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1) Régulation de l’expression des inhibiteurs du cycle cellulaire p21 et p16.

D’une manière générale, l’entrée en sénescence est la conséquence de dommages de l’ADN. L’induction de cette voie est responsable de l’activation d’ATR et ATM. Ces kinases activent ensuite Chk1 et Chk2 respectivement. En conséquence, p53 est phosphorylé sur la sérine 15 et 20. Ces modifications post- traductionnelles l’empêchent d’interagir avec l’E3 ubiquitine ligase Mdm2 responsable de sa dégradation. Ceci permet l’accumulation de p53 et augmente sa capacité à activer la transcription de ses gènes cibles 63–65.

Les acteurs clé de cette voie sont alors indispensables à l’entrée en sénescence 10,28,31,33. L’une des cibles de

p53, PML promeut son acétylation sur la lysine 382 par l’acétyltransférase CBP suivant la surexpression de l’oncogène Ras. Cette modification post-traductionnelle augmente son activité transcriptionnelle et favorise ainsi l’établissement de la sénescence 66,67. L’expression de p53 est également régulée par la protéine de

polyadénylation CPEB. Elle favorise la traduction de p53 par la polyadénylation de son ARN messager. L’expression de cette protéine est indispensable à l’entrée en sénescence réplicative de fibroblastes humains diploïdes 68. P53 une fois accumulée et activée induit l’expression de p21 69,70. Ces deux protéines sont

essentielles à l’activation du processus sénescent. Un défaut d’expression de l’une d’elles est responsable d’un contournement de l’état sénescent ou bien d’une entrée privilégiée en apoptose 53,71–74. La voie p53-p21

constitue dès lors une voie suppressive majeure permettant la mise en place de la sénescence. L’expression de p21, bien que majoritairement régulée par p53 peut également être induite indépendamment de celui-ci. En effet, dans le cadre de la sénescence oncogénique médiée par H-RasV12 de cellules épithéliales mammaires

humaines, l’expression de p21 requiert celle du récepteur de type II du TGFβ 75. Par ailleurs, elle peut être

régulée directement par Chk2. Dès lors, la simple surexpression de cette kinase est suffisante à induire une entrée en sénescence de cellules tumorales pulmonaires 76.

Une caractéristique fondamentale de ce mécanisme de suppression tumorale est l’arrêt prolifératif et sa persistance malgré la présence de signaux mitogéniques. En plus de p21, l’arrêt prolifératif requiert l’action de p16. L’expression de cet inhibiteur du cycle cellulaire est promue par ETS1 et ETS2 dont l’activité est induite par la kinase MEK. Ces deux facteurs de transcription se fixent sur le promoteur de p16 et favorisent ainsi sa transcription. L’inhibition de MEK dans les fibroblastes surexprimant Ras empêche l’induction de p16. A l’inverse, la protéine Id1 réprime transcriptionnellement l’expression de cet inhibiteur du cycle cellulaire. Ainsi, les fibroblastes en sénescence réplicative surexpriment ETS1 et ont une expression réduite

d’Id1 77. P16 est également finement régulée au niveau épigénétique par la protéine du complexe répresseur 2

des Polycomb (PRC2), EZH2. Celle-ci réprime transcriptionnellement p16 par la tri-méthylation de la lysine 27 de l’Histone H3 (H3K27me3) de son promoteur. Cette marque épigénétique est nécessaire au recrutement de la protéine du complexe répresseur 1 des Polycomb (PRC1), BMI1 qui est responsable de la répression transcriptionnelle de p16 78,79. A l’inverse, l’histone déméthylase JMJD3 retire la marque répressive générée

par EZH2 ce qui permet d’augmenter l’expression de cet inhibiteur du cycle cellulaire. Par ailleurs, en promouvant la déméthylation du locus INK4A-ARF, JMJD3 favorise également l’expression de p14ARF située

sur le même locus que p16 80. Cette protéine suppressive promeut la stabilisation de p53 en empêchant sa dégradation par Mdm2. Plus précisément, p14ARF interagit avec Mdm2 et induit sa séquestration nucléolaire 81–86. Dans les fibroblastes embryonnaires murins, l’inhibition de JMJD3 réduit l’expression de p16 et p19ARF

(p14ARF chez l’Homme)et induit ainsi leur immortalisation 80.

