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CHAPITRE I. DE L'H YDRODYNAMIQUE DE D. BERNOULLI À LA CRISE

2. L'appro he analytique

L'Essai sur la résistan e des uides de D'Alembert (1749-1752)

Le fran hissement de e ap théorique majeur, D'Alembert s'y attelle lui-même quelquesannées plus tard à l'o asion du prix proposé en 1748 pour l'année 1750 par l'A adémiedeBerlinsurlathéoriedelarésistan equesourentles orpssolidesdans leurmouvement,enpassantpar unuide, tantparrapportàlagureetauxdivers de-grésdevitessedes orpsqu'àladensitéetauxdiversdegrésde ompressionduuide. Le manus rit en latin

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qu'il soumet à lan de l'année 1749, de même que les autres piè es on urrentes, ne sont pas retenues par e qu'elles ne répondent pas à la ques-tionde la on ordan e entre lathéorieetl'expérien e.Le prix est alors reporté, e qui provoqueles foudresde D'Alembert, suspe tant Euler, ommissaireetauteurdu sujet, d'avoirusédesoninuen edans etteaaire. Lesavant françaisretiredon nalement sapiè e du on ours, latraduit en français, l'enri hit de plusieurs additions, avant de lafaire paraîtreen1752 sousletitred'Essai d'unenouvelle théoriedela résistan e des uides

53 .

Dans e se ond traité d'hydrodynamique, D'Alembert propose une théorie qui a l'avantageden'êtreappuyéesurau unesuppositionarbitraire.Jesupposeseulement, explique-t-il,qu'unFluideestun orps omposé departi ulestrès-petites, déta hées, & apablesdesemouvoirlibrement

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.Ilsoumetenfaitlesquestionsdel'équilibre,du mouvementetdelarésistan edesuides àunetoutenouvelle appro he,quenous qua-lieronsd'analytique.Inspirépar laThéoriedela gure dela Terre (1743)de Clairaut, etdansla droite ligne de la théorie proposée dans ses Réexions sur la ause générale desvents (1747)

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,ily onçoit haqueélémentdeuide ommeunvolumeinnitésimal animéparunevitessedépendant,enplusdutemps,dedeuxvariablesd'espa e,detelle

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D'Alembert,Theoriaresistentiaequampatitur orpusinuidomotum,exprin ipiisomninonoivs etsimplissimisdedu ta,habitarationetumvelo itatis,gurae,etmassae orporismoti,tumdensitatis & ompressionispartiumuidi,Berlin-Bradenburgis heAkademiederWissens haftenAkademiear hiv, I-M478.

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VoirG.Grimberg, D'Alembertetles équationsaux dérivéespartielles enhydrodynamique, Thèse deDo torat,UniversitéParis7,1998.L'historienyétudienotammentle ontenudumémoirelatinde 1749.Ilenétablitunetableanalytiquedétaillée,etle ompareàl'ouvragepubliéen1752.

Dans deux de esadditions, orrespondant aux hapitres VIII et IX de l'Essai sur la résistan es des uides, D'Alembert applique respe tivement sa théorie analytique au problème de l'é oulement d'unuide in ompressible à l'intérieur d'un vase ouvert en ses deux extrêmitéset à laquestion du mouvementdesrivières.

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D'Alembert,Essaisurlarésistan edes uides,1752,Introdu tion,p.xxv-xxvj. 55

Voir,sur etouvrage,G.Grimberg,D'Alembertetleséquationsauxdérivées partielles en hydro-dynamique,Thèse de Do torat,Université Paris 7, 1998, p.183-194,etO. Darrigol, Worlds of ow,

sorte quele al ulauxdérivées partiellespuisseyêtreappliqué. Ilpose,autrement dit, lesprémi es du on eptde hampdevitesse, sedébarrasse del'en ombrantehypothèse du parallélisme des tran hes et parvient à un système de deux équations auxdérivées partielles (EDP) orrespondant, en termes modernes, à l'équation de ontinuité et à l'équation ara térisant uné oulement plan in ompressiblepotentiel.

