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Les archives numérisées dans la toile et la toile comme archive numérisée.

Outre les différentes formes d’usage du passé que la toile nous offre, ce sont aussi les objets, les ressources, les matériaux, les banques de données qui surtout s’accumulent dans la toile d’histoire contemporaine et même parfois constituent la motivation prépondérante du type de communication utilisée avec le visiteur du site. Dans ce domaine, les banques de donnée qui proposent différents types de contenus bibliographiques, heuristiques, sommaires de revues électroniques, documents et sources, sont certainement au centre de l’attention de la majorité des sites qui, tout en ne procédant pas spécifiquement de l’histoire dans la toile, offrent toutefois divers types d’informations très utiles pour qui entend faire de l’histoire contemporaine. Les informations qui se trouvent sur le Web sont certainement susceptibles de manipulations dans le laboratoire de l’historien: le tout est de les récupérer dans le vaste répertoire de sources de la toile que le projet d’étude basé sur des sites italiens à mis en évidence. C’est pour cela que la recherche dans la toile peut être assimilée à celle qui s’effectue dans les archives plus traditionnelles en écartant au profit d’autres documents ce qui n’est pas retenu suffisamment utile à la recherche et aux propos que l’historien entend développer.

L’archiviste Stefano Vitali est aujourd’hui en Italie et en Europe un des spécialistes les plus attentifs à l’usage du Web comme source d’archives numérisées. Il a regroupé en quatre groupes les sites Web d’archives du monde contemporain, ceux qui fournissent des informations sur l’archive physique elle-même, ceux qui offrent des instruments de recherche pour trouver les documents dans les archives physiques et enfin ceux qui

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Les chemins de la mémoire, <http://www.lescheminsdelamemoire.net/>, avec un dossier qui présente le site et le projet ; PATICCHIA (V.), ZURZOLO (P.), « Percorsi della memoria », IBC. Informazioni, commenti, inchieste sui beni culturali, XI, 3, 2003, pp.57- 80.

reproduisent toutes ou seulement une partie de leurs sources sous forme de documents numérisés et qui, parfois, opèrent un choix sélectif de documents et les présentent dans la toile réalisant ainsi une exposition temporaire ou un vrai musée virtuel qui soulignent un parcours historiographique.

La numérisation de l’énorme patrimoine de documents du XXe siècle est bien entendue fragmentée et présente dans de nombreux sites qui sont l’émanation d’institutions d’archives et sont au centre des problématiques les plus importantes du Web d’histoire aujourd’hui comme celles de la conservation de tels matériaux. J’ai déjà parlé des nombreuses photographies qui trouvent place dans les archives numérisées des sites des archives, des bibliothèques ou des institutions culturelles comme les musées, qui en possèdent de nombreux fonds.105 Ces archives qui peuplent

la toile italienne participent des mêmes tendances que certains sites des institutions d’archives qui veulent diffuser leurs patrimoines documentaires dans la toile...106

De ce point de vue, le projet le plus important en Italie est celui des Archives du XX siècle (Archivi del Novecento) qui est géré depuis plus de cinq ans déjà par le BAICR,107 et qui offre aux curieux et aux spécialistes un

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Par exemple la Biblioteca Franco Segantini. Archivio e centro di documentazione di

storia sociale e contemporanea, <http://www.bfs.it/>, pour un exemple clair de fusion des

rôles entre les deux typologies d’institutions voir VITALI (S.), « Archivi e istituti culturali di storia contemporanea », in La Storia a(l) tempo di Internet: indagine sui siti italiani di

storia contemporanea, (2001-2003), cité, pp.79-104).

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À commencer par la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence, qui colabore au projet Minerva de l’Union Européenne pour numériser le patrimoine culturel européen, de nombreuses bibliothèques offrent des projets de numérisation de leurs patrimoines suivant les normes des prédécesseurs comme l’American memory. Digital collections of the

National Digital Library, <http://memory.loc.gov/> ou, en France, le project Gallica bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nazionale de France, <http://gallica.bnf.fr/>-

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B.A.I.C.R.-Consorzio Biblioteche e Archivi Istituti Culturali di Roma,

