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Approche prenant en compte la variabilité des propriétés de transfert des matériaux

Chapitre I Analyse Bibliographique

I.4. Approches et modèles de prédiction du comportement hygrothermique des matériaux poreux de

I.4.2. Approche prenant en compte la variabilité des propriétés de transfert des matériaux

environnementales

Les modèles précédemment cités adoptent une approche déterministe de prédiction du comportement hygrothermique des matériaux poreux de construction. Ils considèrent des paramètres d’entrée constants, des conditions aux limites statiques qui ne reflètent pas souvent la réalité,…etc. Or, avec le caractère hétérogène des matériaux poreux de construction en général et des matériaux cimentaires en particulier, ces approches ne sont pas toujours les plus réalistes. Dans cette partie du chapitre, nous nous sommes intéressés aux approches prenant en compte la variabilité des propriétés des matériaux de construction dans la prédiction de leur durabilité et de leur comportement hygrothermique. Avant l’établissement de cette approche dite "stochastique", une évaluation expérimentale de la variabilité des paramètres considérés est inévitable.

Dans ces travaux de recherche, De Larrard [117] a évalué la variabilité de quelques paramètres les plus influents sur la lixiviation du béton. Il a en effet, étudié la variabilité de la résistivité électrique, de la propagation des ondes ultrasonores, de la résistance en compression et de traction, du module de Young, de la porosité à l’eau et des épaisseurs dégradées au cours de l’essai de lixiviation accélérée. Il a aussi étudié la variabilité spatiale de la porosité à l’eau, du coefficient de tortuosité et du paramètre de thermoactivation globale de la cinétique de lixiviation. Les travaux de recherche de De Larrard s’inscrivaient dans le cadre d’un projet dit ANR RGCU "APPLET" (Durée de vie des ouvrages : Approche Prédictive Performantielle et Probabiliste) qui regroupait plusieurs chercheurs de différents laboratoires. Le principe de la campagne expérimentale d’APPLET était d’assurer un suivi longitudinal de deux chantiers réels, dont la construction était assurée par Vinci Construction. L’objectif était de proposer une caractérisation expérimentale pour plusieurs gâchées au cours de la réalisation du chantier. Les deux

85 chantiers sont le tunnel de l’A86 dans l’ouest parisien, et un viaduc aux alentours de Compiègne. Les résultats de cette campagne sont récapitulés dans [118]. Une étude de la variabilité de la résistance à la compression et à la traction, du module de Young, du coefficient de diffusion des chlorures, des isothermes de désorption de la vapeur d’eau ; de l’épaisseur du béton carbonaté ; de la résistivité électrique, de la porosité accessible à l’eau, des épaisseurs dégradées au cours de l’essai de lixiviation accélérée, de la tortuosité et de la perméabilité au gaz a été présentée.

La Figure I. 33 présente un résultat de l’investigation expérimentale du projet APPLET sur la variabilité de la teneur en eau à l’équilibre en fonction de l’humidité relative environnante et de la porosité accessible à l’eau. Defraeye et al. [119] ont étudié l’influence de la variabilité des propriétés hygrothermique de la brique et du plâtre sur le séchage. Ils ont à cet effet mené une campagne expérimentale d’identification de la variabilité des paramètres du modèle adopté dans leur étude (Tableau I. 12). La campagne expérimentale a été dédiée aux propriétés suivantes : la masse volumique à l’état sec; la chaleur spécifique à l’état sec ; la conductivité thermique en fonction de la teneur en eau ; le coefficient de diffusion de la vapeur d’eau et l’évolution de la teneur en eau en fonction de la pression capillaire.

Figure I. 33. (a) distribution statistique de la teneur en eau à l’équilibre du béton A1 [94, 118, 120] ;(b) Distribution de la porosité du béton A2 après un séchage à 105°C [118]

Feng et al. ont étudié la répétabilité et la reproductibilité des propriétés hydriques de quelques matériaux de construction. Ils ont conclu que :

- Les incertitudes sur les propriétés hydriques qui sont dues au caractère hétérogène du matériau étudié varient en fonction de la propriété étudiée et des conditions d’essai ;

- Les résultats de mesure (isotherme de sorption, perméabilité à la vapeur d’eau, teneur en eau à saturation, …) présente une bonne répétabilité ;

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- D’importantes incertitudes sur la reproductibilité des résultats et une grande différence des résultats d’un laboratoire à un autre ont été enregistrées.