Il ne manque pas,en outre, d'y faireremarquer qu'illui 56

est tombé entre lesmains il yaquelquestemps, une Théorie manus rite sur le ourantdesrivières;laMéthodequel'Auteur employe,quoique moinssimple, e mesemble,&moinsexa tequelamienne,anéanmoinsquelque hosede ommun ave elle; mais je suis en était de prouver que j'avois trouvé les Prin ipes sur lesquelsestappuyéemaMéthode,dèslandel'année1749, 'est-à-direplusd'un anavantqueleMémoiredontils'agitmetombâtentre lesmains.

Les prin ipaux mémoires d'Euler 57

D'Alembertfaitainsiréféren eauxRe her hessurlemouvementdesrivières 58

, un mémoire manus rit d'Euler daté d'août 1750 dans lequel il voit un plagiat de sa théorie analytique. Dans et é rit, omme le montre l'historien G. Grimberg

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, le sa-vant berlinois s'inspire en eet de la méthode proposée par son onfrère français à l'o asionduprix de 1750

60 .

Lorsqu'il prend onnaissan e de lapiè e latine de D'Alembert au début de l'année 1750, Euler vient par ailleurs de présenter son mémoire Sur le mouvement de l'eau

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D'Alembert,Essaisurlarésistan e desuides,1752, hap.IX,p.189. 57

Lesdiérentsmémoiresd'Euler itésdans eparagraphesontétudiésparC.Truesdelldans Ra-tionaluidme hani s,1687-1765,OperaOmnia,sérieII,vol.12,1954.

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HAB année1760 (1767),p.101-118;Opera Omnia,sérieII,vol. 12,p.54-91;mémoireprésenté le6mai 1751 devant l'A adémie deBerlin(E332). D'aprèsC.Truesdell,lapubli ationtardivede e mémoireindiqueraitqu'Eulernesouhaitaitpaslepublier.

Laguerredeseptans,quidébuteen1756etsetermineen1763,ad'importantesréper ussionssur ledélaidepubli ationdesvolumesdemémoiresetd'histoiredesA adémiesdeBerlinetdeParis.Ce délai,habituellementdedeuxoutroisans,atteintsouventsixouseptansau oursde ettepériode.

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D'Alembertetles équations aux dérivées partielles en hydrodynamique, Thèse deDo torat, Uni-versitéParis7,1998.

60

Ces diversévènements onduisentnalementàunerupturedeplusd'unedizaine d'annéesentre les deuxhommes. Leur orrespondan es'interrompten eetsurunelettre àEuler du 10septembre 1751 etreprendrasuite àleur ren ontre àBerlin lors du voyage deD'Alembert enPrusse de juin à septembre1763.Iln'yseraplusjamaisquestiond'hydrodynamique.Pourplusdedétailssur esdivers épisodes, voirlesp.310-315del'éditionannotéedelaCorrespondan e de Leonhard Euler ave A.C. Clairaut,J.D'AlembertetJ.L.Lagrange,publiéeparP.Ju²kevi£ etR.Taton,inOperaOmnia,série IVA,vol.5,BirkhäuserVerlag,Bâle,1980,etR.Taton,D'Alembert,Euleretl'A adémiedeBerlin,

danslestuyauxde onduitedevantl'A adémiedeBerlin 61

.Ils'y onsa reàl'étudedes é oulementsdansl'hypothèse duparallélisme. Al'instardeJeanBernoulli,saméthode de miseen équation reposesur l'appli ation de e que nousappellerionsla se onde loi deNewtonaumouvementd'unetran heinnitésimaledeuide.Aladiéren edes Ber-noullisetde D'Alembert, elle faitintervenir le on eptdepression interne:ilparvient, efaisant,à laformulationmodernede l'a tuelle loi deBernoulli.

