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CHAPITRE 1: INFLUENCE DE L’USINAGE SUR LA FATIGUE À GRAND

3. I NFLUENCE DE L ’ INTÉGRITÉ DE SURFACE SUR LA TENUE EN FATIGUE

3.1. Fatigue influencée par la microgéométrie

3.1.5. Approches basées sur la mécanique linéaire de la rupture

Nous pouvons distinguer dans la littérature principalement deux types d’approche exploitant la mécanique de la rupture pour l’influence de la microgéométrie sur la fatigue :

- Approche empirique

- Approche basée sur un seuil de non-propagation

3.1.5.1. Approche empirique

Ce type d’approche, utilisée par exemple par [Neuber, 1961] et [Murakami, 2002] consiste à assimiler les éléments de microgéométrie à des entailles. [Murakami, 2002] considère par exemple une succession d’entailles (ou fissures) de même profondeur, a, espacées de manière régulière (Figure 1.14 (a)). Dans le cas de fissures multiples en surface, il applique aussi un facteur correctif F(a, b) sur le facteur d’intensité des contraintes (Figure 1.14 (b)) dépendant de la profondeur des entailles, a, et de leur espacement 2b. Cela permet d’évaluer le paramètre

area correspondant à la surface de la fissure, projetée dans la direction du chargement

(Figure 1.14 (c)). Ce paramètre du modèle est obtenu par la relation empirique :

(

F

)

a area = 2× 65 . 0 / (1.18)

La limite d’endurance peut ensuite être déterminée en fonction de la dureté du matériau Hv et de la taille de fissure donnée par l’équation (1.18). L’équation suivante permet d’évaluer la limite d’endurance des pièces usinées pour un chargement de traction-compression (Rσ= -1) :

( )

( )

1/6 120 43 . 1 area Hv D + = σ (1.19)

Cette équation (1.19) est validée pour des essais de fatigue en traction-compression alternée [Murakami, 2002]. L’effet de la microgéométrie est isolé de celui des contraintes résiduelles grâce à un recuit de relaxation, effectué sur les éprouvettes.

(a) Modélisation des défauts de rugosité en entailles

(b) Facteur KI pour des entailles surfaciques périodiques (c) Calcul de √area en fonction du rapport a/2b

Figure 1.14. Modélisation de la rugosité par une surface de fissure [Murakami, 2002]

3.1.5.2. Approche basée sur un seuil de non-propagation

La théorie de la fissuration, décrite au paragraphe 2.2.1, peut être utilisée pour décrire la propagation d’une fissure à partir des défauts de rugosité.

Cependant, ce modèle utilisé pour les fissures longues à l’origine n’est plus applicable à partir d’une certaine taille de défaut. En effet, l’hypothèse de confinement de la plasticité en pointe de fissure n’est plus vérifiée pour les fissures courtes. Des expérimentations montrent que les vitesses de fissuration obtenues dans ce cas sont plus importantes que pour les fissures longues avec une même amplitude ΔK.

En dessous d’une certaine taille de fissure, la limite d’endurance devient indépendante de la taille de la fissure [Kitagawa, 1976]. La Figure 1.15 (a) permet d’observer qu’un modèle basé sur la mécanique de la rupture (LEFM : Linear Elastic Fracture Mechanics) surestime largement la limite d’endurance pour les défauts de petite taille. La pente -1/2 est obtenue par la racine carrée de l’équation (1.8) dans un diagramme Log-log.

Lorsque la taille des défauts est du même ordre de grandeur que la microstructure, il faut prendre en compte l’hétérogénéité des contraintes au niveau des grains. [Thieulot et al., 2007]

proposent de modéliser l’effet des fissures courtes comme Kitagawa mais avec un seuil d’adaptation élastique à l’échelle mésoscopique en utilisant le critère multiaxial de Dang-Van. Le critère de fatigue proposé est basé sur le calcul de l’énergie élastique de cisaillement critique d’une fissure et permet de retrouver le diagramme de Kitagawa représentant la limite de fatigue en fonction de la taille de défaut (Figure 1.15 (b)). Thieulot considère de plus la taille des défauts de manière probabiliste, par une densité de probabilité.

