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Evolution des patients

IV. Les étiologies des méningites a liquide clair

1. Méningite listérienne

1.1. Aspects épidémiologiques et cliniques

Listeria monocytogenes est un bacille à Gram positif et une bactérie intracellulaire facultative dont la transmission se fait principalement par la consommation d'aliments contaminés. Les personnes présentant un dysfonctionnement des lymphocytes T, telles que les femmes enceintes, les personnes âgées et celles recevant un traitement immunosuppresseur courent un risque élevé de contracter la maladie. L'espérance de vie moyenne dans les pays développés a rapidement augmenté au cours de la seconde moitié du 20ème siècle et les maladies infectieuses gériatriques sont devenues un problème de plus en plus important. L'incidence de la listériose est estimée à environ trois à six cas par million par an et les formes les plus courantes de l'infection sont la neurolistériose, la bactériémie et l'infection maternelle néonatale. La méningite à L. monocytogenes chez des adultes jeunes auparavant en bonne santé n'a été signalée que par observation anecdotique [54].

L. monocytogenes est la troisième cause de méningite bactérienne chez les personnes âgées, après Streptococcus pneumoniae et Neisseria meningitidis. Le taux de mortalité est estimé à environ 20%, avec une augmentation significative chez les personnes signalant un retard diagnostique et thérapeutique ; et chez les personnes présentant une comorbidité grave [55].

Les patients atteints de méningite à L. monocytogenes présentent des signes et des symptômes similaires à ceux de la population générale atteinte de méningite bactérienne communautaire mais avec une phase prodromique plus

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longue. Selon les données de la littérature, la prévalence de la triade classique « fièvre, raideur de la nuque et troubles de conscience » est de 43%, et presque tous les patients présentent au moins 2 des 4 symptômes classiques : céphalées, fièvre, raideur de la nuque et troubles de conscience [54].

Une étude descriptive, prospective et multicentrique a été réalisée dans 9 hôpitaux du Réseau Espagnol de Recherche sur les Maladies Infectieuses (REIPI) sur une période de 39 mois [56]. Le but de cette étude était de connaître l'incidence et les facteurs de risque associés au développement d'une méningite aiguë à Listeria monocytogenes acquise chez des patients adultes et d'évaluer les caractéristiques cliniques, la gestion et les résultats de cette série de cas prospectifs. Les auteurs ont conclu que les patients âgés ou immunodéprimés ; et un ratio glycorachie/glycémie plus élevé chez les patients atteints de méningite bactérienne aigue communautaire devraient attirer l'attention des cliniciens sur l’étiologie listérienne. De plus, il a été observé une incidence élevée de méningite listérienne chez les adultes. Toujours selon cette étude, l’adjonction d’aminosides au traitement devrait être évitée afin d’améliorer les résultats pour les patients.

1.2. Recommandations thérapeutiques

Il a été démontré qu'un certain nombre d'antibiotiques sont efficaces contre L. monocytogenes, mais l'amoxicilline et l'ampicilline sont ceux utilisés avec la fréquence la plus élevée et suggérés par les directives actuelles et les opinions d'experts [55]. Le cotrimoxazole peut être administré comme traitement alternatif ; son efficacité est probablement due au fait que cette molécule traverse aisément la barrière hémato-encéphalique. Les quinolones ont une excellente pénétration dans les tissus et les cellules ; et sont rapidement

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bactéricides, mais leur activité clinique n'est pas aussi élevée que nous pouvons le prédire sur la base d'un modèle expérimental. Des thérapies combinées ont été proposées pour renforcer l'activité des pénicillines contre Listeria monocytogenes dans le but de l'éradiquer et de réduire la mortalité.

Alors que certaines études suggèrent un effet délétère des aminosides [56, 57], les résultats d’une étude observationnelle prospective française menée par Charlier et al, bien qu'ils ne proviennent pas d'un essai randomisé, sont en faveur de l'utilisation de l'association amoxicilline-gentamicine comme traitement de première ligne pour la listériose invasive. Ces résultats sont conformes à la synergie in vitro documentée et à l'effet bactéricide de l'amoxicilline couplée à la gentamicine sur Listeria monocytogenes ; l'amoxicilline seule n’étant que faiblement bactéricide [58].

