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Une approche théorique

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6.2 Dynamique à temps intermédiaire : construction dŠun pivot

6.2.2 Une approche théorique

Nous allons mettre à proĄt la décomposition multi-échelle du champ aĄn de décrire théoriquement lŠémergence de telles propriétés. Comme pour tout système mécanique, décrire le système dynamique qui régit le marcheur, suppose dŠêtre en mesure de faire un bilan de quantité de mouvement tangentiel et transverse. Le bilan tangentiel, cŠest-à-dire la propulsion, a un statut particulier car il repose en grande partie sur des efets à temps court. Ces efets ont été développés dans le chapitre précédent 5. Nous allons y revenir brièvement dans le premier paragraphe. Nous écrirons dans le paragraphe suivant les équations dans un repère de Frenet. Puis nous vériĄerons que les hypothèses menant à une décomposition multi-échelle du champ permettent dŠexpliquer les comportements observés et sont donc pertinentes. EnĄn, nous étudierons quelques cas limites.

La propulsion reste un efet qui agit à temps court

La dynamique à temps court a été amplement discutée dans le chapitre précédent 5. Ses efets sont révélés dans des régimes de courtes mémoires. La structure des équations tangentielles mise en exergue se maintient-elle à mesure que la mémoire augmente ? La réponse est "oui", et à titre de justiĄcation, rappelons les arguments et les hypothèses qui en sont à lŠorigine. La propulsion est un efet tangentiel et résulte de la combinaison des termes de pertes et de couplage avec le champ.

f =−µvC∂ThT=−µv+C∂THstT. (6.10)

Il nŠexiste pas de formule générale pour simpliĄerHst. Cependant il faut prendre en compte le fait que les Ćuctuations de vitesse sont limitées et ce quelle que soit la mémoire. CŠest un fait expérimental, que lŠon retrouve en expérimentation numérique, qui peut même servir de point de départ. Expliquons nous : plutôt que dŠessayer de calculer THst, on peut construire une force de propulsion f(v) permettant de rendre compte de ce résultat. Il faut donc que f(v) assure une propulsion à une vitesse dŠéquilibre v0 tout en permettant certaines Ćuctuations de vitesse. En raisonnant sur les symétries def(v) nous avons montré dans le chapitre précédent que

f =f(v) =γv1−(v/v0)2+O(v/v0)4 (6.11)

γ est une constante de couplage dépendant éventuellement de la mémoire. LŠidée qui se cache derrière ce résultat est que la force de propulsion dépend principalement de la vitesse du marcheur et peu de ses dérivées temporelles dŠordres supérieurs. En efet, le mécanisme est piloté en vitesse et cŠest bien une vitesse de consigne que lŠon impose à la dynamique. Peu importe que lŠon soit capable ou non de calculerγ ouv0; quŠils dépendent ou non de la mémoire : la force de la méthode est de pouvoir imposer la structure des équations tangentielles.

Dérivation des équations

Le but de ce paragraphe est de dériver le système dŠéquations modélisant le comportement du marcheur à une échelle de temps intermédiaire. Nous allons nous placer dans le repère de Frenet (T,N). Nous allons donc tout dŠabord rappeler quelques équations cinématiques relatives à cette base.

94 Chapitre 6. Auto-organisation ondulatoire Équations cinématiques Par déĄnition nous avons (voir la Ągure 6.2 pour une vision géométrique)

v=vT (6.12)

Nous pouvons dériver temporellement cette équation ce qui donne a= dv

dt = ˙vT+ v2

RN (6.13)

où nous avons utilisé ˙T = ˙ψN = v/RN. Nous allons y adjoindre la relation ˙N = −ψT˙ = −v/RT.

Les dérivées temporelles de Frenet étant rappelées, nous allons considérer les variables complémentaires T =r.T etN =r.N et les dériver temporellement. Ce qui donne

T˙ = ˙r.T+r.T˙ =v.T+r.v

Ces deux équations sont purement cinématiques et sont par déĄnition toujours valides.

Bilan tangentiel Dans la direction tangentielle, nous avons à prendre en compte la propulsionf =fT et éventuellement une force venant dŠun potentiel extérieur−TEp. Le bilan de quantité de mouvement dans la direction tangente sŠécrit donc

Bilan normal Dans la direction normale, nous avons à considérer les forces normales dues au champ

C∂Nh avec h=Hst+Hlt Nous allons utiliser lŠhypothèse (a) (Eq. 6.7) qui consiste à négliger NHst devantNHlt, conduisant ainsi à

C∂Nh ≃ −C∂NHlt =−CkFhF0J1(kFR) (6.18)

À cela sŠajoute la contribution normale du potentiel extérieur−NEp/m. Le bilan de quantité de mou-vement dans la direction normale vaut donc

v2

R =−Ck˜ FhF0J1(R)− 1 mw

NEp (6.19)

Il est frappant de remarquer que le bilan normal ne contient aucune dérivée temporelle. En ce sens, il peut être interprété comme un équilibre quasi-statique ou une équation implicite pour le rayon de courbure R.

