• Aucun résultat trouvé

3. ENTRE POLITIQUES MIGRATOIRES ET POLITIQUES DE SANTÉ :

3.1 E MIGRATION ET IMMIGRATION : LES TRAJECTOIRES

3.1.3 Arrivée et prise en charge en Suisse

Indépendamment de la manière dont les requérants sont entrés en Suisse, ils doivent tous se présenter dans l’un des quatre centres d’enregistrement, les CERA (Centre d’Enregistrement des RA) dont la gestion a été confiée à l’Office fédéral des réfugiés (ODR). Ces centres sont les points d’enregistrement obligatoires par lesquels tous les requérants doivent transiter s’ils désirent déposer une demande d’asile (l’alternative en l’absence de visa d’entrée étant un séjour illégal). Ils y sont soumis à une audition au cours de laquelle ils doivent présenter sommairement leurs motifs d’asile et leur contexte personnel et familial. Parallèlement, ils

sont pris en photo et leurs empreintes digitales sont relevées. Soit la demande est rejetée dès cette étape et la décision de renvoi exécutée, soit les requérants sont attribués à des cantons, en fonction de quotas définis à l’échelle nationale, pour y séjourner dans l’attente de la poursuite de la procédure. En principe, la procédure au centre d’enregistrement dure cinq à dix jours33, en pratique il peut arriver qu’elle se prolonge plusieurs semaines.

Globalement, la prise en charge à ce niveau-là est ressentie par nos interlocuteurs de manière mitigée. D’un côté, les conditions d’accueil laissent de bons souvenirs : un premier rapport chaleureux et un soulagement intense après les angoisses du voyage. Là les réfugiés se savent enfin dans un lieu sécurisé :

Elle a ensuite été amenée à la demande de sa famille par un ami motorisé au Centre d’enregistrement de Genève, où le contrôle médical obligatoire a révélé ses gros problèmes de santé. Ce contrôle de santé représente une grande importance pour la dame, car « ils se sont occupés du mieux qu’on puisse de moi » nous raconte une requérante originaire de Bosnie.

Signalons à ce propos que d’après l’article 12 de la Constitution fédérale, toute personnes se trouvant dans une situation de détresse a droit à une aide de première nécessité. Celle-ci comprend un toit, de la nourriture, des vêtements, une prise en charge médicale de base ainsi que l’encadrement nécessaire. A ce jour, il n’existe cependant pas de loi d’application de cette disposition constitutionnelle, de sorte que sa concrétisation dépend largement de la façon dont elle est mise en œuvre dans le domaine de l’asile.

Parfois, les requérants considèrent au contraire que la prise en charge souffre d’un manque certain de prise en considération de leur personne. Comme nous l’expliquent ces requérants :

Ils sont arrivés au CERA de Chiasso où ils sont restés 5 jours. La nuit, il y avait les chiens des sécuritas qui faisaient la ronde et effrayaient les enfants.

Ou encore

Les conditions d’accueil en Suisse [à Kreuzlingen] n’étaient pas bien : le premier jour où elle est arrivée, elle a dû rester quatre heures sous la pluie avec son bébé. Ensuite elle s’est retrouvée dans une petite chambre. Elle n’avait pas de lait à donner à son bébé et elle a dû lui donner de l’eau des toilettes. Une fois enregistrée, le 2e jour, ça allait mieux.

Dans leur canton d’attribution, les requérants sont placés sous la tutelle des organes chargés par l’autorité cantonale de l’accueil et du suivi des personnes. Dans le canton de Vaud, depuis juillet 1994, la FAREAS est la fondation désignée pour cette fonction. Elle est chargée de leur fournir un encadrement social, une assistance matérielle de base, des mesures d’accompagnement telles que des cours de français ou une formation ainsi qu’une aide au retour. La fondation gère un parc immobilier dans lequel elle répartit les requérants en fonction des disponibilités et de différents critères tels que âge et situation familiale (personnes seules, familles, etc.). En 2003, la FAREAS disposait de 15 centres d’hébergement, 4 abris de protection civile et 2’050 appartements pour loger quelque 8’700 RA34 Si, comme nous l’avons vu plus haut, l’attribution d’un logement privé est loin d’être assurée et le séjour dans les logements collectifs que sont les centres d’hébergement et les

