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Approche des distances réelles (ou distances pondérées)

A. Cadre de l’étude géostatistique des gravures

2. Approche des distances réelles (ou distances pondérées)

La distribution des roches gravées, des thèmes ou plus généralement des gravures, a été le sujet de plusieurs hypothèses parfois contradictoires. En ce qui concerne l’environnement géographique des roches, les chemins, les sommets et les lacs, ont tous, à un moment donné, été invoqués pour expliquer la distribution géographique des roches gravées221. Si beaucoup

de choses ont été dites, finalement peu ont été quantifiées (Barral, Simone 1990, 1991, Lumley et al. 2003a, 2003b).

Le SIG permet de calculer des distances euclidiennes (à vol d’oiseau) ou des distances pondérées par différents facteurs (relief, obstacles naturels, etc.). Il est évident qu’en milieu montagnard - et à plus forte raison dans un espace aussi morcelé que celui du secteur des Merveilles - les distances pondérées ont l’avantage d’être plus réalistes que les distances euclidiennes. Pour les calculer, il faut faire le produit cartésien entre une carte des coûts et une vitesse de déplacement.

Carte des coûts

La carte des coûts est un fichier raster dans lequel chaque pixel se voit attribuer une valeur en fonction de sa difficulté de franchissement. Dans notre étude, seule l’inclinaison de la pente et

221 Ainsi, pour P. Barocelli, C. Conti et E. Bracco, les plus grandes densités de gravures se trouvent dans le fond des vallées, autour des nombreux lacs et des gias (Barocelli et al. 1939 p. 11). Pour N. Lamboglia, les gravures sont concentrées autour du mont Bego, les gravures des secteurs périphériques (col du Sabion et Valmasque) se rangeant le long des voies de passage venant de Cuneo (Lamboglia 1947 p. 9-10, 17). H. de Lumley, M.-E. Fonvielle et J. Abelanet écrivent en 1976 que le choix de l’emplacement des roches semble relever du hasard, mais la proximité des chemins et l’aspect lisse des surfaces gravées sont présentés comme des facteurs favorisant la gravure (Lumley, Fonvielle, Abelanet p. 56). Pour C. Chippindale, la distribution des gravures de la région du mont Bego est principalement due à la distribution des supports aptes à être gravés (aspect, nature géologique, couleur). Il met également en relation les concentrations de gravures et les zones de pâturage (Chippindale 1988 p. 263, 264). Selon J. Bégin, il y a une adéquation entre les répartitions des gravures et celle des sentiers (Bégin 1990 p. 252). Plus tard, la chercheuse attribuera également un rôle structurant aux lacs (Bégin 2002 p. 13). O. Romain semble reconnaître une organisation des armes autour du pic des Merveilles, dans le secteur éponyme, et pour Fontanalba, une concentration plus forte des gravures à proximité du mont Bego (Romain 1991 p. 229, 230). Pour L. Barral et S. Simone, les dalles sont « plutôt concentrées » que « dispersées », « sur pierriers plutôt que sur pâturages ». Ils dénombrent quelques 170 « ilots » dans le site. Selon eux, les plus fortes concentrations en dalles gravées seraient liées aux voies de passage (Barral et Simone 1990 p. 111, Barral et Simone 1991 p. 136). T. Serres écrit que la répartition des gravures varie en fonction du relief et de l’altitude, le site se divisant ensuite en différents ensembles aux caractéristiques iconologiques propres (Serres 1994, Serres 2001). Pour lui, la répartition des gravures « n’est pas aléatoire ». Il attribue les différentes unités archéo-géographiques - définies sur la base d’associations répétées de gravures - à différents groupes ayant différents modes d’expressions, tout en reconnaissant que les aspects chrono-culturels de leur succession lui échappent encore (Serres 2001 p. 285, 519). Pour H. de Lumley et al., la grande majorité des roches gravées se situe à proximité des lieux de passage, cols et chemins. Par ailleurs, le nombre d’armes irait croissant vers les sommets (Lumley et

la présence de plans d’eau sont considérées comme des paramètres entrant dans le calcul de la carte des coûts222.

On progresse naturellement plus vite sur un terrain plat ou légèrement incliné que dans une montée abrupte : pour nous, il est donc deux fois plus rapide de marcher sur un terrain plat que de marcher sur un terrain de 20° de pente223. Les lacs et les mares sont infranchissables et

seront contournés lors du calcul des distances pondérées224.

Compte tenu de la qualité des données topographiques pour l’ensemble du site et faute de temps, nous restons en deçà du calcul d’une carte des coûts très précise en choisissant une unité de terrain de 100 m2 de superficie (10 x 10 m).

Vitesse de déplacement

On postule que seule la marche a été utilisée pour se déplacer dans le site. Sur terrain plat, la vitesse de marche est estimée à 5 km/h, soit environ 83 m parcourus par minute.