Selon Stahl et al [44], le traitement recommandé de la listérienne neuroméningée est l’amoxicilline à la dose de 200 mg/kg/j en 4 perfusions au moins ou en administration continue par 24 heures pendant 21 jours. La gentamicine en dose unique quotidienne de 5 mg/kg pendant au maximum 5 jours est recommandée en tant qu’antibiotique supplémentaire. En cas de contre-indication à l’amoxicilline (allergie grave prouvée), l’association triméthoprime/sulfaméthoxazole à forte dose [6 à 9 ampoules (1 ampoule = 80 mg/400 mg) par jour en 3 injections iv] doit être administrée pendant 21 jours.

Des analyses multivariées ont montré pour la première fois une survie significativement réduite chez les patients atteints de neurolistériose ayant reçu de la dexaméthasone comme traitement adjuvant. Cet effet délétère avait déjà été suggéré dans une cohorte hollandaise de 92 patients atteints de neurolistériose [59] qui montrait une tendance, bien que non significative, vers

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des résultats moins bons chez les patients atteints de neurolistériose traités par dexaméthasone ; ce qui suggère qu’elle devrait être évitée [60].

1.3. Dans notre étude

Dans notre étude ; 2 patients sur 22 patients (9,10%) ont eu une méningite listérienne. Listeria monocytogenes n’a été identifié dans aucun de ces cas mais le diagnostic a été retenu sur un faisceau d’arguments :

- Le terrain : patient âgé de 82 ans dans le premier / femme enceinte dans le second cas;

- La triade classique : fièvre, raideur de la nuque et troubles de conscience ou céphalées ;

- La prédominance de PNN.

Les 2 patients ont été mis sous amoxicilline et gentamicine avec une bonne évolution.

Rappelons qu’un cas de méningite à la fois listérienne et tuberculeuse a été cité plus haut.

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2. Brucellose

La brucellose est une zoonose majeure fréquente dans le monde, touchant plus de 500 000 cas par an. Le germe qui en est responsable est un Gram négatif appartenant au genre Brucella. Plusieurs espèces sont décrites dont les plus fréquentes sont B. abortus et B. melitensis. La prévalence de la maladie peut atteindre dans les pays méditerranéens 10/100 000 habitants [61]. C'est une maladie à déclaration obligatoire reconnue comme maladie professionnelle pour les individus au contact de ruminants infectés ainsi que pour le personnel de laboratoire [62]. La transmission à l'homme se fait principalement par contact direct avec le bétail, en général par voie cutanéo-muqueuse ou indirectement par voie digestive ; la contamination est alors liée aux habitudes alimentaires (lait cru, fromage frais, crème non pasteurisée). La contamination interhumaine est exceptionnelle [63].

L'atteinte du système nerveux est rare dans la brucellose avec une grande diversité des modes de présentation clinique [64]. La fréquence des manifestations neurologiques de la brucellose (neurobrucellose) ne dépasse pas 10% des cas [63, 64]. Il peut s'agir de méningite, de méningo-encéphalite aiguë ou chronique, d'hypertension intracrânienne, de méningomyélite, de compression médullaire par spondylodiscite, de syndrome cérébro-vasculaire, d'atteinte de nerfs crâniens ou de polyradiculonévrite.

Le traitement de la neurobrucellose doit être précoce, basé sur des antibiotiques ayant une bonne diffusion à travers la barrière hématoencéphalique et en intracellulaire [65]. Les antibiotiques les plus actifs sont les aminosides (streptomycine et gentamicine), les tétracyclines, la rifampicine, et les fluoroquinolones [63]. L'association d'au moins deux antibiotiques est la règle

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pendant une durée minimum de trois mois [61]. Les deux associations les plus utilisées sont : rifampicine/triméthoprime-sulfaméthoxazole ou rifampicine/doxycycline [64].

Aucun cas de neurobrucellose n’a été retrouvé dans notre série.