6.2. Dynamique à temps intermédiaire : construction d’un pivot 95 Évolution du champ dŠonde LŠefet principal des hypothèses (a) et (b) (Eqs 6.7 et 6.8) est de réduiref par symétrie. Au Ąnal le seul mode de champ à prendre en compte est

hF0(t) = ⟨hfnF⟩=h0

Résumé On réunit les 5 équations dynamiques, ce qui nous amène au système dŠéquations.

Nous appliquons cette équation dans le cas dŠun potentiel harmonique à deux dimensionsEp =mw2r2/2 de pulsation propre Ω ce qui donne

4 dimensions dŠespace et une dimension ondulatoire. Pouvons-nous faire conĄance aux équations 6.23-d and 6.23-e ? Cela pose en fait deux questions distinctes :

• Est-ce que lŠéquation 6.23-d modélise correctement la propulsion ? Il est intéressant de souligner à nouveau que lŠEq. 6.23-d repose simplement sur des considérations de symétrie de vitesse ce qui rend le raisonnement relativement indépendant de la mémoire. Rigoureusement parlant, la question a été tranchée favorablement dans le cas dŠun régime basse mémoire (101), mais nous ne lŠavons pas prouvé lorsque la mémoire est plus élevée. CŠest le premier point dont il faut sŠassurer.

• La simplicité de lŠéquation 6.23-e repose principalement sur lŠhypothèse (a) (Eq. 6.7). Même sŠil paraît raisonnable de ne garder que les symétries dominantes du champ correspondant à un seul pivot, nous devons tout de même vériĄer a posteriori que lŠhypothèse (a) est suisante. CŠest le deuxième point quŠil faudra montrer.

VériĄcations des hypothèses

On peut envisager deux stratégies pour vériĄer la pertinence des équations 6.23. La première serait de procéder à une étude complète du système dŠéquations, par exemple en les simulant numériquement.

On devine rapidement que cette idée est assez maladroite au regard de ce que lŠon prétend analyser.

Le but de toute cette partie est de sŠassurer que lŠapproche capture les ingrédients physiques essentiels.

Par déĄnition, le système dŠéquations 6.23 est donc approché et nŠa pas la prétention dŠêtre exact. Le contraire serait dŠailleurs suspect.

96 Chapitre 6. Auto-organisation ondulatoire

Figure 6.6Ű VériĄcation de lŠéquation 6.23 à partir dŠune trajectoire en lemniscate numérique (Ω/2π = 0,033 en unité de période de Faraday, M = 21). Ici le temps et les longueurs sont exprimés dans leurs unités naturelles.(a) Équilibre normal dŠune lemniscate numérique : en noirCJ˜ 1(2πR/λF)hF0 avecCh˜ 0kF = 1.4m.s2, en rougev2/R+ Ω2N. Les intervalles de temps en bleu (A,C) indiquent une bonne prédiction théorique de lŠéquation 6.23-(e) et correspondent aux périodes dŠémergence dŠun pivot. Les intervalles de temps en rouge (B,D) correspondent aux parties de la trajectoire mal prises en compte par lŠéquation 6.23-(e). LŠinsert est la trajectoire simulée correspondante (voir Fig. 6.4) et relie les intervalles de temps (A,B,C,D) à leurs portions de trajectoires respectives. (b) Équilibre tangentiel numérique : en noirv˙+ω2T, en rougeγv(1v2/v20)avecγ= 35s1 etv0=

< v2>= 7.9mm.s1. Les Ćuctuations de vitesse sont de17%.

(c) Projection de lŠattracteur dans une représentation tridimensionelleF/R,NF,TF)

Une méthode plus adaptée consiste donc à vériĄer à partir des données expérimentales (numériques ou réelles) que les termes sŠéquilibrent bien entre eux. À titre de vériĄcation, nous avons repris une trajectoire de lemniscate et analysé lŠéquilibre entre les diférents termes impliqués dans les bilans normaux et tangentiels. Les Ągures 6.6-a et 6.6-b représentent lŠévolution temporelle des termes impliqués dans les bilans normaux et tangentiels (Eq. 6.23-e et 6.23-d).