33http://www.asyl.admin.ch/franz/asyl3f.htm

34FAREAS, La Fareas en deux minutes, 10 février 2003.

abris PC est souvent pénible, a posteriori les requérants interrogés sur leur parcours avouent néanmoins un sentiment de réconfort ressenti à ce moment-là. Ainsi, des personnes en provenance du Kosovo nous disent avoir été

Transférés à Lausanne où ils ont reçu un accueil chaleureux, touchant. On leur a donné de l’argent pour de la nourriture, des habits ainsi qu’un appartement. Là ils ont pris une douche, ils ont mangé. Et on leur a dit : « maintenant, vous pouvez vous reposer ».

Une fois passés les examens du CERA, l’installation en Suisse correspond donc à un long processus, au cours duquel les requérants vont vivre de nombreux déménagements d’un centre à l’autre tout en restant dans l’incertitude d’obtenir une régularisation de leur statut. Voici par exemple la trajectoire d’une famille de requérants tchétchènes (arrivée en Suisse en 2000) significative de cet état de fait :

De Zurich où ils sont arrivés, elle (la fille qui nous rapporte ici son expérience) est allée à Kreuzlingen. Avec sa mère, elle a dormi dans une grande chambre où il y avait seize autres RA. Son père et son frère étaient dans une autre pièce. Ils passaient la journée ensemble et se séparaient pour la nuit. Après ce passage en Suisse allemande, ils ont été transférés dans le canton de Vaud, d’abord à Lausanne, puis à Bex. Ils ont passé dix-huit mois à Bex dans le centre de requérants, endroit où la famille a vécu dans deux chambres. Après ce temps ils ont déménagé à Clarens dans l’appartement qu’ils occupent actuellement.

Information

Le dernier point qui nous paraît essentiel au bon déroulement de l’installation en Suisse, concerne les informations que les requérants reçoivent sur leurs droits et devoirs.

En regard des difficultés endurées tout au long de l’exil, il ressort que peu de personnes ont prêté attention à ce qui leur était communiqué lors des formalités d’entrée, ou en tout cas n’en ont gardé qu’un vague souvenir. Les problèmes de langue et de traduction très fréquents à l’arrivée, cumulés au stress des auditions, relègue ces événements dans un flou total. Pour quelques-uns, ces formalités pouvaient aussi paraître secondaires face à leurs priorités qui étaient plutôt d’ordre sécuritaire ou sanitaire :

Elle ne se souvient pas qui leur a donné des informations sur leur situation de réfugiés, ni quand. Elle était très préoccupée par son mari et on lui a alors dit qu’elle devait s’occuper de lui, nous rapporte une Ethiopienne.

Certains requérants sont encore sous le choc de la guerre et n’ont pas l’attention requise, ni pour emmagasiner les données utiles à leur futur parcours en Suisse, ni pour répondre aux questions de l’enregistrement. D’autres ne se rappellent pas ou nous disent ne pas avoir reçu d’informations à ce sujet, demeurant alors ignorants de leurs droits et obligations :

Au début, nous dit un Somalien, il ne se rappelle pas vraiment des informations qu’il a reçues ni par qui, seulement qu’on l’a rendu attentif sur le fait qu’il ne pouvait pas travailler durant les trois premiers mois, ainsi que de quelques renseignements concernant le permis N. Il se demande aujourd’hui (après une dizaine d’années passée en Suisse) quels sont ses droits.

Selon lui, l’information à ce niveau-là n’est pas satisfaisante.

Le plus souvent, ces lacunes commencent à être comblées peu à peu, au fil des rencontres avec des compatriotes qui les ont précédés dans l’asile et partagent avec eux leurs expériences. Un requérant de Bosnie nous dit :

Il ne se souvient pas des auditions à son arrivée. Au Centre de Bex, il ne se souvient pas de ce que l’assistant social lui a dit, il ne comprenait pas non plus. Il dit avoir tout appris des compatriotes. Il dit qu’ils ont été très bien accueillis en Suisse.