Calcul des distances pondérées

Carte des coûts et vitesse de déplacement permettent de produire une carte des distances pondérées. Chaque pixel de celle-ci se voit attribuer une valeur qui est la somme cumulée du coût du trajet minimal depuis le ou les points de départs (Figure 4).

222 Une cartographie plus précise que celle proposée ici permettrait de distinguer les zones à franchissement facile (couloirs herbeux) des zones plus difficilement franchissables (zones d’éboulis, ru ou cours d’eau permanents, zones d’affleurements, etc.).

223 Les difficultés sont considérées comme identiques (isotropie) quelle que soit la direction dans laquelle cette pente est prise (en montée, en descente, latéralement).

224 Pour l’ensemble du site, les torrents sont généralement franchissables au cours de l’été (étiage) : seuls quelques passages, comme celui entre les lacs Longs, pourraient faire barrière. Les tourbières, bien qu’évitées par les chemins actuels, peuvent être normalement traversées à l’exception de leur centre.

Figure 4. Carte des distances pondérées et des plus courts chemins depuis le refuge des Savants vers des roches gravées ou des gias.

A titre d’exemple, on lit sur la carte des distances pondérées (Figure 4) que la roche ZV.GII.R 1 est située à un peu moins de 4 minutes (3’43’’) de marche du refuge des Savants, le gias des cercles de pierres à 6 minutes (6’13’’), le gias du Ciari à environ 7 minutes (7’06’’), la Stèle du Chef de Tribu à 15 minutes (15’08’’) et les abords du lac des Merveilles à 17 minutes (16’45’’).

Ces observations ont pu être confrontées à des données empiriques : elles représentent des durées généralement optimistes (temps de trajet sous-estimé) pour un marcheur moyen.

Carte des allocations

En même temps que la carte des distances pondérées, une carte des allocations est générée par le SIG. Cette dernière permet, pour chaque roche gravée, de connaître l’entité géographique la plus proche225.

Chemins pratiqués et chemins théoriques

Depuis le refuge des Savants, il est habituel d’emprunter un petit nombre de chemins pour se rendre sur les différentes roches gravées. Logiquement, ces chemins ont été choisis pour être les moins coûteux en temps et en énergie pour accéder à la destination souhaitée. Ces chemins, qui ont été cartographiés, peuvent être comparés à ceux générés par l’algorithme

Shortest Path d'ArcGIS.

Dans l’exemple suivant (Figure 214), l’écartement entre le chemin réel (le sentier des Savants, en gris) et celui calculé (en noir) s’explique par la présence d’une variable négligée dans le calcul : une tourbière. Dans le cas empirique celle-ci est contournée par l’amont, dans le cas théorique, elle est franchie directement. La distance parcourue entre le Refuge et la roche est de 165 m dans le cas réel et de 163 m dans le cas théorique. Soit une différence de ± 2 % entre ces deux valeurs.

Nous présentons un autre exemple effectué pour de plus grandes distances (Figure 218). Nous avons calculé le plus court chemin entre le refuge des Savants (aux Merveilles) et le refuge des Gardes (à Fontanalba) pour savoir si ce chemin passerait par la baisse de Valmasque ou par celle de Valaurette. Le résultat nous a surpris mais est plausible d’après nos informations, du moins pour une de ces parties226. Qui plus est, lorsque le chemin calculé parvient dans le

secteur de Fontanalba, il passe au centre de roches gravées formant une aire de forme oblongue entre le Grand Ravin et la cime Pollini.

Données manquantes

La pondération des distances en fonction de la présence de lacs et/ou de pentes implique qu’une partie des roches gravées a été exclue du calcul : les roches se situant sur des pentes supérieures à 50°227 et les roches aujourd’hui immergées228.

Au total, nous comptons 115 roches, soit moins de 3 % de l’ensemble des roches gravées, pour lesquelles nous n’obtenons pas de valeurs liées aux distances pondérées.

226 Ce chemin ne passe pas par la baisse de Valmasque comme nous l’avions prévu mais privilégie - après avoir dépassé le lac des Merveilles - la montée puis le plateau de la zone XI. Le passage dans le secteur de Fontanalba se fait en redescendant les éboulis sous la cime Pollini. Cette descente a déjà été empruntée (F. Villain com. pers.).

227 Si on s’intéresse aux spécificités de ces roches qui se retrouvent sur de telles pentes, on s’aperçoit que le principal facteur est l’imprécision locale du MNT (la moitié des roches). La position géographique approximative des roches gravées concerne un autre quart d’entre elles. Au contraire, on trouve que le dernier quart des roches non renseignées se trouve entouré de parois « infranchissables » (i.e. d’inclinaison supérieure à 50°) qui ont été très précisément topographiées (comme pour la Roche de la Danseuse). Dans ce dernier cas le seuil de 50° semble injustifié.

B. Calcul des descripteurs extrinsèques et intrinsèques des roches