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PARTIE 3 : TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES ET TCA

IV. Approches pharmacologiques des TCA de l’enfant et jeune adolescent

En cas de TCA, les recommandations (NICE, APA) mettent l'accent sur une évaluation complète (somatique, psychiatrique, psychosociale…) comme première étape lors de la prise en charge. La gestion ultérieure sera déterminée par une estimation du risque ; la priorité étant la gestion des complications physiques. En règle générale, chez les enfants et les adolescents, les interventions médicales et psychosociales devraient constituer les principales modalités de traitement. Si celui-ci s’avère nécessaire, le recours aux médicaments doit être envisagé avec prudence dans le cadre de la prise en charge multimodale. Un soutien et des informations appropriés doivent être fournis aux patients et à leur famille (van den Heuvel et Jordaan, 2014). Comme pour l’adulte, la plupart des médicaments utilisés dans le traitement des TCA ne possèdent pas d’AMM dans cette indication, et même parfois ne possèdent aucune AMM chez l’enfant et l’adolescent.

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1.

Anorexie mentale

A propos des AD, une revue rétrospective a analysé les bénéfices de la pharmacothérapie (principalement des ISRS) chez 19 enfants et adolescents avec AM (Rossi et al., 2007). Des améliorations du comportement alimentaire, du poids, de l'humeur et des symptômes obsessionnels ont été rapportés, sans aucun effet indésirable dangereux. Ainsi, même si les niveaux de preuve sont faibles, les antidépresseurs ciblant certains symptômes spécifiques comme l’anxiété, la dépression ou les TOC pourraient constituer une stratégie utile (Rossi et al., 2007). Flament et al. conseillent tout de même de ne débuter ces médicaments qu’après stabilisation sur le plan médical et amorçage de la récupération pondérale (Flament et al., 2012).

En ce qui concerne les AP, une revue d’observation clinique a examiné l’effet des antipsychotiques atypiques chez les enfants et adolescents présentant une AM sévère. Des effets bénéfiques ont été mis en exergue, notamment sur la psychopathologie, avec des effets indésirables limités. Il a été conclu que des antipsychotiques atypiques pouvaient être envisagés dans les cas d'AM sévères ou résistantes, mais que d'autres études étaient nécessaires (Mehler- Wex et al., 2008). En effet, une évaluation de la balance bénéfice – risque s’impose avant la décision d’instaurer un tel traitement. Celle-ci s’explique par le risque d’EI. A titre d’exemple, la rispéridone peut entraîner une hyperprolactinémie, ce qui peut être particulièrement problématique, l’AM étant déjà associée à des anomalies de la régulation de la prolactine (Strike et al., 2012). En pratique clinique, l'olanzapine est l’AP le plus fréquemment utilisé chez les enfants et adolescents souffrant d’AM pour soulager l'anxiété et les idées délirantes telles que la dysmorphophobie ; l'effet indésirable le plus couramment observé étant la somnolence (Gowers et al., 2010), ce qui peut se révéler utile en cas d’hyperactivité pathologique. Toutefois, les données restent limitées quant à l'utilisation des antipsychotiques atypiques à long terme ou à des fins d'entretien, dans cette catégorie de patients (van den Heuvel et Jordaan, 2014).

2.

Boulimie nerveuse

La littérature concernant l'utilisation de la pharmacothérapie chez les enfants et les adolescents atteints de BN est rare. Dans le cadre d’un essai ouvert (Kotler et al., 2003), l'ajout de 60 mg de fluoxétine à la psychothérapie chez des adolescents atteints de BN était bien toléré et a entraîné une diminution significative des épisodes de boulimie et de purge.

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Malgré la rareté des essais médicamenteux dans cette jeune population souffrant de BN et en raison de preuves solides chez les adultes, l'utilisation judicieuse de la fluoxétine dans le cadre d’une prise en charge globale est souvent recommandée (van den Heuvel et Jordaan, 2014).

3.

Hyperphagie boulimique typique

Nous n'avons trouvé aucune étude évaluant spécifiquement la pharmacothérapie de l’HB chez les enfants et les adolescents. Ceci peut être lié à plusieurs raisons : beaucoup d’ECR excluent les patients mineurs ; l’HB n’a été reconnue que récemment comme TCA autonome ; enfin, l’HB est d’apparition plus tardive que l’AM et la BN (Smink et al., 2012), l’inclusion d’enfants ou adolescents dans un ECR est donc plus difficile. En l’absence de données pharmacologiques spécifiques à cette population particulière, la prise en charge de l’HB est souvent basée sur l'opinion et l’expérience des cliniciens. De manière générale, les recommandations sont d'utiliser la psychothérapie comme traitement de première ligne dans l’HB chez les enfants et les adolescents (Golden et Attia, 2011). Toutefois, l’existence d’une comorbidité anxio-dépressive ou de TOC peut justifier le recours à un ISRS, considéré comme

a priori bénéfique pour l’HB d’après les données de l’adulte.

Au total, quel que soit le TCA, l'utilisation de la pharmacothérapie chez les enfants et les adolescents reste un exercice compliqué ; en effet, il existe peu de preuves permettant de guider les décisions de traitement des cliniciens et pourtant, ceux-ci utilisent fréquemment les médicaments en pratique. La plupart des recommandations conseillent une utilisation raisonnée, notamment pour traiter les affections comorbides et rappellent que la psychothérapie doit être utilisée comme traitement de première intention.

Cependant, au vu des résultats concernant l’efficacité et la tolérance chez les adultes, les recommandations suggèrent souvent que ces résultats peuvent être extrapolés aux enfants ou adolescents, particulièrement pour l’emploi de la fluoxétine dans la BN. Mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour développer des traitements fondés sur des preuves afin d’améliorer la prise en charge des enfants et adolescents atteints de TCA. Dans la pratique, les cliniciens doivent généralement utiliser des approches multidisciplinaires psychologiques et comportementales, et l’utilisation des médicaments doit être justifiée et

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maniée de façon prudente et raisonnée. Une surveillance étroite est importante et, si des bénéfices insuffisants ou des effets indésirables sont constatés, l’ajustement du plan de traitement doit être une priorité et l’utilisation de ces traitements doit être faite préférentiellement dans des unités spécialisées dans les TCA (van den Heuvel et Jordaan, 2014).

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