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P ARAGRAPHE 2 – L’ancrage de l’efficacité du mandat d’arrêt européen dans les ordres juridiques internes

218. La Cour recherche perpétuellement l’équilibre entre l’efficacité du mandat d’arrêt européen et le respect des droits fondamentaux lors de la mise en œuvre de cette procédure. Son travail ne se limite pas à tantôt avantager la mesure de coopération, tantôt privilégier le respect desdits droits. Elle doit, en revanche, trouver un consensus permettant l’exécution du mandat sans pour autant attenter aux droits fondamentaux des individus concernés par la remise. Le contentieux étudié révèle alors un arbitrage entre ces deux impératifs parfois, voire souvent, contradictoires, arbitrage rendu plus compliqué en raison des replis souverainistes des États membres invoquant sans cesse l’argument identitaire. Dans ce contexte, elle a souvent rappelé l’obligation pour les États de donner suite au mandat d’arrêt européen460. Cette obligation est prévue à l’article 1er de la décision-cadre. En s’appuyant sur le principe de reconnaissance mutuelle, les États

459 P. BEAUVAIS, « La Cour de justice, le mandat d’arrêt européen et les droits fondamentaux constitutionnels et européens », op. cit.

460 Ce point est traité de manière similaire et explicite dans les trois jurisprudences étudiées dans cette sous partie CJUE, Gde. ch., 29 janv. 2013, Ciprian Vasile Radu, op. cit. pt. 35 ; CJUE, Gde. ch., 26 fév. 2013,

Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, op. cit. pt. 38 ; CJUE, 30 mai 2013, Jeremy F. contre Premier ministre, op. cit. pt. 36.

membres doivent exécuter les mandats. C’est dire l’importance de ce principe qualifié de « pierre angulaire de la coopération judiciaire »461.

219. Cette obligation est reprise et approfondie par la Cour lorsqu’elle pose une sorte de principe assurant la quasi-automaticité de la remise. Toujours dans cette logique d’efficacité du mandat d’arrêt européen, elle fait une application strictement littérale de la décision-cadre qui encadre les motifs de exécution du mandat. Trois motifs de non-exécutions obligatoires sont mentionnés à l’article 3 du texte : l’amnistie, si la personne a déjà été condamnée pour les mêmes faits et que la peine a été exécutée ou est en cours d’exécution et l’irresponsabilité pénale en raison de la minorité de la personne concernée. Dans ces cas-là, aucune dérogation n’est envisageable et l’État membre d’exécution ne peut donner suite au mandat. Toutefois, le législateur de l’Union a envisagé d’autres hypothèses dans lesquelles il est possible de s’opposer à la remise. Une liste de motifs de non-exécution facultatifs est établie à l’article 4 de la décision-cadre. Ainsi, il est possible de ne pas donner suite à un mandat si l’infraction pour laquelle le mandat a été émis dans l’État d’émission n’est pas considérée comme telle par le droit de l’État d’exécution (à l’exception des infractions relevant du domaine fiscal et douanier). Il pourra également être refusé lorsque la personne, qui fait l’objet du mandat, est déjà poursuivie pour les mêmes faits dans l’État d’émission. De même, la demande de remise pourra être refusée si dans l’État d’exécution il a été décidé de ne pas engager de poursuites, d’y mettre fin ou bien si la personne a déjà fait l’objet d’une décision définitive dans un autre État membre pour les mêmes faits, lorsque cette infraction est couverte par la prescription dans l’État membre d’exécution, si la personne a été jugée définitivement par un pays tiers et que la sanction a été exécutée ou est en cours d’exécution, si la décision a déjà été rendue, que la personne réside dans l’État membre d’exécution et qu’elle accepte de s’engager à faire exécuter la peine sur son territoire et conformément à son droit, si l’infraction a été commise en tout ou partie sur le territoire de l’État membre d’exécution ou que les infractions ont été commises sur le territoire de l’État membre d’émission du mandat et que le droit de l’État membre chargé de l’exécution du mandat ne sanctionne pas le comportement incriminé. L’article 4 bis inséré à la décision-cadre 2002/584 par la décision-cadre 2009/299/JAI, du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et

2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès462, ajoute des cas facultatifs de non-exécution du mandat tenant à l’absence de comparution de la personne concernée par le mandat.

220. Étant considérées par la Cour comme des dérogations au principe d’exécution d’office du mandat d’arrêt, ces hypothèses doivent être interprétées strictement bien que l’utilisation du terme « facultatif », semble laisser penser que l’État membre d’exécution jouit d’une marge d’appréciation relativement large. Cependant, la modification opérée par la décision-cadre 2009/299 en intégrant un nouveau motif facultatif de non-exécution tend à limiter la marge d’appréciation des autorités judiciaires de l’État membre d’exécution dès lors que dans le mandat est fait mention de la signification à l’intéressé de la décision et de son droit à une nouvelle procédure de jugement et que ce dernier n’a pas demandé de nouvelle procédure ni fait état de manière explicite d’une volonté de révision du jugement dans les délais ou que dans l’hypothèse où il n’aurait pas reçu personnellement la signification de la décision, il la recevra immédiatement après la remise et sera de fait informé, de son droit à demander une nouvelle procédure dans les délais légaux qui lui seront également communiqués463.

221. La Cour de justice circonscrit ainsi les libertés d’appréciation souveraines des États membres en contrôlant strictement les motifs facultatifs de non-exécution, notamment s’agissant de l’article 4 bis464. C’est donc un moyen opérant pour elle de lutter contre les arguments avancés par les États membres s’agissant du respect des droits de la défense, les modifications apportées en 2009 permettent ainsi de légitimer davantage le mandat et de montrer les exigences procédurales et sont gages du respect des droits fondamentaux des intéressés. Ainsi, elle donne une nouvelle dimension au mandat d’arrêt européen puisqu’elle fait primer son efficacité sans pour autant négliger les droits fondamentaux. Si on ne peut pas qualifier cette solution de coup d’arrêt aux arguments souverainistes, elle a néanmoins le mérite de réaffirmer l’importance de l’efficacité du mandat d’arrêt européen et de faire exécuter ce principe de quasi-automaticité de la remise

462 Décision-cadre 2009/299/JAI, op. cit.

463 Ces explications sont souvent reprises par les avocats généraux c’est notamment le cas dans l’affaire Melloni Conclusions de l’avocat général M. Yves BOT présentées le 2 octobre 2012, Aff. C-399/11,

Procédure pénale contre Stefano Melloni, op. cit. pt. 62.

464 Cette disposition nourrit de manière significative le contentieux et méritera une étude dédiée ultérieurement dans cette analyse du contentieux du mandat d’arrêt européen.

aux États membres dans l’espoir qu’il s’apparente davantage à un réflexe et suscite moins de questions. Cette solution semble, somme toute, logique dans un espace pénal européen en cours de réalisation et doit nécessairement se fonder sur des principes directeurs de la construction d’un tel espace.

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ARAGRAPHE

3 – Les principes de confiance et de reconnaissance mutuelles,