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Depuis le début de l’année 2007, je participe à un programme de recherche financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et intitulé « Quels agro-systèmes et quelles politiques publiques pour une gestion durable des ressources en eau ?» (APPEAU). J’ai élaboré avec Philippe Le Grusse le contenu du troisième volet (ou « work package ») de ce programme [S-05]. Ce troisième volet propose de construire avec les acteurs locaux une représentation du système dans lequel ils agissent, et d’utiliser cette représentation au sein d’un jeu de simulation (Piveteau, 1996 ; Gaudé, 2003) pour faciliter l’émergence de règles d’accès aux ressources en eau pour les différents usagers (Le Bars et al., 2004 ; Le Grusse et al. 2006). Cette démarche sera mise en œuvre sur deux sites58 où la problématique de la gestion de l’eau se pose différemment.

Dans la vallée de la Drôme, il s’agit du renouvellement du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE). Les usages agricoles de l’eau se situent principalement en aval avec des prélèvements dans la rivière. L’agriculture est le moteur du développement économique : les productions agricoles, qui sont transformées sur place, facilitent l’installation d’ateliers d’élevage avicoles, et l’ensemble génère des emplois dans l’agro-industrie. En amont, les usages de l’eau à des fins touristiques prédominent. L’activité touristique, qui venait compléter les revenus agricoles, est devenue principale. Ces deux usages sont évidemment plus importants en été, époque où le débit est le plus faible. La construction d’un modèle régional de l’irrigation avec les représentants de la profession permettra de rendre compte de la demande agricole en eau, et surtout de l’impact économique de restrictions éventuelles. Les discussions avec les autres représentants des usagers pourront s’appuyer sur ce modèle.

Dans le Tarn et Garonne, nous travaillons avec la Communauté de Communes de Lomagne Tarn et Garonnaise (CCLTG). La mise en place des nouvelles règles de la Politique Agricole Commune (PAC) en 2004 a engendré de profonds changements d’orientation dans les exploitations, avec notamment un abandon de l’irrigation dans certaines d’entre elles59. Aujourd’hui, de nouvelles questions se posent. Comment vont réagir les agriculteurs à l’envolée des prix des céréales et à la suppression du gel de terre obligatoire ? Comment exploiter au mieux les ressources en eaux distribuées dans les retenues ou par la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne ? Il faut aussi préparer la mise en place de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau. Comment appliquer au mieux les mesures agri-environnementales visant à protéger la qualité des eaux, et quelles conséquences auront-elles sur le revenu des exploitations ?

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Les travaux, qui ont démarré depuis une année ont permis de rassembler les données nécessaires aux typologies, mais les modèles régionaux ne sont pas encore construits.

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Dans les deux cas, il s’agit de construire, avec les acteurs locaux, un modèle de l’activité agricole distribuée dans l’espace. Mais construire un modèle régional pour représenter la situation actuelle ne suffit pas, il faut l’utiliser pour « jouer au stratège en chambre ». Pour cela, il faut imaginer et tester des scénarios avec les acteurs ; la collaboration avec des spécialistes des jeux de simulation est alors nécessaire. Associé à des modèles biophysiques des processus agronomiques et hydrologiques, le modèle régional pourra servir de plateforme de jeu aux agriculteurs représentant les diverses exploitations-types. Ce jeu consistera à mettre ces acteurs en situation de décision face aux changements envisagés. Après agrégation des choix individuels, les conséquences de ces choix individuels seront évaluées à l’échelle régionale au plan des résultats économiques, comme au plan de l’exploitation et de l’évolution des ressources. Ces conséquences « globalisées » serviront alors à critiquer les choix individuels.

Pour la Lomagne, on peut se contenter d’un « jeu » avec les agriculteurs seuls. Mais le SAGE de la Drôme concerne d’autres catégories d’acteurs. Il faudra donc aller plus loin. Tout d’abord, il sera nécessaire d’élaborer un modèle des activités pour chaque catégorie d’usage. Puis un autre, constitué de l’activité agrégée de chacune de ces catégories et destiné à confronter les usages. Le jeu avec les différents types d’usagers pourra alors permettre à chacun d’eux de prendre connaissance des points de vue des autres.

