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L’activité de l’ARN Polymérase III module la stabilité de l’état sénescent et contribue à la progression tumorale

La stabilité de la sénescence n’est pas seulement régulée d’un point de vue transcriptionnel, elle l’est aussi d’un point de vue traductionnel. Il est connu que le défaut de biogénèse ribosomale et le détournement de fonction de protéines comme RSP14 et RPL22 sont des acteurs importants dans la stabilité de l’état sénescent 176,180. Nous avons observé durant cette thèse que la pérennité de ce mécanisme suppressif est

également modulée par le niveau d’expression des protéines intervenant dans la biogénèse des ARN de transfert. Effectivement, nous avons constaté que l’expression des ARNt est diminuée dans les cellules sénescentes et que cet état est associé à une réduction significative de la fixation de l’ARN Polymérase III sur ces gènes. A l’inverse, l’expression d’ARNt spécifiques est réinduite au cours de l’émergence de cellules persistantes. Dans ce contexte, nous avons observé que la déplétion d’un membre du complexe TFIIIB, la protéine Brf1 qui est nécessaire à l’activité de l’ARN Polymérase III maintient l’état sénescent. En conséquence, l’échappement à la chimiothérapie est considérablement réduit. Ainsi, l’efficacité de la suppression semble associée à une réduction de l’activité de cette enzyme. En accord avec cette hypothèse, de nombreuses protéines suppressives comme pRB295–297, p107298, p130298, PTEN299, p53300–302, ARF303 et

BRCA1304 inhibent son action. De manière intéressante, certaines d’entre elles comme p53 et ARF sont

également impliquées dans la mise en place de l’Apoptose. Dès lors, il pourrait être envisagé que la réduction de l’activité de cette enzyme ne soit pas restreinte aux cellules en sénescence chimiothérapeutique mais également à celle mourant par apoptose. Par ailleurs, nous avons vu dans l’introduction que la sénescence se met également en place en conséquence de l’érosion télomérique ou suivant la surexpression d’oncogènes. L’activité de l’ARN Polymérase III pourrait alors être réduite de manière plus générale dans les différentes formes de sénescence. Dans cette situation, cette diminution pourrait constituer une nouvelle caractéristique des cellules sénescentes et être nécessaire à la pérennisation de l’arrêt prolifératif.

Contrairement aux protéines suppressives, celles exerçant des fonctions oncogéniques augmentent l’activité de ce type d’ARN Polymérase. En effet, c-myc305, ERK306, Ras307, EGF308, TERT309 et

mTOR267,268,310 favorisent l’action de cette enzyme. Ainsi, dans des cellules tumorales caractérisées par

l’inactivation partielle de voies suppressives et l’expression d’oncogènes 238, la diminution de cette activité

devrait être plus limitée que dans les cellules primaires. Un des objectifs de cette thèse a été de pouvoir définir une hétérogénéité de sénescence permettant de caractériser différents niveaux de « profondeur » de l’état suppressif. La stabilité de l’état sénescent pourrait être évaluée par l’activité de l’ARN Polymérase III. Les cellules avec la plus faible activité Polymérase III seraient alors plus profondément ancrées dans l’état suppressif que les cellules sénescentes présentant une plus forte activité de cette enzyme.

L’activité de l’ARN Polymérase III est accrue dans de nombreuses tumeurs, entrainant une augmentation de ses gènes cibles tels que les ARN de transfert 311. Effectivement, les tumeurs mammaires

sont notamment caractérisées par une augmentation de l’expression de ce type d’ARN 312. De même, une

surexpression des membres du complexe TFIIIC2 est constatée dans les cancers ovariens 313. L’augmentation

de l’activité de l’ARN Polymérase III est également due à la surexpression de ses sous unités 314 ou de BRF1315.

Il a également été observé que l’ARN Polymérase III est directement impliquée dans le processus tumorigénique. Effectivement, son inhibition par le Triptolide réduit significativement la tumorigénèse colorectale dans un modèle murin. In vitro son inhibition réduit la viabilité de cellules tumorales colorectales

316. Cette enzyme coopère par ailleurs avec des oncogènes tels que Myc pour la génération de cellules

transformées. En effet, la surexpression de Myc favorise la croissance en conditions de faible adhérence et la formation de tumeurs in vivo chez la souris. En l’absence de BRF1 ce phénomène est significativement réduit

317. De même, ce cofacteur de l’ARN Polymérase III est directement impliqué dans la tumorigénèse hépatique

induite par l’alcool. Effectivement, sa déplétion limite drastiquement la transformation de cellules hépatiques par l’éthanol 315. L’activité de l’ARN Polymérase III est également favorisée par la perte de protéines

suppressives. Effectivement, son activité est accrue en présence des oncoprotéines virales du virus SV40318. D’autre part, la surexpression de la sous-unité RPC32α de cette enzyme potentialise la transformation de fibroblastes primaires induite par les oncoprotéines E6 et E7 314. Dès lors, l’augmentation de l’activité de

l’ARN Polymérase III pourrait contribuer au processus tumorigénique en favorisant l’échappement à la sénescence.

La fonction de l’ARN Polymérase III a également été étudiée une fois que l’état tumoral est établi. Pour cela, la sous unité POLR3G a été déplétée dans des cellules tumorales prostatiques. En conséquence leur capacité proliférative est significativement réduite 319. De même, la déplétion de RPC32α diminue la capacité

de croissance en conditions de faible adhérence de cellules tumorales colorectales 314. Ce phénomène est

également observé avec des cellules tumorales mammaires suivant la déplétion de BRF1320 Dès lors, en plus

nécessaire au maintien du phénotype tumoral. Ainsi, dans les cellules en sénescence chimiothérapeutique, la réduction de l’activité de cette enzyme permettait de maintenir l’état sénescent. Le faible niveau d’expression des ARNt serait alors incompatible avec la reprise d’une prolifération incontrôlée et la génération de cellules émergentes. Une étude montre en effet que l’activité de cette enzyme module l’efficacité de traitements génotoxiques. La déplétion du répresseur de l’activité de l’ARN Polymérase III, Maf1, favorise la résistance à la Doxorubicine. A l’inverse, la perte de Brf1 accroit l’efficacité de ce traitement génotoxique 321.

Ainsi, en fonction de l’expression des oncogènes et des protéines suppressives, l’activité de l’ARN Polymérase III ne sera pas forcément la même d’une cellule sénescente à l’autre. Au vu de sa fonction dans le soutien du phénotype tumoral et dans le processus tumorigénique, il est envisageable que son niveau d’activation puisse contribuer à la génération d’une hétérogénéité de sénescence. L’analyse de cette activité pourrait permettre à l’avenir d’appréhender la stabilité de ce mécanisme suppressif.

B. La surexpression d’ARN de transfert spécifiques favorise la progression tumorale ?