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PARTIE IV : RÉSULTATS ET DISCUSSION

A. Approche typologique :

L’étiologie du comportement violent devient difficile à établir quand plusieurs facteurs susceptibles d’être «inducteurs» de violencesont présents.Ainsi, plusieurs auteurs se sont donnés pour objectif le dessin d’une véritable cartographie criminelle. Nous en retiendrons trois ayant tenté de déterminerdes trajectoires criminologiques pour le patient psychotique.

Senninger distingue cinq trajectoires pour les patients à risque d’homicide [40]:

Le patient «dangereux précoce» inaugurant ses troubles psychiques par un acte violent; le prototype pourrait en être le crime immotivé (ou supposé tel) du schizophrène.

Le patient «dangereux tardif» passant à l’acte après une longue maturation de ses troubles ; le prototype pourrait en être le délirant persécuté paranoïaque qui ne se résout à tuer qu’après épuisement de tous ses autres moyens de défense contre les persécuteurs.

Le patient «dangereux par intermittence» dont la dangerosité suit l’évolution discontinue de sa maladie; le prototype en serait le trouble bipolaire.

Le patient «dangereux aigu» passant à l’acte de façon brutale et imprévisible dans un contexte qui n’est d’ailleurs pas forcément celui d’une

pathologie aiguë. Ainsi, l’agression peut émerger en même temps qu’un ordre hallucinatoire de tuer, dans un contexte de psychose chronique.

Le patient «dangereux chronique» évoquant d’emblée le déséquilibre psychopathique dont la violence semble être une nécessité vitale impérieuse.

De plus, il n’existe pas de lien simple entre une agression et le type d’évolution d’une pathologie donnée. Un même actepeut être commis dans des contextes variés. Inversement, une même trajectoire psychopathologique peut être à l’origine d’actes de nature très diverse.

Benezech établit une classification originale des homicides pathologiques [39]. Les auteurs sont classifiés selon plusieurs trajectoires criminologiques en se basant sur les caractéristiques cliniques et motivationnelles du passage à l’acte :

 Homicide impulsif : en cas de deficit intellectuel léger et/ou trouble de la personnalité en l’occurrence antisociale ou borderline, souvent commis en état d’ivresse avec colère pathologique lors d’un conflit, d’une frustration ou d’une crise. La victime peut être un proche ou une personne inconnue de l’agresseur.

 Homicide passionnel : par incapacité à supporter une séparation ou une menace de rupture. La perte de l’objet entraîne une souffrance intolérable à l’origine d’un processus émotionnel et dépressif. La victime est le plus souvent le ou la partenaire ou parfois les enfants du couple.

 Homicide sexuel : son auteur agit avant tout soit pour dominer la victime, soit par colère (haine envers les femmes ou haine indifférenciée), soit par plaisir (sadisme). Le crime est d’autant moins planifié et organisé que l’agresseur est

jeune, inexpérimenté, sous l’influence de substances, ou présente des troubles mentaux. La scène du crime reflète alors la nature spontanée et désordonnée du passage à l’acte. La victime est généralement inconnue du meurtrier. Elle est sélectionnée en cas de crime organisé ou simplement ciblée (victime aléatoire d’opportunité) en cas de crime désorganisé.

 Homicide dépressif : son auteur présente une pathologie névrotique, une personnalité limite, une psychose maniacodépressive ou autre qui va entraîner ses proches dans la mort au cours d’un moment émotionnel de niveau mélancolique ou mélancoliforme. La régression fusionnelle avec la victime s’accompagne de culpabilité et de douleur morale intenses. La victime est quelquefois consentante en cas de «pacte suicidaire». La motivation de l’agresseur se veut altruiste ou possessive.

 Homicide psychotique non délirant : son auteur souffre soit de schizophrénie de type hébéphrénocatatonique ou héboïdophrénique, soit de séquelles de psychose infantile sous forme de dysharmonie évolutive. La motivation est d’ordre intellectuel plus qu’émotionnel. Le crime se produit parfois pour des causes insignifiantes dans un contexte de réaction impulsive brutale échappant à tout contrôle. Parents et personnes proches sont les victimes les plus exposées.

 Homicide psychotique délirant : son auteur est atteint d’un état délirant aigu ou chronique en période féconde provoquant une altération importante des rapports avec la réalité. Le passage à l’acte survient habituellement dans un état émotionnel intense s’accompagnant parfois d’un niveau de conscience abaissé et d’une désorganisation de la personnalité. C’est la projection délirante sur la

victime qui est à l’origine des sentiments de peur, de jalousie et de persécution motivant la réaction meurtrière défensive de l’agresseur. Là encore, les proches parents ont un risque victimologique élevé.

 Homicide de cause organique : son auteur est soit sous l’emprise d’un ou plusieurs toxiques, soit porteur d’une pathologie somatique susceptible de provoquer des perturbations émotionnelles criminogènes: trouble métabolique, tumeur cérébrale, démence ou trouble du sommeil. Le meurtre est réalisé souvent au cours d’un état d’excitation confusodélirant aigu par perception erronée de l’environnement avec vécu onirique persécutoire. Parmi ces troubles mentaux organiques, il faut citer les ivresses alcooliques pathologiques et les syndromes induits par d’autres substances psychoactives : stupéfiants, antidépresseurs, stéroïdes anabolisants.

 Homicide non classable ailleurs : ce dernier groupe comprend une grande variété de crimes pathologiques, depuis le meurtre compulsif de motivation névrotique jusqu’au meurtre passagèrement psychotique, en passant par le meurtre réalisé par une personne souffrant d’hyperémotivité, de sentiment d’infériorité, de traits de personnalité passive-agressive.

Pour Putkonen et al, il y aurait trois catégories diagnostiques de psychotiques qui tuent ou tentent de tuer une autre personne : des diagnostics «purs» pour 25 % (une majorité de schizophrénies, de troubles schizoaffectifs etd’autres troubles psychotiques), un tel diagnostic associé à un diagnostic d’abus de substances (double diagnostic pour 25 % de leurs sujets) et enfin l’un ou l’autre de ces deux diagnostics associés aux troubles de personnalité antisociale (47%) [246].

En conclusion, L’étude de l’homicide à travers une approche criminologique revêt plusieurs avantages dont la possibilité d’étudier, en isolation, les différents acteurs et la dynamique de l’homicide. Néanmoins en pratique régulière, le praticien est souvent confronter à un sujet dans sa globalité le long d’un continuum pathologique, d’où la nécéssité d’une approche psychodynamique permettant au psychiatre d’avoir une idée des processus mentaux et leur traduction pathologiqueau niveau du passage à l’acte.