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Chapitre IV. Les modules photovoltaïques organiques

IV.1. Généralités sur les modules photovoltaïques organiques

IV.1.1. Applications des modules photovoltaïques organiques

Etant donné que la technologie OPV provient de recherches relativement récentes, sa maturité ne peut être aussi aboutie que celle de sa version inorganique. Néanmoins, certains produits sont déjà disponibles commercialement et diverses applications ont été envisagées au fur et à mesure des avancées technologiques. Deux catégories principales se distinguent, à savoir les modules portatifs et l’intégration à l’architecture urbaine. D’autres possibilités sont aussi apparues plus récemment.

IV.1.1.1. Dispositifs portatifs / embarqués

Parmi les arguments de vente des produits OPV se trouve leur légèreté, due à celle du substrat plastique de quelques centaines de microns d’épaisseur couplée à l’ensemble des couches de l’empilement OPV qui atteint à peine le micron. En combinant cela avec la flexibilité de tels dispositifs on peut facilement envisager de les intégrer à des systèmes portables. Leur rendement restant limité, il faudra néanmoins déployer une surface suffisamment grande pour atteindre les besoins énergétiques de l’application visée. Un exemple de panneau OPV que l’on peut emporter partout avec soi est illustré en Figure IV.2 : ce chargeur de portable compact sera bientôt vendu à moins de 100€. Développé par la start-up infinityPV à l’université de Copenhague (www.infinitypv.com) il comporte un module OPV déroulable, une batterie et l’électronique nécessaire au fonctionnement.

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Figure IV.2. Module HeLi-on pour recharge de téléphone portable développé par InfinityPV

Par ailleurs, des sacs à dos et à bandoulière comportant des modules photovoltaïques existent depuis plusieurs années, cependant ils n’incluent pas encore de couches organiques. Un des seuls projets aboutis à ce jour provient de la collaboration de BELECTRIC OPV avec l’université des sciences appliquées de Berlin, qui a mené au « BendyBag » montré sur la Figure IV.3. Il reste pour le moment à l’état de concept et n’est pas disponible à l’achat.

Figure IV.3. Projet « BendyBag » développé par BELECTRIC OPV et l’université des sciences appliquées de Berlin (source : http://saa149.vulpecula.uberspace.de/albums/bendy-bag/)

La notion de système embarqué s’applique également à une intégration aux véhicules et autres moyens de locomotion. De toute évidence, ce ne sera que pour un soutien énergétique sur quelques applications légères. A ma connaissance, aucun cas commercialisé, impliquant l’OPV, n’est recensé pour les voitures. Toutefois certains exemples laissent espérer un futur développement de peintures automobiles photovoltaïques qui pourront être organiques (ou éventuellement à base de pérovskites). Le prototype Vision G-Code de Mercedes-Benz fait office de vision d’avenir, avec sa peinture d’argent déclarée « multi-voltaïque » qui peut convertir les énergies solaire et éolienne en électricité pour le véhicule (www.mercedes-benz.com). Plusieurs entreprises y travaillent déjà mais dans la confidentialité habituelle, NanoFlex aux Etats-Unis semble prête à bientôt communiquer sur ce sujet (www.nanoflexpower.com/automotive). Ce concept s’applique de même à tous les moyens de transport pouvant supporter une certaine surface recouverte par des modules OPV, dans la mesure où ces derniers présentent une durée de vie décente.

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IV.1.1.2. Intégration dans l’architecture urbaine

En perpétuelle évolution, l’architecture s’est toujours efforcée de rechercher les dernières avancées matérielles et technologiques pour les adapter à ses besoins. Des panneaux photovoltaïques, à base de silicium notamment, sont présents sur les toits de bâtiments depuis la fin des années 1970, et leur « démocratisation » s’est accélérée au début des années 2000 avec les offres sur le tarif d’achat de l’électricité redistribuée dans le réseau global. Certains inconvénients liés à leur poids et la nécessité de refroidir l’arrière des panneaux ont conduit à l’amincissement de ces dispositifs via le développement de technologies couches minces (cuivre, indium, sélénium appelé aussi CIS, ou CIGS s’il y a présence de gallium, voir section III.1.1 sur les différentes technologies photovoltaïques). Dans ce contexte, les modules OPV représentent une aubaine pour les architectes de par leur légèreté et la possibilité d’adapter leur apparence avec les couleurs et la transparence. Encore une fois, leur efficacité reste moindre comparée à l’inorganique, cependant leur fabrication est moins coûteuse et ils sont plus facilement intégrables. A coût égal, leur surface peut donc être bien plus importante afin de se rapprocher de la productivité des panneaux inorganiques. Un des premiers exemples concrets d’installation OPV dans le paysage est venu de l’entreprise américaine Konarka, qui a malheureusement déposé le bilan en 2012, avec des toits d’abris-bus ou de parking comme illustré sur la Figure IV.4.

