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C. Le contexte géopolitique et l'approvisionnement en médicaments au Canada

2. Arrivée du quinquina en Espagne, à Cadix

Cadix était à cette époque (1750) la plus célèbre ville commerciale d’Espagne, ainsi qu’une des plus considérables d’Europe (annexe XXXII). De plus, toutes les marchandises de l’Amérique Espagnole passaient par cette ville, ainsi que toutes celles de l’Europe pour s’y rendre. Deux types de commerces se pratiquaient donc à Cadix.

« Cádiz est l’entrepôt de l’Europe et des Indes espagnoles des deux Amériques ; c’est le marché commun où se font tous les échanges qui constituent le grand commerce que ces deux parties du globes font entre elles…Cádiz a pour ainsi dire le privilège exclusif d’approvisionner les Indes de marchandises, mais ce n’est qu’à titre d’étape où règne un flux et reflux perpétuel de marchandises, de denrées, d’or et d’argent, et des fruits qui vont et viennent aux Indes et en Europe… » Ceci était extrait d’un mémoire de 1762, un témoignage de l’importance de la ville de Cadix dans le commerce entre l’Europe et l’Amérique du Sud. Ce passage était extrait de l’article La colonie française de Cadix au XVIIIe siècle, d’après un document inédit (1777) de Didier Ozanam pour le journal « Mélanges de la casa de

Velásquez », année 1968, volume 4, de la page 259 à 348.

Des années plus tard, vers 1770, d’autres expéditions de botanistes trouvèrent du quinquina dans la région de Nouvelle Grenade. Ce quinquina fut plus facile à envoyer vers l’Europe via le port de Carthagène et de Panama, le trajet ne comprenant pas le passage du cap Horn. Mais Alexander von Humboldt, naturaliste, géographe et explorateur allemand, né en 1769 et mort en 1859, expliquait, par rapport à ce quinquina de Nouvelle Grenade que « les maisons de commerce en Espagne, qui depuis un demi siècle possédaient le monopole du quinquina de Loxa, cherchèrent à faire déprécier celui de la Nouvelle Grenade et du Pérou méridional ».

Au XVIIIe siècle, les Espagnols se concentraient sur l’étude des végétaux américains ayant des vertus thérapeutiques dans le but d’en constituer des monopoles d’Etat, comme c’était le cas pour le quinquina. Ce monopole du commerce international du quinquina par l’Espagne se fit grâce à l’instauration de « régies » appelées estancos. Ces régies étaient installées dans certaines zones de la vice-royauté du Pérou. Elles se destinaient à commercialiser cette drogue sous forme sèche ou sous forme d’extrait. Pour cela, il était nécessaire de pouvoir reconnaître le quinquina du Pérou, le seul ayant une véritable action fébrifuge, évitant les fraudes et falsifications, selon les Espagnols.

132 « Les écorces les plus uniformes sont celles que l’on récolte à Loxa pour la pharmacie royale de Madrid ; on fait cette récolte sous la direction d’un pharmacien instruit, nommé par le roi », expliquait Charles de La Condamine lors d’une de ses expéditions au Pérou.

Il fut mis en place des fermes à quinquina, haciendas, dans les zones géographiques où les meilleures qualités thérapeutiques se retrouvaient et où sa croissance était la plus aisée, afin d’en empêcher sa disparition. L’installation de ces fermes permettait de donner les conseils à suivre concernant la cueillette de l’écorce de quinquina, sur la coupe, le lieu et le moment. Celui venant de la vice-royauté de Nouvelle Grenade essuya de nombreuses critiques par rapport au quinquina venant du Pérou. Certains tentèrent d’établir une régie dans cette région afin de commercialiser le quinquina de Nouvelle Grenade, en réplique à la régie péruvienne, mais elle fut suspendue en 1790. Il était jugé moins efficace.

Ce système de ferme-régie (haciendas-estancos) représentait un contrôle important du marché de l’exploitation des plantations de cette écorce. Il entraînait implicitement l’impossibilité pour les habitants du Pérou d’exploiter et de commercialiser cette drogue puisqu’il interdisait la coupe du quinquina en dehors du contrôle des régies. Cette interdiction découlait de la crainte de voir s’épuiser les réserves naturelles de cet arbre.

De nombreux natifs Américains étaient contre ce système de contrôle, expliquant que l’argent gagné grâce à cette plante permettrait de faire vivre la population. Ils mettaient également en avant le fait que la crainte des Espagnols concernant l’épuisement était infondée vu leur végétation très luxuriante. De plus, ils prônaient l’équivalence sur le plan thérapeutique de tous les quinquinas de Loxa, quelques fut leurs origines. Enfin, ils dénonçaient le fait que le profit pour l’Espagne n’était qu’illusion car l’augmentation des prix était prévisible, la quantité circulante de quinquina était insuffisante, et que la contrebande et la corruption ne cessaient d’augmenter.

D’autres, contrairement, votaient pour ce système. Ils mettaient en avant le fait que si les exploitations de quinquina venaient à être régies par des entreprises privées, il y avait un grand danger pour que la production disparaisse. Ils estimaient ce risque trop grand.

Ce monopole de l’Espagne sur le quinquina prit fin avec le déclin de l’empire Espagnol et l’indépendance des pays d’Amérique du Sud.

Après sa traversée du cap Horn ainsi que celle de l’Océan Atlantique, le quinquina arrivait en Europe, au port de Cadix, une des plus grandes villes commerciales d’Europe. A

133 Cadix étaient implantés des négociants de tous pays, France, Hollande, Allemagne …pour relier les commerces de la ville d’Espagne et de leur pays respectif. Les négociants français venaient de Lyon, Rouen, La Rochelle, Bordeaux…