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L’apport des premières études paléogénétiques à la compréhension du peuplement du sud de la Sibérie

I. 3.2.2.2 Depuis l’âge du Fer

I.4 L’apport des premières études paléogénétiques à la compréhension du peuplement du sud de la Sibérie

et de l’Altaï

Depuis une dizaine d’années, plusieurs études paléogénétiques ont été menées dans les régions du sud de la Sibérie, de l’Altaï ainsi que du Bassin du Tarim (Chikisheva et al., 2007;

Clisson et al., 2002; Gao et al., 2008; Gonzalez-Ruiz et al., 2012; Keyser et al., 2009;

Lalueza-Fox et al., 2004; Li et al., 2010; Molodin et al., 2012; Mooder et al., 2006; Pilipenko et al., 2010; Ricaut et al., 2004a; Ricaut et al., 2004b). Ces études se sont principalement intéressées aux populations des âges du Bronze et du Fer. Le climat aride et froid, parfois présent dans ces régions, a certainement contribué à une relativement bonne conservation de l’ADN au sein des échantillons biologiques étudiés. Ainsi, l’ensemble des résultats obtenus a permis d’avoir une première vision de la structuration temporelle et spatiale des lignées génétiques aux âges du Bronze et du Fer dans ces régions.

I.4.1 Les données mitochondriales

La plupart des études se sont uniquement intéressées aux données mitochondriales. Les résultats obtenus montrent qu’à l’âge du Bronze, des individus du sud de la Sibérie (culture d’Andronovo et de Karasouk) (Keyser et al., 2009), de l’Altaï russe (Chikisheva et al., 2007) ainsi que du Kazakhstan (Lalueza-Fox et al., 2004) étaient porteurs de lignées ouest-eurasiennes. Parmi ces lignées, figure la lignée e U5, également retrouvée chez des individus néolithiques à l’ouest du lac Baïkal (Mooder et al., 2006). Au contraire, dans l’Altaï mongol, les individus de l’âge du Bronze semblaient être majoritairement porteurs de lignées est-eurasiennes, bien que ce résultat soit à considérer avec prudence puisque seuls 3 individus ont été étudiés (Gonzalez-Ruiz et al., 2012). Cette structure génétique semble avoir ensuite évolué vers un mélange de lignées ouest- et est-eurasiennes à l’âge du Fer, dans l’ensemble des régions (Chikisheva et al., 2007; Gonzalez-Ruiz et al., 2012; Keyser et al., 2009; Lalueza-Fox et al., 2004; Ricaut et al., 2004a; Ricaut et al., 2004b).

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Néanmoins, des haplogroupes est-eurasiens semblent avoir diffusé au-delà de ces régions avant l’âge du Bronze puisque l’haplogroupe C a été retrouvé en Ukraine au néolithique et à l’âge du Bronze (Newton, 2011; Nikitin et al., 2012), les haplogroupes A, C, D, et Z ont été retrouvés dans l’ouest de la Sibérie dès le début de l’âge du Bronze (Molodin et al., 2012) et les haplogroupes C, D et Z dans le nord-est de l’Europe il y a environ 3500 ans (Der Sarkissian et al., 2013). Ces résultats suggèrent donc au moins un flux génique d’est en ouest avant l’âge du Fer.

Dans le Bassin du Tarim, la population présentait dès l’âge du Bronze un mélange de lignées mitochondriales est- et ouest-eurasiennes (Li et al., 2010).

I.4.2 Les données du chromosome Y

Bien que très informatives de l’origine biogéographique des populations, les lignées paternelles ont été beaucoup moins étudiées du fait de la plus grande difficulté à retrouver de l’ADN nucléaire au sein des organismes anciens, contrairement à l’ADN mitochondrial qui est présent en un nombre plus élevé de copies. Les deux études majeures ont révélé la présence de façon quasi exclusive de l’haplogroupe R1a1a (90% pour les individus sud-sibériens et 100% dans le bassin du Tarim) (Keyser et al., 2009; Li et al., 2010). Cet haplogroupe a également été retrouvé chez un individu Xiongnu au nord-est de la Mongolie (Kim et al., 2010).