Cette appro he fondée sur l'emploi de la se onde loi de Newton et sa maîtrise du on ept de pression interne lui permettent ainsi, tout en s'en inspirant, de parfaire la méthode analytique introduite par D'Alembert. A la suite de ses Re her hes sur le mouvementdesrivières,ilaboutitainsiàlaformulationtridimensionnelledel'équation d'Euler pourunuideidéaletin ompressibledanslemémoirePrin ipiamotus uido-rum

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,puisà laversion ompressible de lamême équationdansson élèbremémoire présenté en 1755 devant l'A adémiedeBerlin etintituléPrin ipes generauxdu mou-vement desuides

63 .

La résolution des EDP obtenues

Quoique le génie de D'Alembert et d'Euler ait ainsi permis d'établir, en quelques années, les équations dont nous nousservonsen ore ouramment de nos jours, il n'en reste pas moins que les outils mathématiques de l'époque ne permettent pas de les résoudre.Eulern'enfaitau unmystèredanssestravaux.Quant àD'Alembert,ilavoue demême, dès1752,qu'après

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avoirsa riéàlasûretédesprin ipeslafa ilitédu al ul,jedevaisnaturellement m'attendrequel'appli ationdu al ulà esmêmesprin ipesseroitfortpénibles,et 'estaussi equim'estarrivé.Ilmeparoîtmêmetrèsvraisemblable,quedumoins en ertains aslasolutionduProblèmeserefuseraentièrementàl'Analyse.

Pour autant, les deux géomètres n'en restent pas là et se pen hent don , l'un omme l'autre, sur e problèmedesplus déli ats.

Dans la foulée de ses Prin ipes generaux du mouvement des uides , Euler onsa re ainsi l'imposant mémoire Continuation des re her hes sur le mouvement des uides

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à la poursuite de ses travaux. Il y établit notamment les EDP

gouver-61

HABannée1752(1754),p.111-148;OperaOmnia,sérieII,vol.15,p.219-250;mémoireprésenté le23o tobre1749(E206).

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Mémoires de Petersbourg, vol. 6, 1761, p. 271-311; Opera Omnia, série II,vol. 12, p. 133-168; mémoireprésentéle31août1752 devantl'A adémiedeBerlin(E258).

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HAB année1755 (1757),p.274-315;OperaOmnia,sérieII,vol.12, p.54-91;mémoireprésenté le4septembre1755 devantl'A adémiedeBerlin(E226).

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D'Alembert,Essaisurlarésistan edes uides,Introdu tion,p.xxxiv. 65

nant lemouvement d'unuideidéalin ompressibleet ompressible,soumisàdesfor es quel onquesets'é oulant àl'intérieur d'un analinniment étroitdegure variable. Il parvient, e faisant, à l'expression générale de la loi de Bernoulli pour un é oulement instationnaire onsidéréselontroisdimensionsd'espa e,maisbutesursarésolution,en parti ulier dans le as ompressible, ne sa hant dé ouvrir l'intégrale de ette équa-tiondiérentielle;d'oùdépend ependanttouteladéterminationdumouvement

66 .Il pro èdedon àl'examend'unesériede asparti uliersande réduirela omplexitédu problème dansle as général, ne boudant pas, au passage, le plaisir de faire voir om-ment ses propres équations permettent de retrouver elles obtenues par son onfrère français.

Ses re her hes dans e mémoire s'avèrent en fait admirablement ri hes en dé ou-vertes dupoint devuede l'établissement deséquationsgouvernant lemouvement d'un uide

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,maisglobalement infru tueusesetpeu poussées pour e quiestde leur résolu-tion. Il ne pro èdera pasà denouvelles tentatives.

D'Alembert fait preuve, de son té, d'une plus grande perservéran e, notamment dans le domaine mathématique, puisqu'il ne dédie pas moins de deux ents pages de re her hes à la résolution du systèmed'EDP obtenu dansl'Essai sur la résistan e des uides. Le Mémoire 4 de ses Opus ules t. I (1761) en onstitue le point de départ, les Mémoires 31, 32 Ÿ II et33 des Opus ules t. V (1768), de ri hes et fertiles développe-ments.