D. Méningite à cryptocoques

1. Aspects épidémiologiques et cliniques

La cryptococcose est une affection fongique cosmopolite grave, due à une levure encapsulée Cryptococcus neoformans [66]. Cette levure est présente dans l’environnement et sa porte d’entrée principale dans l’organisme est la voie respiratoire. Sa gravité est liée à son tropisme pour le système nerveux central. Elle affecte généralement les sujets ayant un déficit de l’immunité cellulaire sévère et en particulier, les patients infectés par le VIH dont le nombre de cellules CD4 est inférieur à 100 cellules/μl [67]. Cette population représente la majorité de la charge mondiale de morbidité de cette entité. D'autres états d’immunosuppression, à savoir la corticothérapie au long cours, les transplantations d'organes [68] et la défaillance multi-viscérale sont des facteurs de risque mais à un moindre degré [69]. La cryptococcose neuroméningée chez les patients séronégatifs sans facteurs de risque classiques, en particulier avec Cryptococcus neoformans var gattii, est de plus en plus reconnue [70].

La cryptococcose était sporadique avant l’apparition de l’infection à VIH, puis son incidence a considérablement augmenté depuis 1980. La répartition mondiale de la cryptococcose neuroméningée reflète celle de la pandémie de VIH, la majorité des cas se produisant en Afrique subsaharienne. Dans les pays africains à haute prévalence du VIH, Cryptococcus neoformans constitue la

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principale cause de méningite lymphocytaire chez les patients vivants avec le VIH. Son incidence varie entre 15 et 35 %, élevée par rapport à celle rapportée par certaines équipes anglo-saxonnes (2 à 10 %). Elle est inaugurale de l’infection par le VIH chez 29 % des patients et définit le stade SIDA chez 58 % des patients. Différentes études ont démontré une diminution significative de l’incidence de la cryptococcose après l’ère des thérapies antivirales. Cependant, malgré l'amélioration de l'accès au traitement antirétroviral, on estime que 100 000 à 200 000 décès par an peuvent être attribués à la cryptococcose.

Bien que la cryptococcose affecte tous les sites du corps, la présentation la plus courante est une méningo-encéphalite, qui est plus aiguë chez les patients infectés par le VIH. Le diagnostic de la cryptococcose neuro-méningée repose sur la mise en évidence de levures capsulées à l’examen microscopique du liquide céphalorachidien, sur la détection de l’antigène polysaccharidique capsulaire dans le sérum ou le liquide céphalorachidien, mais surtout sur la culture. Un bilan d’extension est toujours indispensable. Le pronostic est sévère. Le contrôle de l’hypertension intracrânienne est un élément majeur du pronostic [71].

Une étude portant sur 40 cas de cryptococcose neuro-méningée a été réalisée au laboratoire de parasitologie de l'hôpital Ibn Sina de Rabat sur une période de 21 ans (1993 à 2014) [72]. 35 patients étaient infectés par le VIH, deux patients étaient apparemment immunocompétents et 3 patients immunodéprimés non VIH. Cette série incluait 30 hommes et 10 femmes. L'âge moyen des patients était de 38 ans. La cryptococcose neuro-méningée était révélatrice de l'infection par le VIH dans 13 cas. Dans 22 cas, elle a représenté une complication du SIDA. 27 patients ont été traités par monothérapie à base de fluconazole. L'Amphotéricine B a été utilisée chez 13 patients. L'évolution a

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été favorable pour 13 patients (32,5%) et trois cas ont connu une complication (7.5%). 18 patients sont décédés (45%) et 6 ont été perdus de vue (15%).

Dans une étude gabonaise menée par Ondounda et al. [73], 11 cas de cryptococcose ont été identifiés sur un total de 290 patients atteints du SIDA. L'âge moyen des patients était de 39 ans. La principale manifestation clinique était des céphalées isolées ou associées à d'autres signes cérébraux. Dans tous les cas, l’analyse du liquide céphalorachidien a mis en évidence un aspect clair ; l'examen direct après addition d’encre de Chine a révélé la présence de levures encapsulées identifiées comme cryptocoques. Les patients ont été traités avec de l’amphotéricine B et du fluconazole. Le taux de mortalité était de 81,8% (9/11 cas).

2. Recommandations thérapeutiques

Le traitement initial de la méningite cryptococcique associée au VIH implique une phase d'induction de 14 jours avec une association d'amphotéricine B à la dose de 1 mg/kg/j et de flucytosine à la dose de 100 mg/kg/j [74]. Pour les patients non infectés par le VIH, la durée d'induction recommandée est plus longue, jusqu'à 4 à 6 semaines [75].