Les diférentes forces mises en jeu dans lŠéquilibre normal sont bien représentées par lŠéquation 6.23-e pendant les intervalles de temps schématisés en bleu sur la Fig. 6.6-a) et conĄrment que les termes négligés (∼ NHst) sont bien négligeables. Cela justiĄe a posteriori lŠhypothèse (a) (Eq. 6.7) et donc le découplage des diférentes échelles de temps dans la dynamique. Comme attendu, une décomposition dans une base de Frenet nŠest pas très adaptée dans les parties à grands rayons de courbures (intervalles de temps en rouge sur la Fig. 6.6-a). La mesure même du rayon de courbure peut être délicate et nécessite

6.2. Dynamique à temps intermédiaire : construction d’un pivot 97 de mettre en œuvre des schémas numériques dŠordres plus élevés.

La Ągure 6.6-b montre quŠau cours du temps, les termes de lŠéquation 6.23-d sŠéquilibrent bien entre eux. Cela est dŠautant plus remarquable que les Ćuctuations relatives de vitesse sont ici de 17%, ce qui constitue une des limites que lŠon sŠétait Ąxée. La propulsion est donc bien modélisée par lŠéquation 6.23-d. On mesure également a posteriori queγ = 35 s−1. Cela veut dire que le temps caractéristique associé

∼ 1/γ = 28 ms est bien de lŠordre de TF et agit donc bien sur une échelle de temps courte τ1. Cela conĄrme la distinction entre une propulsion agissant à temps court et la construction de structures à temps plus long, et principalement impliquée dans la direction normale.

La Ągure 6.6-c représente une projection tridimensionnelle (λF/R,NF,TF) de lŠattracteur (n, m) = (2,0). La contrainte sur la vitesse permet une large réduction des dimensions de lŠespace des phases en comparaison avec la formulation intégro-diférentielle initiale (16; 59), dans laquelle le champ dŠonde stocke un nombre inĄni de degrés de liberté. On a donc montré que moyennant des Ćuctuations limitées en vitesse, un très grand nombre de ces dimensions peuvent être ramenées à une force de propulsion apparente (Eq. 6.11) et ce pour une large gamme de mémoire.

Discussion des cas limites

AĄn de souligner les mécanismes physiques mis en jeu, nous allons maintenant discuter de deux cas limites intéressants du système dŠéquations 6.23.

Le premier cas concerne le point Ąxe v =v0. Il implique par ordre logiqueT = 0 via lŠéquation 6.23-d puis ˙N = 0 via lŠéquation 6.23-b,N =−R via lŠéquation 6.23-a et enĄnhF0 =M h0J0(kFR), ce qui correspond à un attracteur circulaire. La contrainte

((v0/R)2−Ω2)R+ ˜CM h0kFJ1(kFR)J0(kFR) = 0 (6.24) se retrouve alors multi-valuée à haute mémoire : plusieursR peuvent satisfaire cette égalité lorsque que M → +∞. Le terme δ = (v0/R)2−Ω2 peut alors être interprété comme une mesure du désaccord de fréquence entre le potentiel harmonique et la dynamique v/R. Notons que ce système pourrait fournir un point de départ intéressant pour étudier des intermittences de basse dimension en marge de plages de stabilité décrites par Perrardet al. (102). On retrouve dans un régime de haute mémoire la condition asymptotique J0(kFR)J1(kFR) ≃ 0 donnant lieu à la quantiĄcation des rayons de courbure (62; 99;

130; 83; 82; 131).

Une autre limite intéressante se présente lorsquŠil existe une forte incompatibilité entre le centre de courbure et le centre du potentiel harmonique, cŠest-à-dire, lorsqueN/R≪1. LŠéquation 6.23-d montre que tout écart de la vitesse à sa valeur de consigne entraîne une rétroaction grâce au terme non linéaire en v(1v2/v02). Le couplage du bilan tangentiel au potentiel extérieur peut induire des solutions non stationnaires en vitesse. En efet, moyennant N/R ≪ 1, la dérivation de lŠéquation 6.23-d mène à

¨

v+γv(1˙ −3v2/v20) + Ω2v ≃ 0 et donne la possibilité dŠune solution auto-oscillante en vitesse de type van der Pol. Ces Ćuctuations rendent une trajectoire en ligne droite instable vis-à-vis de perturbations transverses en vitesse.

Cette section 6.2 a permis de décrire la dynamique à une échelle de temps intermédiaire. Nous avons adopté un point vue adapté à la symétrie du champ dŠonde et avons exprimé les équations dynamiques dans un repère de Frenet. La réduction de la complexité initiale a été possible grâce aux découplages des diférentes échelles de temps. À temps court, le champ dŠonde est essentiellement propulsif, tandis quŠà une échelle de temps intermédiaire, des structures cohérentes apparaissent : les pivots. Ils favorisent une dynamique avec des rayons de courbure privilégiés. Nous allons maintenant regarder la dynamique à une échelle de temps bien plus longue et analyser le devenir de ces pivots

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