Tableau I. 12. Propriété de transport de la brique et du plâtre : valeurs moyennes et écart type [119] Propriété Valeur moyenne Brique Valeur moyenne Plâtre Écart type

2005 790 1% 840 870 5% 0,5+0,0045 w 0,2+0,0045 w 5% // 18% sur 5% sur

Dominguez-Miñoz et al. [121] ont évalué la variabilité de la conductivité thermique des matériaux isolants. Ils ont relevé à cet effet une importante variabilité. Une comparaison inter-laboratoires (six laboratoires) des propriétés hydrique (porosité, diamètre critique de pore, isotherme d’adsorption et de désorption, résistance à la vapeur d’eau) a été entreprise. Cette étude a été menée sur trois matériaux poreux de construction : panneau de silicate de calcium, brique céramique et béton cellulaire. Ces essais ont été réalisés dans le cadre du projet HAMSTAD [121]. Les conclusions de ce projet sont :

- De fortes reproductibilités des résultats de porosité et de masse volumique ont été enregistrées ;

- Les résultats de sorption ont été moins fiables que prévu ;

- La variabilité du diamètre critique des pores obtenue par l’essai d’intrusion au mercure est importante pour les matériaux à forte hétérogénéité (brique) ou pour les matériaux à structure complexe ;

- Les résultats sur la résistance à la vapeur d’eau des différents matériaux ont montré une variabilité extrêmement élevée malgré l’utilisation de la même norme expérimentale.

Après avoir pu quantifier les différentes variabilités qui dépendent du phénomène étudié, les auteurs ont eu recours aux méthodes probabilistes afin d’intégrer ces variabilités dans leur modèle de prédiction du phénomène étudié. Plusieurs techniques existent pour arriver à cette fin qui dépend du type de variabilité et de sa cause :

87 - Le cas le plus courant est de présenter une grandeur par une loi de distribution (densité de probabilité de la variable aléatoire). Cette démarche est applicable dans le cas des incertitudes dues à la précision de mesure du banc expérimental, à la non répétabilité et reproductibilité des mesures, à la différence de mesure entre un équipement et un autre et entre chaque norme utilisées,…etc. Ces variables ainsi constituées sont supposées représenter les variabilités des paramètres sur toute la structure considérée ou sur une partie de celle-ci. Un certain nombre d’études ont adopté cette démarche. Peuvent être citées [122, 123, 124, 125] ;

- Représenter la variabilité sous forme de champs aléatoires corrélés : si la grandeur étudiée dépend de l’espace ;

- Représenter la variabilité avec des processus aléatoires qui décrivent l’évolution d’une grandeur aléatoire en fonction du temps.

Bien qu’étant plus complète qu’une approche déterministe, une approche probabiliste comporte certaines difficultés. Il est nécessaire par exemple d’analyser toutes les sources possibles d’incertitudes. Celles-ci peuvent avoir des origines variées :

- Incertitude sur la géométrie et les dimensions de la structure étudiée ; - Incertitude sur le modèle physique décrivant le phénomène ;

- Incertitude sur les actions extérieures (humidité relative, température, endommagement,…) ;

- Incertitudes numériques (discrétisation, schémas d’intégrations,…) ; - Incertitude sur les propriétés thermophysiques du matériau étudié.

Dans cette partie on va s’attarder aussi à définir les outils de base d’une modélisation probabiliste : variables aléatoires, champs aléatoires, fonction de covariance …etc.

Le phénomène aléatoire

Un phénomène est dit aléatoire si, reproduit maintes fois dans des conditions identiques, il se déroule chaque fois différemment de telle sorte que le résultat de l’expérience change d’une fois sur l’autre de manière imprévisible.

