à la topographie, certains au-teurs observent que la progression de la neurodégénérescence dans la MA s’opère selon un cheminement semblable aux stades de Braak et Braak (Jack, Bennett, et al., 2016). Cette évolution serait ainsi liée aux DNF – démarrant dans le cortex entorhinal pour ensuite s’étendre à CA1 et aux aires subiculaires, puis à CA2, CA3, CA4 et finalement au cortex entier (Schöll et al., 2016 ; Schönheit, Zarski, & Ohm, 2004) – et à la densité de Tau (Whitwell et al., 2008). Il a par ailleurs été

récemment démontré que les processus de neurogenèse au sein de l’hippocampe – présents tout au long de la vie et participant notamment à la plasticité cérébrale par l’incorporation de nouveaux neurones dans la région du gyrus denté – étaient significativement amoindris chez les patients atteints de MA (Lemprière, 2019 ; Moreno-Jiménez et al., 2019). Sur le plan du LCR, notons que l’augmentation de protéines Tau (T-Tau) fut significativement liée au degré d’atrophie cérébrale mis en évidence via IRMs (Jack et al., 2010).

La seconde mesure classiquement employée est la TEP-FDG qui évalue la consommation locale de glucose. Cette mesure est notamment influencée par le dysfonctionnement synaptique induit par l’atrophie cérébrale et la neurodégéné-rescence progressive (Jack et al., 2010).

3.3.4 Neurotransmission

Dans la MA, on trouve également des modifications intéressant la neurotrans-mission. Plusieurs neurotransmetteurs sont concernés.

Comme nous l’expliquions précédemment (voir Chapitre 3.3.2), certaines ré-gions cérébrales particulièrement impliquées dans la production de neurotrans-metteurs semblent accueillir des lésions assez rapidement dans l’évolution de la maladie. Ainsi, nous avons signalé la présence de formations anormales de la pro-téine Tau, puis de DNF dans les cellules de projection noradrénergique du locus cœruleus (Braak & Braak, 1991 ; Braak et al., 2011 ; Lewis & Dickson, 2016), les neurones sérotoninergiques des noyaux du raphé, les neurones cholinergiques du

basal forebrain (Lewis & Dickson, 2016), ou encore les neurones glutamatergiques

du cortex entorhinal (Mufson, Ikonomovic, et al., 2016).

Le dysfonctionnement du système cholinergique semble particulièrement pré-gnant dans la maladie. Dans les années 1970, la recherche sur la MA a notamment été dominée par ce que l’on appelait l’hypothèse cholinergique (Hodges, 2006). Certaines études mirent en évidence d’importantes similitudes entre les profils cognitifs des sujets atteints de pathologies neurodégénératives d’une part et des volontaires sains dont le niveau d’acétylcholine avait été artificiellement abaissé

3.3. ASPECTS BIOLOGIQUES 99 (e.g. au moyen de drogues telles que la scopolamine) d’autre part (Drachman, 1974). Cette idée fut par la suite confirmée par la découverte du déficit choliner-gique dans la MA (Bowen, Smith, White, Carrasco, et al., 1977 ; Bowen, Smith, White, Goodhardt, et al., 1977). Dans ce sens, il a été démontré que le niveau de choline acetyltransferase (ChAT43) cérébrale était d’autant plus important que le patient était avancé dans les stades de la pathologie44 (Mufson, Ikonomovic, et al., 2016). D’un point de vue clinique, il a notamment été mis en évidence des niveaux de ChAT supérieurs chez des individus avec un MCI par rapport à un groupe contrôle cognitivement sain (Mufson, Ikonomovic, et al., 2016). Ces diffé-rences étaient principalement significatives dans les régions hippocampiques et le cortex frontal supérieur.

Ce sont d’ailleurs ces résultats qui présidèrent à l’élaboration de traitements phar-macologiques agissant sur un mode de stimulation cholinergique (Hodges, 2006 ; Hung & Fu, 2017), lesquels sont encore prescrits aujourd’hui (e.g. donépézil, ga-lantamine et rivastigmine).

Quoique le déficit cholinergique fut largement confirmé et étudié jusqu’à présent, postulé même par certains comme responsable du déclin cognitif progressif (Hung & Fu, 2017), les données tendent à montrer que ce dernier serait probablement aspécifique de la MA (Hodges, 2006).

3.3.5 La MA : une double Protéinopathie

Ainsi, la MA est, semble-t-il, causée par la conjonction de traitements anor-maux de deux protéines (i.e. Aβ et Tau). Ces deux éléments constituent donc les principaux agents toxiques à l’œuvre dans ce processus pathologique (Bloom, 2014). Très rapidement, avec l’objectif de définir la cascade chronologique d’événe-ments entraînant la survenue de la maladie, les auteurs ont cherché à définir lequel des deux pouvait survenir en premier. Certaines études démontrèrent ainsi que le premier biomarqueur qui pouvait être repéré comme atteignant (ou dépassant)

43. ChAT est une enzyme dont l’action favorise la synthèse de l’acétylcholine. 44. i.e. stades de Braak et Braak.

Figure 3.2 – Modèle dynamique de l’évolution des biomarqueurs dans la MA,

d’après Jack et al. (2010) (régulièrement mis à jour). CSF = Cerebro-Spinal Fluid (/LCR) ; MRI = Magnetic Resonnance Imaging (/IRM)

un seuil que l’on pouvait considérer comme anormal était l’amyloïdose (Donohue, Thomas, et al., 2014 ; Jack et al., 2010). Émergea ensuite, dans la littérature, un modèle chronologique dans lequel l’amyloïdose constituait le premier biomarqueur détectable, suivi ensuite de la tauopathie, l’atrophie, la cognition (en particulier la mémoire) et enfin la sphère fonctionnelle (voir Figure 3.2) (Jack et al., 2010).

Dans la MA, la présence conjointe des deux types de lésions que forment l’Aβ et les DNF entraîne diverses perturbations dans le fonctionnement neuronal normal (e.g. intégrité de la cellule, transmission d’informations via l’axone ou la synapse ;

Mufson, Ikonomovic, et al., 2016).

De plus, ces deux marqueurs évoluent de pair. En effet, les quantités d’amyloï-dose dans les régions temporales médianes (et en particulier aux niveaux hippo-campique et entorhinal) et de DNF corticales sont fortement corrélées, y compris

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