L’expression p16 et p21 est également promue par la kinase p38MAPK. Plus particulièrement, les isoformes p38α et p38γ sont activés suivant la surexpression de l’oncogène Ras. P38γ est nécessaire à l’induction de p16 dans ce contexte. Quant à lui, p38α active p53 en le phosphorylant sur la sérine 33 ce qui augmente l’expression de p21. Dès lors, la déplétion de p38α ou p38γ boque l’entrée en sénescence oncogénique 87.

Ainsi, l’entrée en sénescence s’accompagne de l’accumulation de dommages de l’ADN activant le facteur de transcription p53 responsable de l’expression de p21. Également, la protéine suppressive de tumeur p16 est induite. L’expression de p21 et p16 constitue une caractéristique des cellules sénescentes qui est mise à profit pour leur identification. Cependant, ces deux inhibiteurs du cycle cellulaire ne sont pas seulement des marqueurs l’état sénescent. Effectivement, elles sont nécessaires à la mise en place et au maintien de ce mécanisme suppressif (Figure 6).

Figure 6 : Voies impliquées dans la régulation de l’expression de p53, p21 et p16.

Les acteurs de la voie de dommages de l’ADN stabilisent et activent p53 par phosphorylation. L’activité et le niveau de p53 sont également régulés par la protéine suppressive de tumeur p14ARF qui empêche la dégradation de ce facteur de transcription en séquestrant Mdm2 dans le

nucléole. En conséquence, p53 active l’expression de certains de ces gènes cibles impliqués dans la sénescence tels que p21 et PML. L’expression de p16 dépend de l’activation de MEK responsable de l’activation des facteurs de transcription ETS1/2. Cette protéine est également régulée épigénétiquement par JMD3 qui retire les marques épigénétiques répressives générées par EZH2 ce qui limite le recrutement du répresseur transcriptionnel BMI1 au niveau du promoteur de p14ARF et de p16.

2) Inhibition de la prolifération par le blocage de l’activité des complexes Cycline/Cdk : Rôle de p21 et p16

Les protéines p21 et p16 bloquent le cycle cellulaire en se fixant aux complexes Cycline/Cdk inhibant ainsi leur activité nécessaire à la division cellulaire. Alors que p21 limite l’action de l’ensemble des complexes Cycline/Cdk, p16 bloque spécifiquement le complexe Cycline D/Cdk4/6 88,89. La fonction de p21 sur ce

complexe est liée à son niveau d’expression. En faible quantité, elle participe directement au bon assemblage du complexe Cycline D/Cdk4 et favorise ainsi son action. A l’inverse, lorsque cette protéine est surexprimée elle bloque l’activité de ce complexe 90. Par ailleurs, p21 inhibe également le processus prolifératif en

interagissant avec la protéine réplicative PCNA 91,92. L’augmentation de son expression intervient durant

inhibiteurs de Cycline /Cdk (Cdkis) p15 et p27 sont également impliqués dans la régulation de la sénescence. L’expression de p15 est induite comme p21 par la voie du TGFβ. Son expression est augmentée dans les lymphocytes T entrant sénescence réplicative comme celle de p16. L’expression de ces deux inhibiteurs est réduite dans une grande proportion des leucémies lymphoblastiques de l’enfant. Ceci suggère que p15 et p16 ont un rôle effectif dans le maintien de l’état sénescent93. L’expression de p27 est quant à elle indispensable à

l’entrée en sénescence induite par Rb. Sa déplétion réduit le nombre de cellules activant ce mécanisme suppressif 94. Cependant, l’expression de p15 et p27 n’est pas observée dans toutes les cellules sénescentes.

Elle semble davantage dépendre du type de stimuli alors que celle de p21 et de p16 est plus redondante et retrouvée dans la grande majorité des cellules sénescentes.