Si le cadre proposé s’avère pertinent dans la Drôme pour rendre compte d’usages multiples, il peut alors être utilisé à l’échelle d’un plus grand bassin. Pourquoi pas celui du fleuve Niger, par exemple, qui a été choisi comme « bassin de référence » pour le Challenge Programme Eau et Alimentation60 (CPWF) ? Il s’agirait d’utiliser le principe d’emboîtement des activités que propose mon cadre de modélisation pour représenter les résultats de travaux menés à différentes échelles et pour tester la cohérence de l’ensemble.

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Le CPWF, initié par le Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale (CGIAR), est un programme de recherche international et multi-institutionnel dont le but est d’accroître la productivité de l’eau utilisée en agriculture et de réduire sa consommation, de manière à couvrir les autres usages, notamment environnementaux. Les travaux sont réalisés sur neuf bassins versants jugés caractéristiques, auxquels le bassin du Niger a été ajouté sur initiative française (la France, qui dispose d’une longue expérience sur le bassin du Niger, finance des travaux sur ce dixième bassin).

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Conclusion

Benoît et al. (op. cit.), qui ont développé l’approche « géoagronomique », concentrent l’analyse et la modélisation sur les interrelations dans la trilogie « acteurs – activités – territoires ». Ces méthodes sont tout à fait pertinentes pour la compréhension de ces interrelations. L’approche que je propose est complémentaire de la leur et davantage orientée vers l’action. Elle focalise l’analyse et la modélisation sur les activités et rend compte de leur répartition spatiale, sans intégrer les interactions dans le modèle. Cette externalisation des interactions donne de la simplicité au modèle, ce qui favorise son appropriation par les acteurs et son utilisation pour la gestion (Axelrod, 1997; Conte, 1997). La spatialisation des résultats des activités et leur superposition avec d’autres cartes constituent ensuite des bases efficaces de réflexion sur les interrelations, notamment entre usages et ressources, et sur leurs évolutions possibles. Car c’est l’évolution de ces interrelations qui est au cœur de l’anthropisation des milieux, de sa maîtrise et de son caractère durable.

L’objectif de la présentation de ce mémoire est de pouvoir diriger des travaux de recherche, notamment des thèses. J’envisage dès à présent deux sujets qui s’inscrivent dans ce projet.

Le premier sujet concernerait l’évaluation de l’anthropisation d’un grand bassin à l’aide d’une représentation définie sur la base d’entités-activités comme celles que je propose. Il s’agirait tout d’abord de montrer comment les diverses ressources - l’eau, mais aussi la force de travail ou l’espace, comme dans la vallée et le delta du fleuve Sénégal par exemple - sont partagées entre plusieurs activités. Il faudrait ensuite vérifier si cette représentation permet aux acteurs – et aux chercheurs – d’émettre leur diagnostic sur le partage actuel des ressources, puis il importerait de réfléchir à de nouveaux partages en fonction des évolutions prévisibles des activités. Un objectif commun pourrait alors s’imposer aux acteurs : maîtriser l’efficacité économique et la durabilité sociale et environnementale de leurs activités.

Un second sujet s’attacherait à la prise en compte explicite du temps dans l’entité-activité et dans les représentations qui les utilisent. L’ajout de la dimension temporelle permettrait dans une première étape de représenter un processus de production simple (consommation – production) ou de coupler une activité simple avec un modèle biophysique de même nature (un modèle biophysique qui représente le processus sur lequel est fondé l’activité). La seconde étape concernerait la représentation d’une succession d’activités dans le temps. Pour ces deux étapes, une analyse bibliographique devrait indiquer des voies susceptibles de combiner des processus et des

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successions qui fonctionnent à des rythmes différents. La dernière étape enfin exigerait d’envisager le couplage entre un modèle d’activité – comme celui que j’ai proposé pour une petite région agricole par exemple – et un modèle biophysique d’évolution d’une ressource – l’eau par exemple. A chaque étape, il faudrait également mesurer le coût du nouveau principe de modélisation, et chercher à résoudre la difficulté de construire des modèles compatibles avec des acteurs capables de les mettre en oeuvre.

Ces travaux s’efforceront avant tout d’effectuer une revue bibliographique sur les modes de représentation des environnements anthropiques. Cette revue aura pour but d’analyser l’originalité du cadre de modélisation proposé en le resituant par rapport à d’autres travaux fondés sur l’usage combiné de SIG et relatifs à une anthropisation du milieu, notamment dans le champ de l’aménagement des territoires.

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III-1 Curriculum Vitae