(a) Schéma d’un diagramme de Kitagawa (b) Diagramme de Kitagawa avec densité de probabilité de défauts

Figure 1.15. Influence de la taille des fissures sur la fatigue [Thieulot et al., 2007]

Par ailleurs, [El Haddad et al., 1979] propose une relation liant la limite d’endurance Δσ0 pour un matériau sain, c’est à dire sans défaut, au seuil de non-propagation ΔKth. Il introduit une longueur supplémentaire a0 correspondant à la zone plastique en pointe de fissure et définie par rapport à la limite d’endurance Δσ0 du matériau sain :

0

0 a

Kth =Δσ π

Δ (1.20)

La longueur effective de fissure dans une pièce entaillée est donc (a + a0) et le seuil de non-propagation des fissures courtes est alors défini par :

(

a a0

)

Kth =Δ +

Δ σ π (1.21)

Les aspects « distribution de probabilités de défauts » [Thieulot et al., 2007] et « taille de fissure effective » [El Haddad et al., 1979] que nous venons d’aborder sont également exploités par [Andrews, 2000] pour les pièces usinées en fraisage. Dans leurs travaux, les défauts de rugosité sont décrits de manière probabiliste avant de simuler la propagation des fissures en fatigue. Les simulations ne sont cependant pas comparées à des mesures de microgéométrie.

Une approche statistique des défauts de microgéométrie, que l’on peut considérer comme des fissures courtes, semble bien adaptée dans la mesure où il est impossible de déterminer la taille exacte du défaut critique qui engendrera la rupture.

Dans le cadre de l’effet de l’usinage grande vitesse sur la tenue en fatigue des pièces aéronautiques, [Suraratchai, 2008] et [Limido, 2008] prennent aussi en compte l’influence du coefficient Kt sur la fatigue, mais le calcul ne s’effectue pas de manière empirique. Kt est déterminé par une simulation éléments finis comme celle définie au paragraphe 3.1.3.2. Un modèle de mécanique linéaire de la rupture est ensuite utilisé pour prédire les courbes de Wöhler (Contrainte de chargement – Nombre de cycles à rupture) des pièces usinées en fraisage et sollicitées en flexion plane à Rσ = 0.1. La Figure 1.16 présente les courbes de Wöhler expérimentales et modélisées pour deux fraisages différents (ébauche et finition) correspondants à deux coefficients de concentration de contrainte.

Dans ces travaux, l’effet de l’écrouissage et des contraintes résiduelles est négligé devant celui de la microgéométrie.

La courbe de Wöhler peut être séparée en deux parties distinctes correspondants aux faibles durées de vie pour une contrainte de chargement élevée et les grandes durées de vie pour une contrainte plus faible (Figure 1.16). L’endommagement par fatigue est généralement décomposé en deux étapes :

- Amorçage d’une fissure dont la durée est exprimée par Ni. - Propagation de la fissure dont la durée est exprimée par Np. La durée de vie totale est donc définie par Nf = Ni + Np

Figure 1.16. Courbes de Wöhler pour deux cas de fraisage de finition [Suraratchai, 2008]

Les relations de (1.22) à (1.25) prennent fortement en compte la concentration de contraintes. Pour la partie de la courbe à grandes durées de vie, la limite d’endurance peut être directement déterminée par la mécanique élastique linéaire de la rupture et donc la relation suivante :

a FK K t th D π σ = Δ (1.22)

où F est le facteur de forme et a longueur de la fissure initiale, a et F étant considérés indépendant de l’état de surface [Newman, 1984]. La longueur de fissure initiale est prise égale à 40 µm car c’est la taille d’un grain recristallisé. L’amorçage de rupture s’effectue en effet toujours au niveau des inclusions intermétalliques. En ce qui concerne la première partie de la courbe (à faible durée de vie), [Suraratchai, 2008] considère que la durée de vie peut être évaluée par rapport à la phase de propagation de fissure, prépondérante sur la phase d’initiation. La fissure se propage selon la loi de Paris, soit en surface (augmentation de c), soit dans la profondeur (augmentation de a) :

( ) ( )

m t t m K K CK dN dc K C dN da ° ° = Δ Δ = 90 0 (1.23)

L’expression empirique du facteur d’intensité des contraintes, tiré des travaux de [Newman, 1984] pour une fissure semi-elliptique, est :

(

a c W t

)

a f

KIφ = , ,φ, , σ π (1.24)

où a et c sont respectivement la plus petite et la plus grande demi-longueur de l’ellipse, φ est l’angle du profil de rugosité pour lequel le Kt est calculé par rapport à l’axe de chargement. W est la largeur de l’éprouvette et t l’épaisseur. La fonction f correspond au facteur correctif de la forme de la fissure.

A partir des formules de Paris (1.23), un calcul itératif est réalisé pour déterminer a et c, puis évaluer ensuite ΔK90° et ΔK. Il y a rupture lorsque a = t, c = W ou ΔKφ = KIc. On obtient donc le nombre de cycle Np. La durée de vie à l’amorçage Ni est déduite de la durée de vie totale et de la durée de propagation de fissure. On peut la modéliser par une loi puissance de type Basquin :

(

σ

)

α β t

i K

N = (1.25)

avec α et β les paramètres à identifier grâce à une courbe de Wöhler (Figure 1.16). Ce modèle déterministe appliqué aux alliages d’aluminium semble bien décrire le comportement en fatigue à partir des défauts de microgéométrie.

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