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Il y a les mesures basées sur les indicateurs agrégés de bien-être, ainsi que ceux qui sont axés sur les données individuelles (Bibi, 2002).

Pour les mesures basées sur les indicateurs agrégés, nous citons l’indice de la qualité de vie humaine (PQLI) de Morris (1979). Ce dernier accorde la même pondération au taux d’analphabétisme, au taux de mortalité infantile et à l’espérance de vie à la naissance. Le PNUD (2005) a proposé d’autres indicateurs dont les plus importants est l’indicateur de développement humain (IDH) et les indicateurs de pauvreté humaine (IPH). L’IDH53 est une moyenne arithmétique de trois indices : l’indice de l’espérance de vie, l’indice du niveau d’instruction et l’indice du produit intérieur brut. De même, cet indicateur attribue le même poids aux trois composantes. En ce qui concerne l’IPH, il consiste à mesurer les carences de trois dimensions fondamentales qui, dans les pays en développement, sont les suivantes :

i) les carences en termes de privation de vie mesurées par la probabilité de décéder avant 40 ans.

53 Depuis 2010, le PNUD essaie d’appréhender la mesure multidimensionnelle de la pauvreté avec un nouveau indice appelé l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IMP) qui remplace l’IDH (voir PNUD, 2015).

ii) les carences en termes d’éducation exprimées par le taux d’analphabétisme.

iii) les carences en termes de besoins essentiels pour une vie décente résumées par un indice composite qui est une moyenne arithmétique de deux indicateurs à savoir le pourcentage de la population privée de points d’eau aménagés et le pourcentage d’enfants de moins de cinq ans souffrant d’insuffisance pondérale.

Cet indicateur a pour expression :

1 3 2 1 ] ( 3 1 [ P P P IPH    (1)

Avec 1. Dans le cas où 1, les composantes des IPH sont parfaitement substituables et ces derniers ne sont que leurs moyennes arithmétique. Lorsque 1, plus de poids est accordé à la composante où la carence est plus importante.

Quoique les indices PQLI, IDH et IPH ont été considérés comme des apports enrichissants à la littérature des mesures non monétaires du bien-être, ils constituent des mesures assez imprécises qui affichent des faiblesses relatives aux choix des composantes, à la pondération, aux procédures d’agrégation et aux règles d’estimation (Ram, 1982 ; Kelley, 1991). C’est pour cette raison que des mesures alternatives ont été proposées, basées sur les données individuelles. Nous y distinguons notamment les méthodes des ensembles flous (cf. chapitre 3)54, l’approche de la fonction de distance, l’approche de la théorie de l’information et l’approche de l’inertie.

L’approche de la fonction de distance a été adoptée par Lovel et al. (1994) pour quantifier le bien-être, alors que celle de Silber et Deutsch (2005) a été utilisée dans le cadre de l’analyse de la pauvreté multidimensionnelle. En effet, cette approche s’inspire de la littérature sur la théorie de la production, notamment sur l’analyse de l’efficacité. Anderson et al. (2005) considèrent le concept de la fonction de distance comme une approche qui cherche à déterminer, en prenant compte de la distance entre un vecteur de biens (ressources et facultés) d’un individu et un vecteur de référence, le montant permettant d’ajuster l’ensemble des attributs de cet individu pour réaliser le niveau de bien-être de référence.

La théorie de l’information adoptée par Theil (1967) à l’économie, était originellement développée dans le domaine des sciences de la communication. Le principe de base de cette théorie est l’œuvre de Maasoumi (1993). Ce dernier définit l’entropie comme une mesure de

l’incertitude ou de la volatilité associée à une variable aléatoire. Il s’agit de définir des classes de mesures pour capter les divergences entre distributions. Dans ce cadre, Maasoumi (1986) a proposé une classe de mesure basée sur la famille de l’entropie généralisée.

   n i i i i P Q Q P Q GE 1 ] 1 ) [( ) 1 ( 1 ) , (   , avec 0,1 (2) ) ,...., (P1 Pn

P etQ(Q1,....,Qn)sont respectivement les distributions a priori et a posteriori d’une variable aléatoire d’intérêt. Selon Maasoumi (1986) et Maasoumi et Nickelsburg (1988), il est nécessaire de minimiser la fonction d’entropie généralisée pour déterminer un indicateur agrégé du niveau de bien-être. Cependant, cette idée a fait l’objet des critiques d’Asselin (2002), qui considère que cette démarche souffre d’un problème d’indétermination, lié à la nature paramétrique des mesures proposées. En outre, il existe le problème de détermination des poids des attributs dans un sens moins arbitraire. Les méthodes d’inertie présentent des solutions à cette seconde préoccupation. Réduire l’arbitraire dans le calcul de l’indicateur composite de la pauvreté multidimensionnelle était le but essentiel des méthodes d’inertie. Asselin (2002) en a fait une revue détaillée. Cette approche est basée sur les techniques d’analyses factorielles, à savoir l’Analyse en Composantes Principales (ACP), l’Analyse Canonique Généralisée (ACG) et l’Analyse de Correspondance Multiple (ACM) qui est un cas particulier de l’ACG (Meulman, 1992). Il s’agit de représenter par un nuage de points autour d’un centroïde (moyennes pondérées) les N individus dans l’espace des J attributs avec un poids associé à chaque point. L’inertie totale du nuage de points, dépendamment de la métrique choisie, est la somme pondérée des distances de chaque point par rapport au centroïde.