Les formes liposomales d'amphotéricine, par exemple AmBisome, sont moins enclines à induire des lésions rénales et une perte d'électrolytes par rapport à l’amphotéricine B. Cela peut être important dans le contexte d'un traitement d'induction plus long et chez les patients qui prennent simultanément des immunosuppresseurs néphrotoxiques tels que la ciclosporine ou le tacrolimus, qui sont souvent poursuivis lors de la phase d'induction. Dans les populations où les facteurs de risque de lésions rénales sont plus faibles, les preuves suggèrent que l'amphotéricine B est tout aussi efficace [76].

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L'administration d'un litre de solution saline normale à 0,9% par jour en plus des besoins hydriques habituels, ainsi qu'une supplémentation systématique en potassium (60 mEq/j) et en magnésium (16mEq/j), réduisent les effets indésirables rénaux [77]. Cependant, l'anémie associée à l'amphotéricine B reste préoccupante, en particulier lorsque les possibilités de transfusion sanguine sont limitées [78].

L'utilisation de flucytosine est bien tolérée à 100 mg/kg/j pendant 2 semaines et est associée à une réduction significative de la mortalité [74]. Cependant, elle peut également être associée à une aplasie médullaire et une réduction de la dose peut être nécessaire dans le contexte d'une insuffisance rénale importante. En cas d’indisponibilité de la flucytosine, le fluconazole à la dose de 800-1200 mg par jour par voie orale peut être un complément alternatif à l'amphotéricine B [79] ; bien que son efficacité soit encore en cours d'évaluation.

L'augmentation de la pression intracrânienne pendant le traitement est associée à de mauvais résultats et se manifeste par une accentuation des céphalées, des troubles de conscience et des vomissements. La gestion de la pression intracrânienne par drainage thérapeutique du LCR améliore les résultats pour les patients [80] et contribue surtout à soulager les céphalées.

La dexaméthasone et l'acétazolamide en tant que traitements d'appoint pour l'augmentation de la pression intracrânienne dans la méningite cryptococcique n'ont montré aucun avantage dans les essais cliniques [81 ; 82].

Le fluconazole (400-800 mg par jour pour les adultes) est recommandé pour la phase de consolidation (pendant huit semaines après la phase d’induction) et pour la phase d’entretien (200 mg par jour pour les adultes) [83].

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3. Dans notre étude

Dans notre série, Cryptococcus neofomans a été isolé chez 3 patients sur 22 (13,64%) ; dont 2 patients VIH chez qui la cryptococcose neuro-méningée était révélatrice de l’infection par le VIH, et un patient qui était sous corticothérapie au long cours. Les trois patients étaient de sexe masculin, leur âge moyen était de 36 ans. Les manifestations cliniques chez nos patients sont atypiques. Les 2 patients VIH présentaient :

 Des céphalées isolées dans un cas ;

 Une fièvre à 39°C, raideur méningée et trouble de la conscience avec GCS à 9/15 dans le deuxième cas.

Quant au patient sous corticothérapie au long cours, il présentait à l’admission une fièvre à 39°C, céphalées, photo-phonophobie et raideur méningée.

Les anomalies du LCR étaient une hyperprotéinorachie (66,66%), une hypoglycorachie (66,66%) et une cytorachie positive, avec prédominance de lymphocytes chez 2 patients/3 ; et de PNN chez 1 patient/3. L’examen direct du LCR avec coloration à l’encre de chine a objectivé la présence de levures encapsulées identifiées par la suite comme cryptocoques.

Nos trois patients ont été mis sous l’association amphotéricine B + fluconazole. La tolérance était mauvaise chez 2 de nos patients avec installation d’une insuffisance rénale et d’une cytolyse hépatique chez l’un ; et d’une insuffisance rénale puis de crises convulsives chez l’autre.

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L’évolution était favorable chez 2 patients. Le troisième patient, qui présentait comme facteur de risque de complication la prise de corticoïdes au long cours, est décédé.

Étant donné que les manifestations cliniques de la cryptococcose au cours du SIDA ne sont pas spécifiques, un dépistage systématique est recommandé chez les patients infectés par le VIH avec un taux de CD4 inférieur à 100/mm3. Par ailleurs, la corticothérapie constitue un facteur de risque de complication des infections fongiques en général ; et de la cryptococcose neuro-méningée en particulier. Un traitement précoce pourrait réduire la mortalité.

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