3) Maintien de l’arrêt prolifératif : Activation de pRb

Les protéines d’arrêt du cycle cellulaire p21 et p16 bloquent également le cycle cellulaire sur le plus le long terme. En effet, elles empêchent l’hyperphosphorylation inhibitrice des protéines suppressives de la famille de Rb (pRb, p107 et p130) par les complexes Cycline D/Cdk4-6 et Cycline E/Cdk2 95. Une fois activé,

pRb s’associe préférentiellement avec les facteurs de transcription E2F1, E2F2 et E2F3 alors que p107 et p130 s’associent avec E2F4 et E2F5. Lorsqu’elles sont hypophosphorylées ces protéines sont responsables de la répression transcriptionnelle des gènes nécessaires à l’entrée en phase S sous le contrôle d’E2F 96–105. Le rôle

de pRb dans ce mécanisme semble plus important que celui de p107 et p130. En effet, les cellules primaires rentrées en sénescence oncogénique sortent cet état suivant la perte de pRb alors que celle de p107 ou p130 n’est pas suffisante. Par ailleurs, seulement la déplétion de cette protéine permet la réexpression des gènes réplicatifs. Ainsi, dans les cellules sénescentes, pRb semble être majoritairement impliqué dans le maintien de l’arrêt prolifératif 106. Les cellules cancéreuses arborent fréquemment des mutations inactivatrices de ce

suppresseur de tumeur alors que les protéines p107 ou p130 sont très rarement mutées. Ceci suggère que pRb possède une fonction suppressive plus importante que les deux autres protéines de la famille Rb. Cependant, en l’absence de pRb, l’expression de p107 devient indispensable à l’entrée en sénescence induite par l’irradiation 107.

Par ailleurs, pRb renforce l’expression de p16 en limitant l’expression de son répresseur EZH2. Ceci est la conséquence de l’inhibition des facteurs de transcription E2F1, E2F2 et E2F3 qui sont nécessaires à l’expression de ce membre du complexe PRC2. 78,79. De plus, la voie p16-Rb maintient l’arrêt prolifératif de

manière irréversible en favorisant la production de ROS dans les cellules sénescentes. L’accumulation de ROS est la conséquence de la répression des gènes prolifératifs en présence de signaux mitogéniques. Elle est responsable de l’activation de PKC qui bloque la cytokinèse par la diminution de l’expression de WARTS et

favorise alors le maintien de l’état sénescent 108. Ainsi, la voie p16-Rb s’autoentretient, elle est alors nécessaire

à la maintenance de la sénescence contrairement à la voie suppressive p53-p21 qui est impliquée dans son entrée. Cependant, ces deux voies suppressives s’associent pour limiter le processus de tumorigénèse. En effet, l’échappement induit par la perte de Rb est limité par l’augmentation de l’expression de p53 et p21. Dès lors, la perte de Rb associée à celle de p21 entraine un échappement majeur à la sénescence 106. Ce résultat souligne

l’importance de ces voies et le fait que le défaut d’une d’entre elles peut être partiellement compensé par l’activation de l’autre.

Ainsi, les voies suppressives p53-p21 et p16-Rb sont activées dans les cellules sénescentes. La première est davantage impliquée dans l’établissement de ce mécanisme suppressif alors que l’autre est nécessaire à son maintien. Ces deux voies inhibent les Cyclines/CDK et permettent l’activation de pRb. Cette protéine suppressive maintien l’état sénescent en renforçant l’expression de p16 et en inhibant l’activité des facteurs de transcription E2F nécessaires à l’expression des gènes impliqués à la réplication de l’ADN (Figure 7).

Figure 7 : Rôle de p21 et de la voie p16-Rb dans l’inhibition de la prolifération.

Les inhibiteurs du cycle cellulaire p21 et p16 empêchent l’hyperphosphorylation inhibitrice de Rb par les complexes Cycline D/Cdk4 et Cycline E/Cdk2. En conséquence, pRb se fixe à E2F1/2/3 et empêche l’expression des gènes prolifératifs sous leur contrôle. Cette protéine inhibe alors l’expression d’EZH2 ce qui limite l’hyperméthylation du promoteur de p16 et sa répression par BMI1 augmentant alors le niveau de cette protéine. Par ailleurs, l’inhibition des gènes prolifératifs en présence de signaux mitogéniques induit l’accumulation de ROS ce qui réduit l’expression de WARTS et bloque la cytokinèse.