Espace probabilisé

Un espace de probabilité(s) ou espace probabilisé est la donnée d’une probabilité à tout événement tangible. Ce sont des espaces de la forme (Ω, F, P). Définissons chacun des sous espaces. Ω est appelé l’univers, c’est l’ensemble des événements possible. Les éléments de F sont appelés les événements, c’est un sous ensemble de Ω. Finalement P est appelé probabilité

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ou mesure de probabilité. La Figure I. 34 illustre un problème de probabilité avec comme variable aléatoire ; Ω est l’ensemble des observables et la mesure de probabilité.

Figure I. 34. Exemple d’un problème de probabilité [126]

Variables, vecteurs et champs aléatoires

Une variable aléatoire est une fonction définie sur l'ensemble des éventualités, c'est-à-dire l'ensemble des résultats possibles d'une expérience aléatoire, c’est une fonction mesurable (f) d’un espace probabilisé (Ω, F, P) vers un espace mesurable (E, M) (ou M est une tribu de E). C’est toute application :

I. 74

La différence entre l’appellation entre variable et champ vient des dimensions de M. Par exemple si f(Ω) est à valeur dans . On appelle (f) une variable aléatoire réelle pour N=1 et un champ aléatoire pour N>1.

On peut également définir la densité de probabilité d’une fonction ou variable aléatoire, c’est une fonction qui permet de représenter une loi de probabilité sous forme d’intégrales. On dit qu’une fonction est une densité de probabilité d’une variable aléatoire réelle si : :

I. 75

P étant toujours la mesure de probabilité associée à F.

Dans le cas de variable à densité de probabilité, on peut également définir ces deux moments statistiques :

- L’espérance : tire sa définition de la question légitime que l’on peut se poser à propos d’une variable aléatoire "quelle est la valeur espérée ou attendue pour X ?".

89 Lorsque f est un champ, il faut faire attention à ne pas confondre entre l’espérance et la moyenne.

- La variance : elle est définie par l’équation suivante :

I. 77

Les champs gaussiens corrélés

Avant de définir les champs gaussiens, définissons tout d’abord les variables aléatoires gaussiennes.

Une variable aléatoire réelle est une variable gaussienne d’espérance et d’écart type strictement positif (donc de variance si elle admet comme fonction de densité , pour tout réel :

I. 78

Une variable gaussienne est donc entièrement définie par les deux paramètres et . On note habituellement cela de la manière suivante :

I. 79

Dans ce cas, on dit que suit une loi normale d’espérance μ et de variance . Si l’espérance et la variance ; on dit que suit une loi normale (gaussienne) centrée réduite et on écrit :

I. 80

Un champ gaussien est tel que :

I. 81

Ce champ gaussien est entièrement défini par ses moments d’ordre 2, c'est-à-dire l’espérance et la variance, ainsi que par sa fonction de covariance.

Les champs gaussiens corrélés sont des champs dont la valeur de ce dernier en un point est dépendante des valeurs aux points voisins. Ils sont très utilisés en pratique malgré le support non borné.

La covariance est un nombre permettant d’évaluer le sens de variation de deux variables et de quantifier le degré de dépendance de ces variables. Si deux variables aléatoires sont totalement indépendantes alors leur covariance est nulle. La corrélation (la dépendance) entre les valeurs en deux points est définie par sa fonction de covariance. Pour un champ gaussien cette fonction est défini par :

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I. 82 La modélisation d’un champ aléatoire nécessite une discrétisation, c’est à dire une approximation avec un ensemble fini de variables aléatoires collectées dans un vecteur aléatoire. Les principales méthodes de discrétisation peuvent être classées en trois groupes : (i) discrétisation par point : Méthode du point central, méthode des fonctions de formes, méthodes utilisant les points d’intégration et la méthode d’estimation linéaire optimale ; (ii) discrétisation moyenne ;

(iii) développement en série : méthode de Karhunen-Loève (méthode adopté dans notre travail, voir chapitre IV) [127, 128], développement en séries orthogonales [129] et Extension de la méthode d’estimation linéaire optimale (EOLE) [130].