L’ACP consiste à calculer les distances entre unités et centroïde. Lorsque les attributs sont des variables quantitatives, l’utilisation de cette technique est appropriée. Concernant l’ACG, elle considère le cas où l’on distingue au moins deux ensembles de variables, dont un ensemble de variables quantitatives et un ensemble de variables qualitatives. L’ACM est un cas particulier de l’ACG, qui peut être appliqué lorsque les variables sont qualitatives et prennent des valeurs binaires 0 ou 1. Klasen (2000) définit une mesure de privation comme étant un indicateur composite de 14 attributs directement reliés aux capacités spécifiques. Deux procédures ont été utilisées pour dériver les poids de chaque indicateur dont l’une consiste à calculer l’indicateur de privation comme une moyenne simple des scores de toutes les composantes individuelles alors que l’autre est basée sur l’ACP.

Les méthodes que nous venons de présenter sont des analyses factorielles exploratoires. Sahnet Stifel (2003) optent pour une analyse factorielle confirmatoire. Ils construisent pour chaque individu i un indicateur qui prend la forme :

iJ J i

i a a

A ˆ1 1 ....ˆ (3)

avecAi, l’indicateur de richesse pour l’individu i, aij , son niveau de dotation en attribut j et ,

j

le poids associé à chaque attribut j. Ils considèrent le modèle structurel suivant pour estimer les poids :

ij i j ij c u a  (4)

ci est un facteur commun inobservé pour chaque individu qui peut être considéré comme un proxy deAi ; uij est une composante spécifique également inobservée. Ils estiment les paramètres du modèle structurel par la méthode du maximum de vraisemblance en supposant une normalité multivariée pour cietui. Quant aux poids, ils les dérivent en faisant une projection de la variable inobservée ci dans l’espace des observées aij .

Même si les méthodes d’inertie constituent une approche plus réaliste que le choix d’une forme fonctionnelle arbitraire, permettant la réduction de l’arbitraire inhérent aux méthodes d’entropie, la plupart des démarches exposées revient à résumer plusieurs aspects du bien-être en un indicateur unique, ce qui réduit l’analyse au cadre unidimensionnel traditionnel.

1.2. Les approches axiomatiques

Elles peuvent être considérées comme l’enrichissement de certains groupes d’indices de pauvreté proposés dans le cadre de la pauvreté unidimensionnelle (Watts, 1986 ; Foster et al., 1984 et Foster et Shorrocks, 1991).

Outre la distinction entre le seuil absolu et le seuil relatif de la pauvreté relevée dans l’analyse unidimensionnelle et la valeur de ces seuils, l’analyse multidimensionnelle introduit une nouvelle considération, il s’agit de la distinction entre l’approche de l’union et celle de l’intersection dans l’identification des pauvres (Atkinson, 2005 ; Bourguignon et Chakravarty, 2003 ; Duclos et al., 2006).

J

R . SoitX , une matriceNJ, où chaque élément xij de la matrice donne la quantité d’attribut jque possède l’individu .i SoitzjZ, le seuil de pauvreté pour chaque attribut, avec le vecteur ZRJl’orthant positif de l’espace euclidienRJ .

L’approche d’intersection suppose un individu i pauvre s’il l’est au niveau de tous les attributs, c'est-à-dire si xij zjpour tout j. En prenant le cas de deux attributs, x1etx2, cette situation est représentée par le rectangle OZ1AZ2de la Figure 4.1. Le seuil de pauvreté est alors donné par1(x1,x2)0. Si nous considérons la distribution cumulative F(x1,x2) définie pour des valeurs non négatives de x1 etx2, F(x1) et F(x2) étant leurs distributions marginales respectives, le rectangle OZ1AZ2 donne alors la proportion

) , (z1 z2

F de ceux qui sont pauvres dans les deux attributs. Cette définition a fait l’objet des critiques de Bourguignon et Chakravarty (2003) en montrant qu’elle est trop restrictive dans la mesure où, même si elle permet d’identifier les individus les plus nécessiteux, elle ne permet pas de prendre en considération tous les pauvres. A titre d’exemple, si les deux attributs sont l’espérance de vie et le revenu, il serait aberrant de considérer un vieux mendiant comme étant riche.

L’autre approche est celle de l’union qui considère un individu comme étant pauvre s’il l’est pour au moins un des attributs, auquel cas l’on a xij zjpour au moins un j . Dans ce cas, le seuil de pauvreté correspond à2(x1,x2)0 comme l’indique la Figure 4.1.

En additionnant les proportions des pauvres selon chaque attribut x1etx2, respectivement )

(z1

F etF(z2), nous faisons une double comptabilisation de ceux qui sont pauvres simultanément selon les deux attributs. C’est pourquoi la proportion des pauvres selon l’approche de l’union est donnée parF(z1)F(z2) F(z1,z2). Duclos et al. (2006) proposent une approche intermédiaire. En effet, un individu peut être pauvre même six2 z2, si sa valeur de x1 est suffisamment faible pour se situer à la gauche de3(x1x2)0.