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Vers une approche systémique de l’innovation : le « Plan Marshall » et les

Suite au processus de décentralisation politique de la Belgique, la Région wallonne a progressivement disposé de moyens plus importants pour le développement technologique sur son territoire. Avant le lancement des pôles de compétitivité (voir

65 section suivante), le financement de la recherche et du développement technologique (R&D) correspondait à deux grands modèles, concernant respectivement la recherche universitaire et la recherche industrielle, différents et autonomes l’un vis-à-vis de l’autre (Fallon et Delvenne 2009).

A côté des deux canaux différenciés de financement de la recherche et du développement technologique en Wallonie, le gouvernement wallon a initié un troisième mode de financement, ciblant des projets cette fois issus de partenariats entre universités et industries, dans le cadre du Plan Marshall et des pôles de compétitivité.

Le Plan Marshall a été élaboré et présenté par le Gouvernement wallon en 2005. Il comprenait un ensemble de mesures visant à « promouvoir la croissance économique, l’entrepreneuriat et la création d’emplois grâce à un focus sur l’innovation des entreprises régionales et la mise en place de partenariats entreprises-universités » (Charlier 2018, 83). L’objectif de ces mesures était d’arriver à un redressement économique durable de la Wallonie, prenant appui sur les atouts de cette dernière pour la ramener dans la moyenne des régions d’Europe les plus compétitives. Dès son lancement, le Plan a fait l’objet d’une intense communication, le présentant comme le cœur de l’action gouvernementale wallonne. Il s’agissait, à travers cette communication, de présenter la Wallonie dans son ensemble « comme une région proactive favorisant le développement d’activités économiques innovantes, et de susciter enthousiasme et adhésion à ce sujet », en proposant un discours mobilisateur autour de l’avenir des citoyens wallons (Charlier 2018, 83).

Le Plan s’accompagnait d’une hausse importante des budgets affectés à la recherche en Wallonie : plus d’un milliard d’euros de dépenses publiques ont été débloqués sur une période de quatre ans. Le Plan se composait de cinq axes : stimuler la création d’activités économiques, réduire la fiscalité sur les entreprises, soutenir la recherche et l’innovation, améliorer la formation et le taux d’emploi, et créer cinq pôles de compétitivité. La dernière mesure est souvent considérée comme la principale réalisation du Plan Marshall, en ce qu’elle a profondément changé l’approche et le paysage de l’innovation en Wallonie. Les pôles de compétitivité sont définis de la sorte :

Un pôle de compétitivité peut être défini comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche publiques ou privées engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des

66 synergies autour de projets communs au caractère innovant (Bayenet et Capron 2012, 81).

L’initiative du gouvernement wallon de mettre en place des pôles de compétitivité visait à créer des niches d’innovation pour faciliter la construction de partenariats entre entreprises et universités. Sur la base d’une étude universitaire, cinq domaines clés ont été identifiés par le Gouvernement wallon : sciences du vivant ; agro-industrie ; génie mécanique ; transport-logistique ; et aéronautique-spatial. Ces domaines ont été identifiés comme porteurs de croissance économique et de création d’emploi. Un appel à projet a été ouvert et une seule proposition par domaine a été retenue. La sélection s’est opérée avec le soutien d’un jury international commun aux cinq pôles, composé d’investisseurs, de financiers, de consultants et d’experts en formation. L’ensemble de ces membres ont été choisis par le Gouvernement.

Fallon et Delvenne (2009) proposent une « grille d’analyse du régime wallon de l’innovation et des transformations » dont il a été l’objet « suite à l’implémentation des pôles de compétitivité » (p. 412). Ce faisant, ils mettent en évidence les dynamiques qui ont émergé en Wallonie entre les parties prenantes de l’innovation et le régime existant. A travers cette analyse, il apparait que le modèle d’innovation diffusé par les pôles de compétitivité rompt avec une vision linéaire de l’innovation, héritée de l’après-guerre, et promeut une approche systémique. A travers cette approche, l’innovation est vue comme le produit de partenariats hybrides entre acteurs industriels et universitaires, qu’il convient de faire émerger par l’entremise de fonds publics. Cette logique rompt avec la représentation d’une science autonome, dégagée des contingences et travaillant rationnellement aux progrès de la connaissance (Fallon et Delvenne 2009).

La logique des pôles de compétitivité a conduit la politique de recherche et développement (R&D) à être inscrite en Wallonie, comme dans d’autres pays, au sein de la politique d’innovation, en soutien à la compétitivité des entreprises. L’idée était alors que les entreprises pourraient incorporer dans le développement de leurs produits de la connaissance issue de la production scientifique des chercheurs universitaires. À charge pour les pouvoirs publics de favoriser les interactions entre ces deux sphères, en agissant sur les conditions générales du régime d’innovation, en faisant évoluer le cadre institutionnel, les formes de financements et les pratiques de recherche.

Fallon et Delvenne (2009) ont montré que le modèle d’innovation qui transparait à travers la mise en place des pôles de compétitivité, s’il rompt avec une perspective

67 linéaire de la production d’innovation pour envisager cette dernière de manière systémique, est resté cloisonné dans une logique instrumentale de l’innovation. Dans ce cadre, le Plan Marshall et les pôles de compétitivité maintiennent la société à distance.

Après les élections régionales de juillet 2009, une nouvelle coalition en place jusque juin 2014 a élaboré un nouveau programme présenté comme la continuation et l’élargissement du précédent : le « Plan Marshall 2.vert ». Ce nouveau Plan Marshall intégrait des aspects centrés sur l’innovation en matière de développement durable.

L’année 2009 est également caractérisée par la volonté du Ministre Jean-Claude Marcourt (parti socialiste), alors en charge de l’Économie, de l’Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine44, de proposer un nouveau programme en matière d’économie

et d’innovation.

Section 1.3. Ouvrir l’innovation à la société : Creative Wallonia (2010)