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Les apprentissages sur l’approche de recherche et les méthodes participatives

6 Résultats additionnels : les effets de la participation

7.3 Les apprentissages sur l’approche de recherche et les méthodes participatives

Cette section rapporte des apprentissages personnels sur l’approche de recherche participative et les méthodes participatives utilisées dans la présente étude, pour les personnes intéressées par cette approche ou ces méthodes.

Concernant les méthodes, la méthode de présentation de problèmes, utilisée pour animer les rencontres de groupe, nécessite un engagement dans le milieu pour comprendre les intérêts et préoccupations des personnes et développer la méthode pour favoriser la compréhension des situations et l’action (Freire, 1978, 1996; Kamberelis et Dimitriadis, 2011). Entre autres, dans la présente étude, pour l’activité basée sur le jeu de rôle, la facilitatrice aurait pu inviter les personnes à changer de rôle puisqu’il est possible que les personnes aient joué un rôle avec lequel elles sont plus familières, par exemple, le rôle de la personne qui réagit lorsqu’elle reçoit un service et qu’elle est mal traitée. Par ailleurs, l’activité où les personnes étaient invitées à dire ce qui nuit le plus à leur santé en une

minute a permis de faire ressortir des problématiques centrales pour ces personnes. Le manque d’expérience dans la pratique de la méthode de présentation de problèmes peut être balancé par des échanges réguliers avec une personne ayant mis en pratique cette méthode. Les échanges entre une telle personne et l’auteure, entre les rencontres de groupe pour la collecte des données, ont permis à l’auteure de mieux déterminer les activités à faire et les questions à poser aux rencontres suivantes pour favoriser la compréhension et l’action.

Pour l’analyse des données avec les participants et participantes, ces personnes devraient pouvoir écouter les enregistrements et lire les transcriptions. Dans la présente étude, l’analyse des données avec les participants et participantes a permis non seulement des interprétations plus représentatives des expériences et perceptions des personnes, mais aussi des découvertes personnelles. En effet, une participante a fait une découverte pour et par elle-même en lisant les transcriptions (voir le chapitre 6). De manière similaire, l’écoute des enregistrements par les participants et participantes pourrait permettre des découvertes personnelles.

Alors qu’il avait été prévu que l’analyse des données avec les participants et participantes se déroule pendant la collecte des données, cela n’a pas été possible car l’auteure n’avait pas complété les transcriptions. Il aurait été plus efficient pour l’auteure de faire appel à des services professionnels de transcription, en particulier pour les parties des transcriptions ayant été analysées avec les participants et participantes. Par ailleurs, un participant a dit à la première rencontre de groupe pour l’analyse des données que même si les transcriptions n’étaient pas complétées, les participants et participantes auraient pu écouter les enregistrements et cela aurait pu faciliter la lecture des transcriptions. Il est possible de se demander si l’analyse des données avec les participants et participantes pendant la collecte des données aurait limité l’approfondissement des sujets par les participants et participantes lors des rencontres pour la collecte des données, en étant en même temps dans un processus d’analyse.

Concernant les transcriptions, celles-ci devraient exclure les hésitations et les phrases interrompues qui alourdissent le texte et rendent la lecture difficile pour les participants et participantes. La question liée à la possibilité de lire les transcriptions chez soi devrait être discutée avec les participants et participantes au moment de l’analyse des données. Dans la présente étude, l’auteure avait abordé la question à la première rencontre

de groupe pour la collecte des données et cela avait créé une tension dans les échanges, entre ceux et celles en accord ou en désaccord avec l’idée. La question a été à nouveau abordée à la première rencontre de groupe pour l’analyse des données, cette fois-ci, par les participants et participantes (voir le chapitre 4). Il était difficile pour les participants et participantes qui se connaissaient peu initialement de répondre à cette question à la toute première rencontre de groupe.

Concernant l’approche de recherche participative, celle-ci nécessite un profond désir de comprendre, d’apprendre et d’agir avec les autres (Freire, 1982). Cette approche nécessite aussi d’être réaliste par rapport à l’action, pour ne pas vivre une déception et un découragement. En effet, du temps est nécessaire pour progresser vers la conscience critique et l’action, pour développer entre autres la confiance en soi, la croyance en l’action individuelle ou collective, le sentiment de communauté, incluant le soutien social, le but commun et la confiance, et le leadership personnel et collectif (Wiggins, 2012; voir aussi la section précédente). Certains contextes peuvent limiter la progression vers la conscience critique et l’action, comme un faible sentiment de communauté ou des barrières structurelles élevées (Wiggins, 2012).

Au début de la présente étude, les participants et participantes ne se connaissaient pas bien et certaines personnes avaient une méfiance ou une peur du jugement ou du rejet. Une période de temps a été nécessaire pour se connaître et établir la confiance. De plus, les personnes n’étaient pas initialement mobilisées à l’égard des problèmes vécus, la majorité vivait un isolement social et certaines avaient une faible confiance en soi. Aussi, les personnes vivaient ou percevaient leur situation de manière différente, ce qui pouvait limiter le développement d’un « but commun ». Entre autres, alors que certaines personnes acceptaient leur situation, d’autres ne l’acceptaient pas complètement. Le sentiment de communauté pourrait être faible dans les milieux où les personnes vivent davantage l’isolement social, bien qu’elles fréquentent des organismes communautaires. En effet, dans une évaluation participative de la pauvreté avec des femmes bénéficiant de l’assistance sociale et membres d’une coopérative alimentaire, Baker Collins (2002) a noté que les rencontres de groupe en dehors des rencontres de la coopérative étaient nécessaires pour établir la confiance et favoriser la participation. De manière similaire, dans la présente étude, une participante a rapporté que sa participation au groupe lui permettait de

s’exprimer, ce qu’elle ne pouvait pas faire dans d’autres lieux, incluant dans un programme de l’organisme communautaire (voir le chapitre 6).

En plus, il peut être difficile d’agir à l’égard des mécanismes structurels lorsqu’aucun mouvement n’a été amorcé. En effet, dans sa recension des études, Wiggins (2012) a identifié que la participation avait été particulièrement significative dans un contexte où un mouvement pour récupérer des terres avait déjà été amorcé par un autre groupe. Aussi, il n’est pas toujours possible pour les personnes ayant moins de pouvoir de sentir qu’elles peuvent agir collectivement (Reid et coll., 2006). Étant donné ces contextes, il importe d’être réaliste par rapport à l’action.

Somme toute, l’approche de recherche participative et les méthodes participatives nécessitent de l’engagement, de la pratique, du temps ainsi que d’être réaliste par rapport à l’action, l’important étant surtout la découverte par chacun et chacune de sa propre situation et de sa propre action.