La distribution actuelle de l’haplogroupe R1a1a, en Europe centrale, dans le sud de la Sibérie ainsi qu’en Inde, amène certains auteurs à proposer l’haplogroupe R1a1a comme un marqueur ou signature génétique de l’expansion des Indo-Européens (Semino et al., 2000; Wells et al., 2001). Néanmoins cette théorie est remise en question par d’autres auteurs qui proposent, pour cet haplogroupe, un foyer d’origine en Asie du Sud (Mirabal et al., 2009; Sharma et al., 2009). Des études plus récentes ont affiné la phylogénie de cet haplogroupe et mis en évidence la présence de sous-haplogroupes qui sépareraient des lignées européennes et asiatiques actuelles (Pamjav et al., 2012; Underhill et al., 2010). Ainsi, l’étude de ces marqueurs pourra surement apporter des éléments supplémentaires et aider à préciser l’origine de ces lignées masculines.

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I.4.3 Les données autosomales

Peu de données génétiques proviennent de marqueurs autosomaux pour ces populations anciennes. A quelques exceptions près, seule l’étude de sujets sud-sibériens des âges du Bronze et du Fer a livré ce type d’informations. Les caractères phénotypiques tels que la couleur de la peau, des cheveux et des yeux ont été étudiés et les résultats obtenus suggèrent que la plupart des individus avaient probablement le teint pâle ainsi que les cheveux et les yeux clairs. Des marqueurs appelés AIM (Ancestry Informative Markers) ont également été étudiés. Ils ont été choisis du fait des différences importantes de fréquence allélique entre les populations (ici Africaine, Asiatique et Européenne). L’analyse de ces marqueurs a révélé que les sujets sud-sibériens anciens étaient génétiquement proches des populations européennes actuelles. Ainsi, l’ensemble de ces données suggère une probable origine européenne pour ces sujets anciens (Bouakaze et al., 2009; Keyser et al., 2009).

Ces données ont également permis de s’intéresser à la question du peuplement du bassin du Tarim. En effet, les données phénotypiques obtenues ainsi que la présence de l’haplogroupe R1a1a à la fois chez des individus du bassin du Tarim et chez des individus sud-sibériens de l’âge du Bronze ont renforcé l’hypothèse d’un lien entre les populations des steppes et les populations du bassin du Tarim. La découverte, au début du XXème siècle, dans le bassin du Tarim, de momies parfaitement conservées au phénotype plutôt européen, datant pour les plus anciennes du début du IIème millénaire avant J.-C, avait amené de nombreuses interrogations quant à leur origine et au peuplement de cette région. Deux hypothèses ont alors été proposées (Hemphill and Mallory, 2004). La première, correspondant à un peuplement de la région par des agriculteurs sédentaires à partir des oasis de la Bactriane, région à cheval sur les régions actuelles de l’Afghanistan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan. La seconde, proposant un peuplement à partir des populations des steppes du Nord par les porteurs de la culture d’Afanasievo puis de celle d’Andronovo. Les données génétiques obtenues sur les deux groupes anciens de l’âge du Bronze, issus du sud-sibérien et du bassin du Tarim vont donc dans le sens d’un peuplement par des populations venues du Nord des steppes (Keyser et al., 2009).

Ainsi, bien que les premières études aient permis d’apporter des éléments essentiels à la compréhension du peuplement de cette région, le nombre de données disponibles reste encore

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relativement faible. Seules deux études d’ADN ancien se sont intéressées aux données du chromosome Y. De la même façon, très peu de données sont disponibles concernant les individus inhumés dans l’Altaï mongol. C’est dans ce contexte qu’a donc été initié ce travail de thèse.