<http://www.baicr.it/index.htm>. Les fonds d’archive détenus par les institutions culturelles qui adhèrent au projet BAICR sont essentiels pour toute l’étude de l’histoire italienne du XXè siècle. (Accademia Nazionale delle Scienze detta dei Quaranta (ANS); Archivio Nazionale Cinematografico della Resistenza (ANCR) – Ass. Naz. per gli Interessi del Mezzogiorno (ANIMI); Centro Studi Piero Gobetti (CSG); Fondazione Carlo Donat Cattin (FDC); Fondazione di Studi Storici Filippo Turati; Fondazione Ezio Franceschini (FEF); Fondazione Il Vittoriale (FIV); Fondazione Gramsci Emilia Romagna (FGER); Fondazione Istituto Gramsci, Roma (FIG); Fondazione Istituto Piemontese Antonio Gramsci (FIPAG); Fondazione Lelio e Lisli Basso-Issoco (FLB); Fondazione Luigi Einaudi; Fondazione Ugo Spirito (FUS); Galleria Comunale di Arte Moderna-Roma (GCAM); Galleria Nazionale di Arte Moderna (GNAM); Istituto della Enciclopedia Italiana (IEI); Istituto Luigi Sturzo

sommaire descriptif, un index de recherche des très nombreux fonds de l’histoire contemporaine dans les institutions à Rome et dans toutes les institutions du territoire national. Ces institutions se sont fédérées autour d’un objectif commun: offrir la « mémoire du XXe siècle » dans le Web.108

Un tel projet de numérisation de patrimoines « physiques » comme il y en a dans les pays les plus industrialisés, Gallica en France, American Memory aux Etats-unis, n’a rien à voir avec la dimension que revêt, par contre, dans la toile, un événement décisif comme l’attentat contre les tours jumelles de New York, le 11 septembre 2001. Une telle catastrophe semble avoir accéléré les temps mêmes du Web et de l’histoire elle-même comme elle est perçue au travers de la toile. L’événement, on peut certainement l’écrire, participa directement de la toile. Il a été documenté dans la toile en temps réel et il a immédiatement été perçu avec sa valeur décisive, même par les historiens de profession. Ceux-ci l’ont étudié dans des numéros spéciaux des revues historiques les plus cotées afin de réfléchir à ce qui s’était passé et à la compénétration des différents médias qui en avaient rendu compte et qui, tous, finissaient par aboutir à la toile.109 Le Web a subi dès cette date, une

transformation encore plus profonde de ses modalités communicatives immédiates et est devenu depuis lors, un lieu important de la mémoire collective qui se crée autour de la destruction du World Trade Center de Manhattan devenant ainsi une gigantesque archive accessible et ouverte,110

(ILS); Istituto Nazionale di Studi Romani (INSR); Istituto per la Storia della Democrazia Repubblicana; Istituto per le Scienze Religiose (ISR) – Istituto Romano per la Storia Italiana dal fascismo alla resistenza (IRSIFAR); Istituto Storico Italiano per il Medio Evo (ISIME); Istituto Veneto di Scienze Lettere ed Arti (IVSLA); Museo Storico in Trento (MST); Società Geografica Italiana (SGI).

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Le projet Archivi del ‘900-la memoria in rete, né en 1991 sous l’égide du Consortium du BAICR…a comme but la constitution d’un réseau d’archives destiné à mettre en valeur les sources de l’histoire italienne du XXè siècle. Il est né de la conviction que la valeur ajoutée de l’information provient d’un rapport dynamique entre des archives complémentaires.”, dans Archivi del Novecento. La memoria in rete., <http://www.archividelnovecento.it/>.

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Voir le numéro special consacré au 11 septembre 2001 intitulé « History and September 11: A. Special Issue », The Journal of American History, vol. 89, n.2, 2002, <http://www.historycooperative.org/journals/jah/89.2/>). Consulter aussi DUZIAK (Mary L.), September 11 in history: a watershed moment?, Durham: Duke University Press, 2003. 110

L’essai de G. Roncaglia: « Internet e l’11 settembre, un caso di studio. », est publié dans l’édition de 2004 du manuel de la toile Internet 2004, manuale per l’uso della rete, Bari, Laterza, 2003, pp.670-685. On accède aussi à cet article en ligne sur le site de Roncaglia, Merzweb, <http://www.merzweb.com/testi/saggi/11settembre.htm>.

dans lequel le passé est écrasé dans le présent de manière unidimensionnelle. Le Web a ainsi approfondi sa propension physiologique à emmagasiner la mémoire des individus, des communautés, et des collectivités, ce qui est un élément vraiment essentiel des modalités d’écrire l’histoire dans la toile et avec la toile.

Un des chefs de file italien de l’informatique humaniste comme Gino Roncaglia qui en a saisi l’impact modernisateur pour le médium lui-même a écrit que « la mémoire collective d’un fait historique d’une importance décisive semble avoir été emmagasinée dans la toile pour la première fois111. » Avec l’attentat contre les tours jumelles, Internet recèle même pour

les historiens de demain, les matériaux et les sources les plus complètes pour pouvoir décrire l’impact décisif de l’attentat promouvant ainsi sinon une historiographie numérisée au moins une écriture de l’histoire qui doive - quasi essentiellement dans le cas de ses sources-, se servir de la toile pour écrire l’histoire.