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Appréciation des effets du mail sur la charge mentale au travail

Introduction : rappel du cadre de l’étude et de ses objectifs

B) Choix du mail par rapport aux moyens traditionnels de communication

2. Appréciation des effets du mail sur la charge mentale au travail

Des différences d’appréciations entre chercheurs et secrétaires

L’appréciation critique des impacts du mail sur son poste de travail est plus positive chez les secrétaires que chez les chercheurs. Ceci est dû au fait que les secrétaires ont mieux intégrées l’outil dans leur poste de travail, tout simplement parce que cet outil correspond à leur cœur de métier.

Mais globalement les personnes interviewées sont relativement sceptiques sur les gains de temps réels et sur une potentielle amélioration de la productivité grâce à l’usage du mail. Qui plus est, certaines personnes considèrent que le mail participe à une densification de la journée de travail et qu’il génère un certain stress. Les chercheurs avancent deux éléments pour étayer cette impression :

- l’abondance des messages liée à une utilisation abusive des mailings listes qui encombrent les boîtes de messages inutiles et

- les demandes d’informations ou d’intervention sur un projet dont on attend qu’elles soient traitées en temps réel par le récepteur du message, le traitement des messages urgents posant autant de problèmes à l’émetteur qu’au récepteur.

Les secrétaires avancent également deux éléments pour étayer cette impression, mais ceux-ci sont d’une nature différente : - certaines secrétaires craignent que les relations humaines s’amenuisent or celle-ci représentent un intérêt professionnel et un facteur de motivation au travail non négligeable ;

- d’autres citent le fait que le mail par addition aux autres outils bureautiques génère un certaine forme de stress en augmentant le niveau d’exigence de leur supérieur hiérarchique, ce qui densifie leur journée de travail

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2.1. Le point de vue des chercheurs

L’engorgement des messageries est lié aux listes dans lesquelles figure leur adresse mail

Les chercheurs estiment que le seuil au-delà duquel leur messagerie est engorgée est de 20 messages. La source de cet engorgement est le nombre de messages qu’ils reçoivent par le biais des listes dans lesquelles figure leur adresse mail.

A ce niveau, les chercheurs dénoncent les listes d’abonnement et les listes publiques. Concernant les abonnements , les chercheurs notent que certains de ces abonnements "polluent" leur boîte en déversant régulièrement de nombreux mails qui se révèlent d’un intérêt bien moindre que ce qu’ils espéraient lorsqu’ils ont décidé de s’abonner. Mais surtout, ils notent les réelles difficultés qu’ils ont rencontrées pour mettre fin à certains de leurs abonnements, en indiquant que le mail n’échappe pas à une certaine forme de bureaucratie.

Concernant les listes publiques, c’est le mode de constitution de ces listes qui posent problèmes. Une personne reçoit un message envoyé a un groupe, la liste des personnes à laquelle il a été envoyé apparaît, mais les adresses individuelles n’apparaissent pas. Si l’un des destinataires souhaite joindre l’un des membres du groupe et qu’il ne possède pas son adresse personnelle, il peut, pour le joindre, envoyer son message à l’adresse du groupe. C’est ainsi que les personnes voient atterrir dans leur boîte des messages qui ne les concernent pas et dont ils ne connaissent pas l’expéditeur

La constitution de réseaux par le mail constitue un avantage certain, mais en même temps cet usage des listes constitue un effet pervers : l’engorgement des messageries peut parfois faire perdre de vue les informations stratégiques, et cet usage des listes est parfois ressenti par les individus comme une intrusion dans leur vie professionnelle et privée.

Le traitement des messages urgents pose autant de problèmes à l’émetteur qu’au récepteur

La non réponse à un message urgent perturbe l’émetteur du message. Ce dernier s’attend à une réponse immédiate car le mail rend toute personne est potentiellement joignable. Or, c’est souvent oublié que le récepteur peut, tout simplement, ne pas être en mesure de consulter sa messagerie, ou encore qu’il est surchargé de travail. Dans ce cas, la non réponse ne relève pas d’une stratégie qui viserait à pénaliser l’émetteur du message, mais relève tout

simplement d’un comportement coutumier des individus surchargés de travail : l’évitement, qui dans le cas du mail est facilité par l’absence de contact direct entre les interlocuteurs.

Les messages qui requièrent un traitement urgent "stressent" leur récepteur. Pour s’assurer de la réponse de son interlocuteur dans les meilleurs délais tout un chacun, ayant été en position de récepteur, tente d’attirer l’attention du destinataire en indiquant un délai de réponse ou en utilisant le signet "urgent" dans l’objet du message. Chez les chercheurs, certaines particularités de la relation au temps semblent renforcer leur stress ou leur agacement vis à vis des messages urgents qu’ils reçoivent. D’autant que dans les exemples mentionnés, le recours à la "procédure d’urgence" est essentiellement le fait de l’administration interne à leur organisation ou plus largement au ministère de la recherche ou au programme européen.

La représentation collective du mail selon laquelle toute personne peut aujourd’hui, grâce à la technique, prendre connaissance des messages et y répondre "d’un seul clic" semble générer, plus fréquemment qu’un autre moyen de communication, un sentiment de frustration ou un mouvement de colère chez l’individu en position d’émetteur, et un sentiment de culpabilité ou d’énervement chez l’individu en position de récepteur