Figure IV.4. Premier exemple d’intégration de panneaux OPV par l’entreprise Konarka

Plus récemment sont apparues des réalisations provenant d’entreprises allemandes très en avance, telles qu’Heliatek (premier mur en béton recouvert de modules OPV en Europe, inauguré en mai 2015, voir Figure IV.5) ou BELECTRIC OPV qui a récupéré tout le savoir-faire de Konarka (pavillon de l’Allemagne à l’exposition universelle 2015 de Milan, siège de l’Union Africaine pour la sécurité et la paix à Addis Abeba en Ethiopie, voir Figure IV.6).

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Figure IV.5. Premier mur solaire à Herne (Allemagne) réalisé avec des panneaux OPV par les entreprises Heliatek et Reckli

Figure IV.6. Réalisations OPV par l’entreprise BELECTRIC (pavillon allemand de l’exposition universelle 2015 à Milan à gauche, siège de l’Union Africaine pour la paix à Addis Abeba à droite)

Enfin un projet soutenu par BELECTRIC OPV et l’institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l’environnement et les matériaux (IPREM) de Pau devrait voir le jour en France, dans des villages de la communauté des communes de Vic-Montaner située dans le sud-ouest. Adaptées à chaque endroit selon l’architecture et les besoins locaux, des installations OPV doivent être intégrées dans le paysage comme montré sur la modélisation de la Figure IV.7.

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Figure IV.7. Projet d’installations OPV dans la commune de Pujo, située dans le sud-ouest de la France

Par ailleurs, l’intégration de dispositifs OPV dans la construction de bâtiments devient de plus en plus envisageable, autant sur les murs et les toits que dans les fenêtres car ces dispositifs ont la capacité d’être transparents en plus d'être adaptable à tout type de substrat [4]. En s’inspirant des cellules de Grätzel dont la couleur est très facilement adaptable grâce aux colorants utilisés, il est également possible d’ajuster l’apparence d’une cellule OPV en sélectionnant la couleur du film de la couche active (cependant cela aura un impact sur l’efficacité des cellules) [5]. Et pour recentrer le sujet sur les Ag NWs, plusieurs exemples de dispositifs transparents ont été cités dans la revue bibliographique du Tableau 1.b en annexe et sont donc envisageables en tant que « fenêtre intelligente ». Le facteur limitant dans ce cas reste l’effet de « haze » décrit dans la partie I.1.3.4.b qui doit être maîtrisé car, bien qu’il soit bénéfique au fonctionnement des cellules, une apparence laiteuse reste indésirable pour la plupart des vitrages.

IV.1.1.3. Autres applications possibles

Quant aux utilisations à plus grande échelle du photovoltaïque, elles sont bien évidemment accessibles aux modules OPV. Tous les travaux publiés jusqu’à présent sont attribués au pionnier de l’OPV fabriqué par voie liquide sur grande surface souple, à savoir le professeur Krebs et son équipe de recherche. Après avoir réalisé le premier montage de modules OPV connectés à un réseau électrique en 2009 [6], ils se sont attelés à la mise en place d’un parc solaire OPV de plus de 600 mètres de long dont un aperçu est visible sur la Figure IV.8 [7]. Cette installation supporte une surface active de 88,2 m², et ses modules peuvent être montés et démontés simultanément à une vitesse dépassant les 100 m/min. Une telle prouesse est seulement possible grâce à la légèreté et la flexibilité des dispositifs OPV, comparés aux autres technologies photovoltaïques qui impliquent des moyens bien plus conséquents. De plus les modules ont également été testés en conditions réelles au Rwanda durant 5 mois, pour des applications d’électrification en milieu rural [8]. Dans un autre

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registre la même équipe a testé l’efficacité de modules OPV lorsqu’ils sont portés dans le ciel sur un ballon à hélium ou posés au bord de l’eau, deux scénarios plausibles dans le sens où l’éclairement y est plus important que sur la terre ferme [9]. Les résultats de toutes ces tests initiaux sont encourageants et démontrent le potentiel de l’OPV à produire de l’électricité à partir d’installations légères autant du point de vue du poids que de la fabrication et son coût.

Figure IV.8. Installation du parc solaire OPV selon le « Infinity concept » (illustré dans le coin gauche inférieur)[7]

Ce ne sont donc pas les opportunités qui manquent pour mettre les modules OPV en application, reste à savoir quelle orientation sera privilégiée. Pour le moment le travail reste partagé entre les laboratoires universitaires qui se focalisent principalement sur les matériaux et leur mise en forme, et les entreprises qui développent et testent les produits finis. Une fois les problèmes de stabilité et de temps de récupération énergétique (« energy payback time ») correctement traités, de nombreuses portes devraient s’ouvrir. A priori, la seule entreprise à vendre de l’OPV aux particuliers reste infinityPV qui est, sans surprise, une start-up issue du groupe du professeur Krebs. Après le passage en revue des nombreuses applications possibles pour les modules OPV, le travail effectué en amont va maintenant être abordé.

IV.1.2. Notions théoriques et pratiques sur les