Dans le premierde es textes,lesavant présentenotamment une méthode de réso-lution lui permettant d'aboutir, dans un as parti ulier, à une expression générale de l'équation deslets, 'est-à-dire deslignesdu ourant du uidedans levase. Cette équation, ependant, ne onstitue pas une solution du problème. Elle dépend entière-ment d'unefon tion dedeuxvariablesdont ladétermination ferad'abord l'objetd'une intense dis ussionentreD'Alembert etLagrange, dansle adrede leur orrespondan e  leurs ontributions respe tives à et é hange sont respe tivement publiées dansles mémoiresintitulésExtraitdediérenteslettresdeM. D'AlembertàM.deLaGrange é rites pendant les années 1764 & 1765

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et Solution de diérents Problèmes de al ul intégral

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. La question est ensuite de nouveau abordée par D'Alembert dans

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HAB année1755 (1757),art.XXV,p.329. 67

Pourplusdedétails,voirC.Truesdell,Rationaluidme hani s,1687-1765,1954,p.XCI-C. 68

Mélanges deTurin,t.III,pourlesannées 1762-1765,1766,p.381-396. 69

Mélangesde Turin,t.III,pourlesannées1762-1765,1766,p.179-380;×uvresdeLagrange,t.I, p.471-668.

Dansl'art.XLIIIdesonmémoireAppli ationdelaméthodeexposéedanslemémoirepré édentà lasolutiondediérentsproblèmesdedynamique(MélangesdeTurin,t.II,pourlesannées1760-1761, 1762,p.196-298;×uvres deLagrange,t.I,p.365-468),Lagrangedonneparailleursun ommentaire ritiqueduMémoire4deD'Alembert:voir,pourplusdedétails,A.Coste,A.Guilbaud,présentation etannotationduMémoire4danslevol.III/1des×uvresComplètes deD'Alembert,Opus ules

Ma-lesMémoires31 et33,puis dansleMémoire57 ŸVII,art. 14-34, desOpus ules t.VIII (1780). La méthode du Mémoire 4 qui en est à l'origine l'in ite également à proposer une voie intermédiaire entre l'appro he analytique et l'appro he du parallélisme des tran hes. Elle le onduit enn, omme il l'explique dans l'Avertissement du t. V des Opus ules,à démontrer mathématiquement l'impossibilité deréduire au al ul,dans un très-grand nombre de as, les loix du mouvement des uides

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. Elle est don in-téressante à plus d'untitre. Elle nous permettra à la fois de ara tériser sa démar he fa e à la résolution d'un problème physi o-mathématique faisant intervenir des EDP, etde pré iser les ontours de sa notion de solution.Elle nousin itera également à re onsidérerl'importan e duMémoire4 vis-à-visdeses ontributions ultérieures. Nous aborderons esdiérentsaspe tsdansle hapitreIVetlapremièrepartiedu hapitreV. Ces textes ontiennent par ailleurs de notables dé ouvertes dans le domaine phy-sique:l'énon éde e quenous onsidérerionsaujourd'hui ommeun orollairedu théo-rèmede onservation de la ir ulationde Kelvin

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etl'introdu tion delafon tion ou-rant dans le Mémoire 4

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, ainsi que l'annulation du Lapla ien de la fon tion ourant dansle aspotentieldansleMémoire33 Ÿ III

73 .

Le mémoire 34 Ÿ I desOpus ules t.V, possède, quant à lui,un statut quelque peu parti ulier. Le savant revient, dans et é rit, sur lathéorie de la résistan e des uides publiée en 1752 et énon e, à ette o asion, son élèbre paradoxe, dit de D'Alembert, relatif à la résistan e éprouvée par un orps solide immergé dans un uide en mouve-ment.La questionfera l'objetd'é hangesépistolaires et ontradi toires ave Lagrange, dont leMémoire 57Ÿ XIII onstitue unprolongement.

3. La rise de l'hydrodynamique des années 1770

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